Adaptation au changement climatique : SNCF Réseau dévoile sa stratégie

Inondations, fortes chaleurs, invasion de la végétation, déplacement d’animaux sauvages… Les conséquences du dérèglement climatique sont nombreuses pour le réseau ferré français, géré par SNCF Réseau. Un plan d’adaptation au climat a été mis en place pour anticiper tous ces changements. Reportage en Bourgogne-Franche-Comté.
Laurent Larget, directeur adjoint de l'Unité territoriale de maintenance (UTM) de l'infrapole BFC (à gauche) et Benoît Chevalier, directeur du programme d'adaptation au changement climatique pour SNCF réseau (à droite) à côté d'un appareil tendeur de caténaire
Laurent Larget, directeur adjoint de l'Unité territoriale de maintenance (UTM) de l'infrapole BFC (à gauche) et Benoît Chevalier, directeur du programme d'adaptation au changement climatique pour SNCF réseau (à droite) à côté d'un appareil tendeur de caténaire (Crédits : Amandine Ibled)

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, annonçait début février deux milliards d'euros de prêts verts garantis par l'État afin de faciliter l'adaptation des entreprises au changement climatique, et en particulier pour « les entreprises publiques essentielles au fonctionnement de nos systèmes énergétiques et de transports ». Celles-ci ont l'obligation de fournir d'ici fin 2024 un plan détaillé d'adaptation au réchauffement climatique. « Chez SNCF Réseau, l'engagement se décline sous trois angles : la connaissance au travers d'études de terrain pour mieux comprendre les évolutions, l'action pour rendre les réseaux plus résilients, et les partenariats avec les régions, les agriculteurs, et les industriels », précise Benoît Chevalier, directeur du programme d'adaptation au changement climatique, un nouveau poste créé il y a quelques mois. Côté investissements, ceux-ci restent assez vagues : « il n'y pas un budget spécial adaptation au changement climatique. Chaque division a une part dédiée. À la fin, on parle en centaines de milliers d'euros. »

La filiale du groupe SNCF - qui compte plus de 50.000 collaborateurs pour un chiffre d'affaires de près de 7,6 milliards d'euros en 2023 - développe l'offre de service pour le fret et le marché voyageurs sur les 28.000 kilomètres de ligne. En tant que gestionnaire du réseau, il en assure à la fois l'entretien, la modernisation et la sécurité.

Mieux connaitre son environnement

Le réseau ferroviaire français est exposé depuis le 19e siècle aux évènements météorologiques. Avec le changement climatique, ce qui change, c'est l'intensité et la fréquence de ces évènements. Au niveau national, SNCF Réseau a cartographié l'ensemble de son réseau afin de repérer les zones à risques. « Un quart de notre réseau est en zone inondable », souligne Benoît Chevalier.

Mais l'une des principales conséquences du réchauffement climatique pour SNCF Réseau est l'invasion de la végétation. « Plus de pluie, et plus de soleil engendrent plus de végétation aux abords de nos voies », constate Véronique Bon, directrice du pôle développement durable chez SNCF Réseau. Cette végétation peut non seulement gêner la circulation des trains sur les voies mais amène également des divagations d'animaux sauvages, type chevreuils ou sangliers. Il y a également le risque de feu sur la végétation aux abords des voies qui entraine des conséquences immédiates sur le réseau, jusqu'à l'arrêt complet de la circulation.

Autre phénomène constaté : l'assèchement des sols. « D'après les climatologues, les vents et les tempêtes sont importants, mais n'augmentent pas plus que cela en France », rappelle Benoît Chevalier. En revanche, les arbres peuvent être déstabilisés par l'assèchement des sols. L'alternance des fortes pluies et des fortes sécheresses fissure les sols et fragilise les racines. « La végétation a ainsi plus tendance, en cas de tempête, à tomber sur les voies ou sur la caténaire », constate Benoît Chevalier.

La gestion de l'eau est également un sujet important pour SNCF Réseau car les cours d'eau débordent plus souvent. « C'est quelque chose contre lequel il faut s'adapter parce qu'on commence à avoir des emportements de ballast où le talus est fragile », souligne Benoît Chevalier.

De nouvelles actions pour l'entretien et la maintenance des rails

Les études menées par SNCF Réseau ont permis certaines prises de conscience. Par exemple, au niveau des opérations de meulage des rails qui sont effectuées pour éviter les défauts de surfaces. « Ces opérations provoquent des étincelles, elles ne sont plus effectuées en cas de forte chaleur pour éviter les départs de feux », précise Benoit Chevalier. SNCF Réseau s'est également équipée de thermomètres connectés pour avoir la température du rail à distance, en temps réel. « Cela permet d'éviter d'avoir un agent qui vient relever la température en pleine canicule », précise-t-il.

Un programme de recherche par satellite a également été lancé. « L'objectif est de faire des injections dans le sol à des endroits précis où le sol serait fragilisé par le retrait et le gonflement des argiles », explique Benoit Chevalier. Un phénomène qui apparait lors de l'alternance de sécheresses et d'inondations qui provoquent des fissures dans le sol et fragilisent les voies.

