![Xavier Niel, le fondateur et propriétaire d'Iliad, la maison-mère de Free.](https://static.latribune.fr/full_width/2385971/xavier-niel-et-matthieu-pigasse-lancent-un-deuxieme-spac-en-france.jpg)
Le « trublion des télécoms » n'a décidément pas volé son surnom. Free a récemment jeté un pavé dans la mare dans un dossier sensible. Comme l'a indiqué l'AFP ce mercredi, le groupe de Xavier Niel a proposé au gouvernement et à l'Arcep, le régulateur des télécoms, des engagements visant à proroger le « New Deal Mobile ». Cette accord entre les opérateurs et l'Etat a vu le jour en 2018. En contrepartie de la prolongation de certaines licences 4G, les Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free se sont engagés à déployer des pylônes de téléphonie dans les territoires encore dépourvus de couverture mobile, communément appelés « zones blanches ».
Dans un courrier daté du 9 avril envoyé à Marina Ferrari, la secrétaire d'Etat en charge du numérique, et à Laure de La Raudière, la présidente de l'Arcep, Nicolas Thomas, le directeur général de Free, milite pour une prolongation de cet accord. Cette initiative concerne plus précisément un volet du New Deal, appelé dispositif de couverture ciblée (DCC). Celui-ci prévoit que les opérateurs couvrent chacun 5.000 zones directement choisies par les collectivités où il est impossible - ou difficile - d'accéder à un service mobile.
Le « succès opérationnel » du New Deal
Nicolas Thomas rappelle que ce dispositif, dont il salue « le succès opérationnel », prendra fin en 2025, sachant que la mise en service des derniers sites est prévue pour 2027. Le problème, avertit-il, est qu'« à cette échéance, de nombreux besoins de connectivité mobile persisteront dans les territoires ». À l'en croire, beaucoup de villages et territoires ruraux ne bénéficieront toujours pas d'une couverture 4G ou même 3G digne de ce nom.
Free propose donc, avec le concours « des opérateurs qui le souhaiteraient », que le gouvernement proroge le DCC. En échange d'un prolongement de la durée d'utilisation de plusieurs fréquences mobiles, l'opérateur se dit prêt, en contrepartie, à construire un maximum de 1.200 sites supplémentaires pour un montant de 555 millions d'euros. Free considère qu'il faut dès à présent se préoccuper du prolongement du dispositif de couverture ciblée. Il faut battre le fer tant qu'il est chaud, argue-t-il, jugeant que le DCC sera plus difficile à redémarrer s'il devait s'arrêter.
« C'est le contribuable qui va payer »
Mais l'initiative suscite - c'est peu dire - des réserves. À Bercy, elle a été reçue avec la plus grande froideur, confie une source proche du ministère. La manière dont Free se positionne en « sauveur des collectivités » agace. « Il ne faut pas oublier que les fréquences sont une importante source de recettes pour l'Etat, nous rappelle-t-on. Leur prolongation n'a rien de gratuit! Au final, c'est le contribuable qui va payer. » Notre source précise qu'aucun arbitrage n'a encore été pris quant à la proposition de Free. Mais elle juge peu probable, dans le contexte de disette budgétaire actuel, que l'Etat fasse une croix sur les grosses rentrées d'argent des fréquences mobiles. À Bercy, on estime aussi qu'il est sans doute trop tôt pour envisager une prolongation du New Deal. Notre source rappelle que des travaux sont en cours pour évaluer finement son efficacité.
Même son de cloche à l'Avicca, une association considérée comme le porte-voix des collectivités impliquées dans le numérique. Patrick Chaize, son président, par ailleurs sénateur (LR) de l'Ain, juge « qu'avant de songer à un New Deal 2, il faut faire le bilan du New Deal 1 ». « Comme on dit chez moi, c'est à la fin de la foire qu'on compte les bouses, poursuit-il. Il faut savoir si toutes les parties prenantes du New Deal ont bien été respectées. Or, mon sentiment, c'est que ce n'est pas le cas. » Le sénateur considère que les investissements des opérateurs sont sans doute très inférieurs à ce que cet accord a coûté à l'Etat en prolongeant les licences 4G d'Orange, de SFR, de Bouygues Telecom et de Free. En 2018, le gouvernement et l'Arcep avaient évalué le manque à gagner, en termes de recettes pour l'Etat, à environ 3 milliards d'euros.
Le « cavalier seul » de Free agace la concurrence
Du côté d'Orange, de SFR et de Bouygues Telecom, les critiques vont aussi bon train concernant la proposition de Free. Deux d'entre eux estiment, comme Bercy et l'Avicca, qu'un bilan du New Deal est nécessaire avant d'envisager sa suite. Un dirigeant d'un opérateur s'exaspère aussi du « cavalier seul » de Free à ce sujet. A ses yeux, son rival paraît davantage préoccupé par « ses intérêts privés » - à savoir la prolongation de la durée d'utilisation de ses fréquences - que par l'intérêt général. « D'où sortent leurs 1.200 sites mobiles supplémentaires ?, grince-t-il. À quoi correspond ce chiffre dans la mesure où l'on ignore encore les besoins réels des collectivités ? » Pour sa part, l'Arcep n'était pas en mesure, ce jeudi, de répondre à nos questions. Quoi qu'il en soit, le secteur et les pouvoirs publics ne semblent pas du tout, à ce stade, disposés à donner suite à la proposition de Free.
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