![Corinne le Quéré, la présidente du Haut conseil pour le climat, dont le mandat s'achève dans quatre jours.](https://static.latribune.fr/full_width/2393889/corinne-le-quere.jpg)
C'est un constat inédit et sans doute une note d'espoir pour l'action climatique française. Le Haut conseil pour le climat, qui publie, ce jeudi 20 juin, son sixième rapport annuel, « conclut pour la première fois que l'objectif [de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ndlr] de 2030 est accessible », a révélé, lors d'une conférence de presse, Corinne Le Quéré, la première présidente de cette institution indépendante qui fait référence pour évaluer l'action du gouvernement en la matière.
« La France a connu, pour la première fois en 2023 (hors crise Covid), un rythme de baisse de ses émissions de gaz à effet de serre dont l'ampleur - si elle se maintient dans les années à venir - est cohérente avec une trajectoire de décarbonation permettant d'atteindre ses objectifs pour 2030 », détaille le rapport.
Un risque de recul
Reste que cette affirmation est assortie d'un certain nombre de conditions : consolider et poursuivre les efforts actuels, renforcer les actions structurelles, préserver les capacités d'absorption des puits de carbone forestiers et, enfin et surtout, se doter d'un cap clair. Et c'est bien là où le bât blesse : la climatologue québécoise, dont le mandat s'achèvera dans quatre jours, n'a cessé de partager son inquiétude quant au décalage du calendrier législatif. « Il y a un véritable risque de recul de l'action climatique », affirme-t-elle à La Tribune.
« Ni la loi de programmation énergie et climat, ni la Stratégie française énergie et climat, ni la 3e Stratégie nationale bas carbone, ni le 3e Plan national d'adaptation au changement climatique, ni la 3e Programmation pluriannuelle de l'énergie [PPE, ndlr] n'ont été formellement adoptés, en dépit des obligations législatives », résume le Haut conseil pour le climat dans son dernier rapport. « Le renouvellement de ces documents cadres est désormais urgent pour maintenir la structuration de la politique nationale de réduction des émissions et d'adaptation au changement climatique », insistent les experts dans l'épais document, faisant part de leur « vive préoccupation sur ces délais qui fragilisent la crédibilité de la politique climatique de la France ».
Inquiétude sur la disponibilité d'une électricité décarbonée
Les principales inquiétudes tiennent notamment au retard de l'élaboration de la PPE et concernent les soutiens « insuffisants », bien que « structurés », au déploiement des énergies renouvelables au regard « des risques sur la disponibilité en électricité décarbonée à l'horizon 2035 » que fait peser « la stratégie de renouvellement du parc nucléaire actuel », estime l'institution. Laquelle s'inquiète de « la forte incertitude industrielle du secteur » de l'atome civil.
Pour rappel, l'exécutif a acté la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR 2. Ces centrales de grande puissance ne devraient toutefois pas être mises en service avant 2035-2037. Ce qui ne permettra pas de répondre au besoin accru de production de courant nécessaire à l'électrification de la mobilité, de l'industrie et des bâtiments à l'horizon 2030 afin de sortir des énergies fossiles.
La dissolution de l'Assemblée, un nouveau coup d'arrêt
Or, le contexte politique actuel n'est pas de nature à arranger la situation. En effet, la dissolution de l'Assemblée nationale, décidée par Emmanuel Macron le 9 juin dernier, après que le Rassemblement national (RN) ait recueilli plus de 30% des votes aux élections européennes, met entre parenthèses un certain nombre de dossiers. Et ce, puisque dès la publication du décret de dissolution et jusqu'aux nouvelles élections, tous travaux cessent à l'Assemblée nationale. Le Sénat, bien que toujours en place, a, lui, décidé de suspendre également ses travaux en séance publique, tradition républicaine oblige. Par ailleurs, en raison d'une nouvelle campagne électorale en cours, les membres du gouvernement doivent observer une période de réserve, ce qui décale, là aussi, la présentation de plusieurs textes très attendus par les acteurs du climat.
Et, alors que les sondages placent en tête le RN pour les élections législatives anticipées, l'inquiétude quant à l'avenir de l'action climatique en France apparaît comme légitime. En effet, le climat est quasiment absent du programme défendu par Jordan Bardella. Par ailleurs, l'exemple de partis d'extrême droite au pouvoir dans d'autres pays montre que ces derniers défendent généralement l'intérêt de l'industrie des énergies fossiles, néfastes pour la climat. Toutefois, Corinne Le Quéré, qui ne prévoit pas de se présenter pour un nouveau mandat, s'est refusée à commenter directement la situation. « L'action climatique est nécessaire quel que soit le gouvernement. Ce n'est pas une question politique. Il s'agit de protéger la planète, les populations et les actifs économiques », s'est-elle contentée d'affirmer.
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