![Manutention à distance d'un colis enveloppant un couvercle de cuve d'un réacteur au Centre de stockage de l'Aube (CSA).](https://static.latribune.fr/full_width/2403266/colis-couvercle-cuve-reacteur.jpg)
Dans quelques jours, ou semaines tout au plus, l'EPR de Flamanville franchira une nouvelle étape cruciale dans sa phase de démarrage, celle de l'initiation du processus de réaction nucléaire en chaîne : « la divergence » dans le jargon atomique. Très concrètement, il s'agira de projeter un neutron sur un atome d'uranium très lourd, lequel éclatera et libérera alors de l'énergie, mais aussi d'autres neutrons qui casseront à leur tour d'autres noyaux, et ainsi de suite, de sorte que la réaction s'auto-entretiendra.
En se cassant, ces noyaux d'uranium deviennent radioactifs et contaminent alors les matériaux alentour et notamment les parois de la cuve du réacteur, une sorte de grosse cocotte-minute où se déroule cette réaction. Son couvercle, qui prend la forme d'une coupole métallique hémisphérique, n'échappe pas à ce phénomène, même s'il reste éloigné du cœur du réacteur où se trouvent les fameux crayons combustibles. Du fait de cette distance, il deviendra, à la fin de sa vie, ce qu'on appelle un déchet de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VA). Cela signifie que la très grande majorité de sa radioactivité aura disparu dans un délai d'environ 300 ans. Il devra donc être stocké dans le centre de stockage de l'Aube (CSA) de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) avec tous les autres déchets FMA-VA.
Une durée de vie extrêmement courte
Jusque là, rien d'inhabituel... À un détail près : sa durée de vie sera extrêmement courte. En effet, le couvercle de l'EPR de Flamanville ne sera utilisé que pour un seul et unique cycle de fonctionnement, soit 15 à 18 mois environ, contre plusieurs dizaines d'années pour la plupart des autres couvercles de cuve de réacteur atomique. Et ce, en raison d'une anomalie de fabrication de l'acier du couvercle, détectée par Areva NP il y a près de dix ans maintenant. Initialement, le couvercle devait être changé avant le 31 décembre 2024. Cependant, en mai 2023, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a accepté qu'EDF reporte à 2025 ce changement, le gendarme du nucléaire précisant qu'un remplacement du couvercle « avant la mise en service du réacteur conduirait à reporter celle-ci d'environ un an ». Un scénario non envisageable pour l'électricien, dont le chantier a cumulé douze années de retard...
Ce n'est pas le premier couvercle de cuve de réacteur qui sera stocké. « Nous en avons déjà reçu 56 entre 2005 et 2019 », explique Éric Lanes, chef du département spécifications et contrôles colis, au sein de la direction industrielle de l'Andra. Les couvercles des réacteurs de 900 mégawatts (MW) et de 1.300 MW ont, en effet, déjà été remplacés, sur décision d'EDF et par mesure préventive, suite à l'identification, en 1994, de défauts sur certaines traversées (sorte de manchettes connectées au couvercle, qui permettent de piloter le réacteur).
Revoir la quasi-totalité des équipements
Selon la puissance du réacteur, le poids des colis des couvercles déjà stockés oscille entre 100 et 120 tonnes ! Des pièces hors normes, qui contraignent l'Andra à réaliser des demandes d'autorisation spécifiques à l'ASN pour procéder à leur stockage. Dans cette optique, l'agence en charge des déchets radioactifs a entamé, il y a déjà deux ans, des discussions avec EDF afin de concevoir et construire un colis et un ouvrage de stockage ad hoc pour accueillir le couvercle de l'EPR de Flamanville. Le 57ème donc. Avec ses six mètres de diamètre et ses 130 tonnes, celui-ci « sera le plus gros et le plus lourd déchet à stocker au sein du CSA », indique Éric Lanes. « Nous allons devoir redessiner la quasi-totalité des équipements dont nous nous étions servis pour les autres couvercles. Il n'y a que le pont roulant que nous pourrons réutiliser », poursuit-il en évoquant « des milliers d'heures d'ingénierie » et des investissements se chiffrant en plusieurs « millions d'euros ».
Pour l'heure, l'Andra ne s'avance pas sur une date de dépôt de demande d'autorisation auprès de l'ASN. « Cela peut prendre plusieurs années », commente toutefois Éric Lanes. Une fois remplacé, le couvercle défectueux sera donc « conditionné et entreposé, dans un bâtiment prévu à cet effet sur le site de Flamanville », détaille EDF dans un e-mail adressé à La Tribune. Dans un second temps seulement, il sera transféré vers le centre de stockage de l'Aube, situé à l'est de Troyes. Après un long périple de quelque 600 kilomètres par convoi exceptionnel escorté par la gendarmerie, les équipes de l'Andra se chargeront de le descendre dans un ouvrage réalisé sur mesure, puis injecteront un béton spécifique à l'intérieur et à l'extérieur du colis. « À la fin, vous avez un couvercle de cuve qui est entièrement pris dans le béton », précise Éric Lanes.
Pas d'alerte sur la capacité d'accueil
Pas d'alerte concernant la capacité d'accueil du CSA en termes d'espace. « Le site dispose d'un million de mètres cubes de capacité autorisée et nous sommes aujourd'hui à environ un tiers », rassure Éric Lanes. Quant aux couvercles de cuve déjà stockés, même si chacun d'entre eux est très volumineux, ensemble ils ne représentent que 0,7% du volume total des déchets stockés sur le site, soit 2.643 mètres cubes, sur un volume total de 378.500 mètres cubes à fin 2023. Le nouveau couvercle de Flamanville 3, lui, sera livré prochainement sur le site, indique EDF, sans toutefois donner plus de précisions sur le calendrier. En mai dernier, l'ASN évoquait une livraison prévue pour la fin de l'été. Framatome, en charge de sa fabrication, n'a pas répondu à nos sollicitations.
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