Concernant le matériel électronique installé dans des guérites, une des démarches relativement récentes, a été de les peindre en blanc, avec une peinture particulière. « On gagne énormément sur la température de surface. Lorsqu'elle est en plein soleil, une tôle noire peut monter jusqu'à 60°. Avec cette peinture blanche, la température de surface reste aux alentours de 35° », confie Benoit Chevalier. A l'intérieur, il y a des systèmes d'aération, de ventilation pour que l'électronique reste à un niveau à peu près constant.

Deux actions concrètes en Bourgogne-Franche-Comté

« En Bourgogne-Franche-Comté, nous avons une équipe d'un peu plus de 1.000 agents qui réalisent à la fois de la surveillance et de la maintenance des infrastructures », confie Nicolas Müller-Rappard, directeur de l'Infrapole BFC. Sachant que le réseau s'étale sur 3.000 kilomètres dans cette région. « Le changement climatique implique des actions de maintenance plus fréquentes pour nous assurer que nous restons parfaitement opérationnels et ainsi éviter les limitations de vitesse », poursuit-il.

Des filets protecteurs et un appareil tendeur de caténaire

Les arbres de la vallée du Doubs sont fragilisés par une maladie qui s'accélère avec le réchauffement climatique, « la chalarose du Frêne », un champignon qui entraine leur mort en rongeant leurs racines. « En 2023, la chute des arbres morts a provoqué un retard cumulé de 3.600 minutes sur nos voies », précise Véronique Bon. C'est pourquoi une action coup de poing a été réalisée afin de diminuer le risque de chutes d'arbres sur les filets destinés à sécuriser les circulations ferroviaires. Au total, la zone compte 13 kilomètres pour un budget de deux millions d'euros.

Les filets protecteurs sur la ligne des Horlogers dans le Doubs

Les filets protecteurs sur la ligne des Horlogers dans le Doubs

En supplément des filets aux abords des voies, un appareil tendeur de caténaire a été installé pour résister aux variations de température. « C'est un projet pilote qui permet de s'assurer que le fil de la caténaire (fil au-dessus des voies) reste parfaitement droit », explique Benoit Chevalier. En cas de forte chaleur, il peut gondoler ou se dilater. La poulie se lève ou s'abaisse en fonction de la température et ajuste ainsi le fil. « Le pantographe (archet qui collecte le courant) du train pourrait passer au-dessus de la caténaire et tout arracher sur 3 km ! », poursuit-il.

Le système de poulie qui descend et monte en fonction de la température

Le système de poulie qui descend et monte en fonction de la température

Un éboulement sur la ligne des Horlogers

Un éboulement rocheux liés aux aléas climatiques a eu lieu fin décembre 2023, sur la ligne des Horlogers, dans le Doubs. « Aucun train ne passait à ce moment sur les voies, mais la roche a rebondi et atterri en contre bas sur la départementale, blessant trois personnes dans une voiture », raconte David Molano, chef de projet SNCF Réseau. « Nous avons délimité une zone de 3,6 km pour identifier les risques similaires », précise David Molano. Dans le contexte d'investissements importants (contrat de plan État-Région à hauteur de 100 millions d'euros) pour moderniser cette ligne, ce tronçon bénéficie d'un budget de 15 millions d'euros. L'objectif est de poser des filets afin d'éviter les éboulements de rochers ou d'arbres sur les voies. Pour diminuer le risque du point de vue de la sécurité des circulations ferroviaires, une limitation de vitesse sera mise en œuvre, à 40 km/h. En conséquence, la ligne rouvrira fin octobre 2024 avec un temps de parcours plus long de 4 à 10 minutes.

A l'endroit de l'éboulement, du béton a été coulé pour renforer le mur protecteur

A l'endroit de l'éboulement, du béton a été coulé pour renforcer le mur protecteur

Des partenariats renforcés

SNCF Réseau entend mener sa stratégie de résilience contre le changement climatique en partenariat avec les acteurs qui l'entourent. En particulier avec les territoires, et notamment avec les régions et l'État qui co-financent les projets d'infrastructures.

Depuis 2019, SNCF Réseau a un partenariat particulier avec Météo France afin de recevoir un bulletin très précis sur les évènements à venir. « Cela nous permet d'anticiper les opérations de maintenance ou les mesures de sécurité à mettre en place », explique Nicolas Müller-Rappard. Par exemple le « Stop circulation » en cas de tempête. La circulation est interrompue pendant une durée déterminée sur une partie du réseau.

Mais également avec le monde agricole. « L'eau a tendance à suivre les sillons. Si ces derniers sont en direction des rails, et qu'en plus il n'y a pas de haie, c'est tout notre système hydraulique qui récupère l'eau du champ d'à côté », explique Benoit Chevalier. « Si on arrive à convaincre la Chambre d'agriculture d'avoir une politique en faveur de sillons dans le sens des rails, on protège nos voies ferrées », poursuit-il.

SNCF Réseau développe également un partenariat avec la filière industrielle. « Ce sont par exemple, nos fournisseurs de capteurs connectés avec des caméras qui mesurent en temps réel l'évolution des talus », précise Benoit Chevalier. Ce dernier lance, par ailleurs, un projet de drone avec des caméras qui détecteraient les arbres malades dans différentes fréquences.

Et enfin, un partenariat avec les autres gestionnaires d'infrastructures, les autoroutiers, RTE, etc... afin de pouvoir intervenir en toute sécurité en cas d'accident ou d'incidents sur le réseau.

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