![La dissolution de l'Assemblée nationale met un nouveau coup d'arrêt à un certain nombre de textes clefs.](https://static.latribune.fr/full_width/2390151/eolienne.jpg)
Les dossiers concernant la transition écologique avaient déjà été largement fragilisés en début d'année, entre retards liés au remaniement ministériel et crise agricole. La dissolution de l'Assemblée nationale, décidée par Emmanuel Macron dimanche 9 juin, après que le Rassemblement national ait recueilli plus de 30% des votes aux élections européennes, met un nouveau coup d'arrêt à un certain nombre de textes clefs.
En effet, dès la publication du décret de dissolution et jusqu'aux nouvelles élections, tous travaux cessent à l'Assemblée nationale. Le Sénat, bien que toujours en place, a décidé de suspendre également ses travaux en séance publique, tradition républicaine oblige. La Chambre haute ne reprendra donc son activité qu'à partir du 18 juillet, une fois la nouvelle Assemblée installée. Par ailleurs, en raison d'une nouvelle campagne électorale en cours, les membres du gouvernement doivent observer une période de réserve, ce qui décale, là aussi, la présentation de plusieurs textes très attendus par les acteurs de l'environnement et du climat. Etat des lieux.
ENERGIE & CLIMAT
- La concertation sur la PPE et la stratégie bas carbone de la France
Une grande loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) était attendue à l'été 2023 au plus tard. Devait en découler la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), véritable feuille de route de la transition énergétique du pays, qui détaille notamment les objectifs de puissance à atteindre filière par filière (solaire, éolien terrestre, en mer, biogaz, nucléaire, etc). Après moult décalages, l'exécutif a finalement décidé d'abandonner tout projet législatif pour définir cette PPE, lui préférant la voie réglementaire afin d'éviter un débat parlementaire houleux. La PPE fera donc l'objet d'un simple décret, rédigé néanmoins après la tenu d'un énième débat public dont le coup d'envoi était justement prévu cette semaine. Mais en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale et de la période de réserve, cette concertation sur la PPE et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui, elle, définit la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sera finalement décalée à juillet. Et ce, « afin de permettre au plus grand nombre d'y participer », précise le cabinet du ministre de l'Energie Roland Lescure. Pour l'heure, aucune date précise n'a été donnée.
Les sénateurs devaient, quant à eux, débuté mardi 11 juin l'examen en séance de la proposition de loi de programmation énergétique du sénateur (LR) des Vosges Daniel Gremillet, non content que l'exécutif ait décidé de régler cet épineux débat par voie réglementaire. Les travaux de la chambre haute étant également suspendus, cet examen n'a pas eu lieu.
- Le partage de la valeur de l'agrivoltaïsme
Le 9 avril dernier, un décret encadrant l'agrivoltaïsme, qui consiste à déployer des panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles, a été publié après de nombreux mois d'attente. Mais celui-ci ne traitait pas l'épineuse question du partage de la valeur, laquelle devait être abordée par un groupe transpartisan à l'Assemblée nationale, dont les travaux ont été suspendus, relève Contexte. Alors que les énergéticiens voient dans les terres agricoles un puissant levier pour atteindre les objectifs très ambitieux du gouvernement (100 gigawatts de photovoltaïque à l'horizon 2035, contre une vingtaine actuellement), la perspective d'un déploiement massif de ce mode de production d'énergie inquiète une partie du monde agricole.
- La nouvelle stratégie nationale hydrogène
Le flou plane sur la stratégie nationale hydrogène qui devait être présentée dans le courant de l'été, après de multiples reports puisque celle-ci devait initialement être dévoilée en juillet 2023. La filière redoute de perdre encore du temps, alors même que le marché de l'hydrogène rencontre un certain nombre de difficultés. Contacté par la rédaction, l'entourage de Roland Lescure ne se prononce pas encore sur un éventuel report.
