![Patrick Chaize, le sénateur de l'Ain (LR) et président de l'Avicca.](https://static.latribune.fr/full_width/2381883/patrick-chaize.jpg)
Il est une personnalité bien connue du petit monde des télécoms. Sénateur de l'Ain (LR), Patrick Chaize est aussi le président de l'Avicca, une influente association rassemblant les collectivités impliquées dans le numérique. Cette semaine, celle-ci a organisé un colloque à l'Institut Pasteur, à Paris, pour faire le point sur l'avenir numérique du pays. L'événement a surtout été l'occasion, pour Patrick Chaize, de voler dans les plumes du gouvernement, et plus précisément de Marina Ferrari, la secrétaire d'Etat en charge du numérique. Devant un parterre de représentants des collectivités et d'industriels des télécoms, le parlementaire n'y est pas allé de main morte. « Il n'y a visiblement toujours pas de pilote au volant de la transformation numérique de la France », a-t-il lancé dans son discours d'ouverture.
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La ministre est accusée de ne pas jouer son rôle de chef d'orchestre dans les télécoms, alors que les « sujets de crispation », dixit Patrick Chaize, se multiplient. Le parlementaire a, au passage, été piqué au vif par l'absence de Marina Ferrari à l'événement de l'Avicca - comme si cela démontrait, à ses yeux, le manque d'implication de l'Etat. « Pour la première fois de l'histoire de ces colloques, nous n'aurons pas de ministre ni de secrétaire d'Etat », s'est-il agacé au micro. Avant de balayer d'un revers de main la justification de son absence, liée à son devoir de réserve avant les élections européennes. « En leur temps, de telles échéances électorales n'avaient dissuadé ni Julien Denormandie, ni Arnaud Montebourg, ni Axelle Lemaire [tous anciens ministres du numérique, Ndlr] d'intervenir à nos colloques », a-t-il canardé.
Le « renoncement » au 100% fibre
Interrogé par La Tribune, Bercy ne cache pas sa colère face à ces piques, et dénonce une « hypocrisie ambiante ». « Nous avons une période de réserve à respecter, martèle-t-on au ministère. Cela fait un mois que nous avons des échanges avec l'Avicca à ce sujet. Nous ne pouvons pas utiliser les moyens de l'Etat pour valoriser, dans certains dossiers, l'action gouvernementale à deux semaines des élections européennes. »
Ces échanges d'amabilités surviennent alors que les collectivités sont particulièrement remontées contre certaines décisions de l'exécutif concernant le déploiement des réseaux Internet fixe et mobiles. Patrick Chaize en veut notamment à l'Etat d'avoir « renoncé » à « l'ambition présidentielle » d'apporter la fibre à tous les Français en signant, en novembre dernier, un accord avec l'opérateur historique Orange.
D'autres préoccupations concernent la fin du déploiement de cette technologie, à laquelle 86% des Français ont désormais accès. Lors du colloque de l'Avicca, Philippe Le Grand, le président d'InfraNum, la plus importante fédération des industriels des télécoms, s'est inquiété du sort des raccordements dits « complexes ». Ceux-ci concernent environ un demi-million de locaux isolés, ou situés dans des territoires difficiles d'accès. « Qui va les financer ? », s'est-il interrogé. Dans le sillage de Patrick Chaize, il a déploré le manque de soutien du gouvernement pour trouver une solution, alors que la Banque des territoires était prête à sortir le chéquier. « Nous sommes à la veille d'un acte manqué considérable », a renchéri Philippe Le Grand.
Mettre cet échec sur le dos du gouvernement, « c'est de la mauvaise foi complète », s'étrangle-t-on à Bercy. Le ministère rappelle que le plan de la Banque des territoires pour financer les raccordements complexes a échoué parce que deux opérateurs, Bouygues Telecom et Free, ont boudé le projet, et que l'Arcep, le régulateur des télécoms, ne l'a pas soutenu. « Ce n'est pas la faute du gouvernement ! », insiste Bercy.
La couverture des « zones blanches » critiquée
C'est ce que confirme à La Tribune Antoine Darodes, le directeur du département Investissements Transition Numérique à la Banque des territoires, qui chapeautait ce plan. Il estime, toutefois, que l'exécutif pourrait faire bouger les lignes « en mettant la pression » sur les opérateurs. Comment? En proposant, par exemple, de créer « un fond de péréquation » abondé par « une nouvelle taxe » pour financer les raccordements complexes. Une telle initiative pourrait, d'après lui, inciter Bouygues Telecom et Free à réviser leur position.
Un autre sujet de discorde concerne la couverture mobile, et plus précisément celle des « zones blanches », encore dépourvues de réseau. En 2018, un accord a été signé entre les opérateurs et l'Etat pour apporter de la 3G et de la 4G à tous les villages qui n'en bénéficient pas. L'exécutif a accepté de prolonger certaines licences 4G - en renonçant au passage à 3 milliards d'euros de recettes - contre un engagement des opérateurs à déployer des pylônes de téléphonie dans les campagnes. Un « dispositif de couverture ciblée » (DCC) prévoit, dans ce cadre, la construction de plusieurs milliers de sites mobiles dans des territoires choisis par les collectivités.
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Mais cela ne suffira pas, déplore Patrick Chaize, à satisfaire tous les besoins. Le sénateur critique que « presque deux fois moins de pylônes que prévu en 2018 » par l'Arcep ont été construits dans le cadre du DCC. Il appelle ainsi le gouvernement à prendre des mesures pour que ce programme se poursuive « dans l'enveloppe financière prévue initialement ». « A ma connaissance, ironise-t-il, les généreuses contreparties octroyées avec le renouvellement anticipé des licences 4G n'ont pas été divisées par deux, ni même réduites d'un euro. »
Mais Bercy ne partage pas du tout cette vision des choses. Le ministère argue que le dispositif de couverture ciblée est tout à fait « dans les clous » en termes de construction de nouveaux sites mobiles. S'il y a moins de pylônes qu'anticipé au début, nous explique-t-on, c'est simplement qu'il y a eu plus de sites mutualisés à quatre opérateurs que prévu. Il ne serait, en clair, pas possible de prolonger ce dispositif sans mettre la main au portefeuille. Ce qui apparaît pour le moins compliqué en ces temps de disette budgétaire.
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