« Depuis quelques temps, on sentait le vent du boulet », glisse une figure de C8. Quelques jours avant l'annonce choc de l'Arcom, Cyril Hanouna envoie même un SMS aux chroniqueurs de Touche pas à mon poste (TPMP), histoire de les préparer psychologiquement au séisme qui se profile. « Il disait que quand bien même l'Arcom sucrerait la fréquence de la chaîne, TPMP se poursuivrait », confie un membre de l'équipe. Mercredi, le couperet est tombé: C8 ne sera plus autorisée à émettre sur la TNT à partir du 28 février 2025. Ce non-renouvellement de fréquence concerne également NRJ 12, la faible audience et le peu de programmes frais de la chaîne ayant joué en sa défaveur.

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Du côté des dirigeants de Canal+ - maison mère de C8 -, l'électrochoc a eu lieu le 8 juillet, lors de leur audition à l'Arcom. Au sommet de la tour Mirabeau, dans l'immense salle qui surplombe la Seine, ils comprennent immédiatement que cela ne va pas être un long fleuve tranquille, tant les membres du collège sont remontés. Et pour cause: en huit ans, le montant des amendes infligées à la chaîne s'élève à... 7,6 millions d'euros. La faute aux innombrables dérapages de Cyril Hanouna dans son talk-show. Les boss de Canal+ ont beau promettre d'être davantage vigilants à l'avenir, notamment grâce à la mise en place d'un léger différé, le lien de confiance semble rompu. « Pourquoi doit-on croire que tout ce que vous auriez pu faire depuis toutes ces années, et que vous n'avez pas fait, vous le ferez? » lance le conseiller Benoît Loutrel. Comme l'explique en off un ancien salarié de l'Arcom, « l'image de l'institution était en jeu ». « Pendant toutes ces années, le grand public a eu le sentiment que le régulateur se faisait marcher sur les pieds, confie-t-il. La chaîne C8 n'a jamais pris les mesures nécessaires pour prévenir de nouveaux dérapages. C'était une histoire sans fin. Et que dire de ces parodies de chansons qu'interprétait à l'antenne Cyril Hanouna pour ridiculiser l'ancien président de l'Arcom Olivier Schrameck. »

Pour le sénateur centriste Laurent Lafon, fin connaisseur de l'audiovisuel, l'Arcom a agi en responsabilité. « Cette décision est parfaitement cohérente, souligne-t-il. Cela vient montrer que tout n'est pas autorisé sur la TNT. Prendre autant de sanctions puis reconduire C8 aurait décrédibilisé l'Arcom. » D'autant que les fréquences sont un bien public et que « personne n'en est propriétaire », rappelle Jérémie Patrier-Leitus, député Horizons et membre de la commission d'enquête parlementaire qui a planché pendant plusieurs mois sur le renouvellement des autorisations de 15 chaînes TNT créées en 2005. À l'inverse, de nombreux politiques ont immédiatement crié au scandale et à la censure, notamment du côté de l'extrême droite. « Pour le pouvoir, le pluralisme est insupportable », a fustigé sur le réseau social X Marine LePen. Éric Ciotti s'empressant quant à lui de lancer une pétition contre la suppression de C8.

« Reconduire C8 aurait décrédibilisé l'Arcom »
Laurent Lafon, sénateur centriste

Un recours compliqué auprès du Conseil d'État

Contactés, ni la chaîne ni Cyril Hanouna n'ont souhaité faire de commentaires. Mais sitôt la décision rendue publique, le PDG du groupe Canal+, Maxime Saada, s'est fendu d'un mail interne dans lequel il s'est dit « sous le choc et triste pour les 300 collaboratrices et collaborateurs qui œuvrent depuis près de vingt ans à faire de C8 la première chaîne de la TNT ». Fin février, les téléspectateurs français découvriront à la place de C8 et de NRJ 12 deux nouvelles chaînes: OFTV et Réels TV, portées respectivement par Ouest-France et CMI France, propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky. Au grand dam du patron de L'Express Alain Weill, qui s'était lui aussi porté candidat. « C'est injuste, on a le sentiment d'être laissé sur le bord de la route, déplore-t-il. C'était important pour un groupe de presse comme le nôtre d'avoir une chaîne de télévision. »

Sur le plan juridique, pour les dirigeants de C8 et de NRJ12, les recours auprès du Conseil d'État s'annoncent compliqués. Ils ne pourront être effectués qu'à la fin de l'année, une fois que l'Arcom aura formellement notifié aux « recalés » les motivations du rejet de leur candidature. Mais rien ne leur interdira ensuite de diffuser leur chaîne autrement que sur la TNT, par exemple sur les box des fournisseurs d'accès à Internet. « C'est envisageable, mais le coût de grille devra dans ce cas être sérieusement revu à la baisse », explique Philippe Bailly, fondateur du cabinet NPA Conseil. Quant à Cyril Hanouna, quel sera son avenir cathodique? Rebondira-t-il en 2025 sur une autre chaîne du groupe Bolloré, comme Canal+, CStar ou même CNews, dont l'autorisation d'émettre devrait être reconduite? « Une chose est certaine, à la rentrée, il va être remonté comme un coucou, prédit quelqu'un qui a travaillé de longues années avec lui. Mais la vraie question est de savoir si Vincent Bolloré tient toujours autant à lui. Car ça restera quand même dans l'histoire de l'audiovisuel le premier animateur producteur à avoir coulé une chaîne... »