- Le plan national d'adaptation au changement climatique
La présentation du troisième plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC), qui comprend une série de mesures pour préparer la France à un réchauffement de +4 degrés à l'horizon 2100, elle aussi n'a cessé d'être décalée au cours des derniers mois. Le rendez-vous avait été fixé après les élections européennes, mais est désormais repoussé indique le cabinet du ministre de la Transition écologique Christophe Béchu. Et ce, en raison de la période de réserve que doivent observer les membres du gouvernement. Pour l'heure, aucune date de report n'a été communiquée. Cependant, le document est bien finalisé assure-t-on au Secrétariat à la planification écologique de Matignon. Antoine Peillon, à la tête de cet organe, en a révélé les grandes lignes, hier, lors d'une conférence sur les catastrophes naturelles, organisée par la Caisse centrale de réassurance (CCR), selon l'Argus de l'assurance.
- La loi sur le verdissement des flottes automobiles
Cette proposition de loi, examinée en commission à l'Assemblée nationale le 9 avril dernier, n'avait pas encore été présentée en séance et pourrait donc être totalement annulée. Celle-ci visait à accélérer le verdissement des flottes automobiles en réhaussant les objectifs d'achats de voitures électriques, fixés par la loi d'orientation des mobilités de 2019. Elle contraignait également les quelque 3.500 entreprises visées, détenant plus de 100 véhicules, à acheter des véhicules 100% électriques et non hybrides rechargeables, jusqu'alors largement privilégiés et dont l'efficacité en faveur de la décarbonation est insuffisante. Et ce, pour inonder progressivement le marché des véhicules d'occasion en modèles électriques puisque les entreprises louent les voitures pour des durées de trois ans. Objectif visé : faire baisser le prix des motorisations électriques le plus rapidement possible. Le texte, proposé par le député Renaissance Damien Adam, était soutenu par de nombreuses ONG environnementales (Greenpeace, Réseau action climat, ou encore Transport & Environnement).
BIODIVERSITE ET ENVIRONNEMENT
- Le texte de loi sur la fast fashion
Le 14 mars dernier, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un texte de loi visant à limiter l'impact environnemental de l'industrie textile. Celui-ci impose notamment un malus lors de l'achat d'un vêtement jugé à fort impact environnemental. Plusieurs ONG avaient alors salué une avancée majeure dans le combat contre la fast fashion, incarnée par le site chinois très controversé Shein, tout en estimant que de nombreux efforts restaient à faire. Le texte était depuis en instance au Sénat. Il n'est donc pas techniquement affecté par la dissolution de l'Assemblée, mais la pause du travail des sénateurs retardera sa présentation en séance publique.
- Le texte sur la protection de la haute mer (BBNJ)
Même sort pour le projet de loi visant à ratifier le traité international de protection de la haute mer (connu sous le sigle anglais BBNJ pour Marine Biodiversity of Areas Beyond National Jurisdiction), adopté par l'Assemblée nationale le 29 mai dernier. Historique, ce traité est le fruit d'une quinzaine d'années de négociations. Il pose un cadre juridique pour la conservation de la biodiversité en haute mer. Toutefois, pour entrer en vigueur, il nécessite d'être ratifié par au moins 60 États. Or, pour l'heure, seuls six Etats s'y sont adonnés. La France, elle, s'était donnée pour objectif de faire adopter ce texte par les deux chambres du Parlement avant le 14 juillet. La pause du travail des sénateurs retardera toutefois sa présentation en séance publique et donc vraisemblablement le calendrier que s'était fixé l'exécutif.
Côté agriculture, de nombreux dossiers brûlants sont, eux aussi, mis à l'arrêt. C'est le cas notamment du projet de loi d'orientation agricole, dont l'avenir est désormais plus qu'incertain. Toutefois, le texte comprenait plusieurs mesures de simplification considérées comme de réelles régressions environnementales par de nombreux observateurs.
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