« Mettre le gouvernement au pied du mur » sur la question de l'énergie. Voilà ce qui sous-tend l'action préparée en coulisse par le groupe Les Républicains (LR) au Sénat. Selon nos informations en effet, celui-ci finalise une proposition de loi sur la trajectoire énergétique de la France, qu'il déposera dans les tout prochains jours. Le but : fixer les objectifs du pays en matière d'implantation d'éoliennes, de panneaux solaires, de nucléaire ou encore de recours à la biomasse pour les prochaines années, afin de les soumettre à un véritable débat parlementaire. Ce dont lui a privé l'exécutif, qui a décidé, début avril, de régler cette question épineuse par voie réglementaire plutôt que législative, en contournant l'Assemblée et le Sénat.
« Le gouvernement passe outre ce qui était prévu et voté dans la loi, en faisant fi de la représentation nationale », justifie à La Tribune Dominique Estrosi-Sassone, présidente (LR) de la Commission des affaires économiques du Sénat. De fait, en vertu d'une disposition législative de novembre 2019, l'Etat se trouvait dans l'obligation de se doter d'une loi de programmation Energie-Climat avant le 31 juillet 2023. Un cadre qu'il a décidé de ne pas respecter, incapable d'apaiser le débat entre anti-nucléaires et anti-renouvelables et craignant de ne trouver aucune voie de passage au sein des instances représentatives.
Niche parlementaire début juin
Ainsi, les sénateurs LR comptent profiter d'une prochaine niche parlementaire, prévue début juin, afin de présenter le texte et qu'il soit examiné. Pour rappel, un jour de séance par mois, un groupe d'opposition décide de l'ordre du jour et peut y inscrire ses propositions de loi. Puisqu'un délai de cinq semaines s'applique, les LR doivent donc déposer ledit texte d'ici à lundi « au plus tard ».
« Nous voulons qu'il soit discuté avant la fin de la session parlementaire [prévue fin juin, ndlr]. Compte tenu de l'agenda chargé, avec des projets de loi importants qui arrivent, on ne dispose plus que cette fenêtre de tir », précise Dominique Estrosi-Sassone.
Le sénateur (LR) des Vosges Daniel Gremillet en sera vraisemblablement soit l'auteur, soit le rapporteur. Pour l'heure, les principaux intéressés ne divulguent cependant pas son contenu, même si celui-ci consacrera très certainement la relance du nucléaire sur le territoire français.
Contexte tendu
Cette opération survient dans un contexte pour le moins tendu avec l'exécutif. Mi-avril, dans un entretien au JDD, le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), avait jugé « inacceptable » la manière dont Emmanuel Macron tente selon lui d'« éviter le débat parlementaire » faute de majorité à l'Assemblée. Et de rappeler que le président de la République avait également décidé de « contourner » le Parlement en ne proposant pas de loi de finance rectificative pour 2024 pour son grand plan d'économies sur les dépenses de l'Etat.
« Malgré les 10 milliards d'économies à trouver cette année, il n'y a pas eu de projet de loi de finances rectificative [PLFR, pour modifier le budget en cours d'exercice si le besoin en apparaît, ndlr]. Puis rebelote pour les 10 milliards supplémentaires à aller chercher ! Et là, alors même que le gouvernement devait présenter un projet de loi sur la programmation énergétique, il s'assoit dessus. Tout cela commence à agacer », glisse à La Tribune un ancien parlementaire macroniste ayant requis l'anonymat.
En mars, une première offensive de ce type s'était organisée à l'Assemblée nationale, sous la forme d'une proposition de loi inscrite dans une niche EELV. La députée écologiste Julie Laernoes avait en effet élaboré le texte pour « instaurer de nouveaux objectifs de programmation énergétique pour répondre concrètement à l'urgence climatique ». Mais celui-ci avait été réécrit par des amendements des macronistes, favorables au nucléaire. Dénonçant un détricotage, les écologistes avaient donc voté contre le texte, adopté grâce aux voix du camp présidentiel. Le texte devait arriver en séance le 4 avril, mais n'a finalement pas été débattu, le sujet des PFAS ayant cristallisé les tensions.