Projet de scission : Vivendi dévoile les futures places boursières de ses filiales

Le géant des médias compte coter Canal+ à Londres, Havas à Amsterdam, et a choisi Paris pour ses activités dans l’édition et la distribution. Sa stratégie de scission doit permettre, selon son état-major, de ne plus subir « une décote de conglomérat » jugée « très élevée », et qui entrave « ses capacités à réaliser des opérations de croissance externes pour ses filiales ».
Pierre Manière
Vivendi espère présenter son projet de scission en assemblée générale des actionnaires d'ici la fin de l'année.
Vivendi espère présenter son projet de scission en assemblée générale des actionnaires d'ici la fin de l'année. (Crédits : Benoit Tessier)

Vivendi continue d'avancer sur son projet de scission. Le géant français des médias, a précisé ce lundi, dans un communiqué, les places boursières jugées « les plus appropriées » pour ses pépites Canal+, Havas, et ses actifs dans l'édition et la distribution. Il espère ainsi séduire les investisseurs et offrir à ses filiales plus de marges de manœuvre pour se développer. Premier actionnaire de Vivendi, le groupe Bolloré détiendra, après ces introductions en Bourse, environ 30,6% du capital de chacune des nouvelles entités, qui seront alors indépendantes.

En premier lieu, Canal+ serait coté au London Stock Exchange. Ce choix, argue Vivendi, refléterait « la dimension internationale de l'entreprise ».

« Avec près des deux tiers de ses abonnés hors de France, un réseau de distribution de films et de séries présent sur l'ensemble des continents, et des moteurs de croissance tirés de ses développements récents sur les marchés africains, européens et d'Asie-Pacifique, une cotation londonienne constituerait une solution attrayante pour les investisseurs internationaux susceptibles d'être intéressés par le groupe », argumente Vivendi.

« Canal+ restera une société fiscalisée en France »

Canal+, qui compte 9,8 millions d'abonnés en France et 16,6 millions à l'international, met aujourd'hui les bouchées doubles pour grandir hors de l'Hexagone. En témoigne l'acquisition, en cours, de Multichoice, le plus important acteur de la télévision payante en Afrique. Cette emplette, qui pourrait coûter jusqu'à 1,7 milliard d'euros à Canal+, constituerait le plus gros deal jamais réalisé par le groupe. Il lui permettrait de presque doubler son nombre d'abonnés à l'international.

Au regard de Vivendi, le choix de Londres fait sens alors que la plupart des cadors mondiaux des médias sont issus du monde anglo-saxon. Vivendi précise aussi qu'en cas de succès du rachat du sud-africain Multichoice, Canal+ pourrait « faire l'objet d'une seconde cotation à la Bourse de Johannesburg ». Quoi qu'il en soit, Canal+ resterait « une société domiciliée et fiscalisée en France », insiste Vivendi, soucieux de ne pas présenter cette opération comme une fuite de l'Hexagone.

Des droits de vote multiples pour Havas

Le géant de la publicité Havas, lui, serait coté « sous la forme d'une société par actions de droit néerlandais » sur Euronext Amsterdam. Dans sa communication, Vivendi rappelle que cette place boursière a « porté le succès d'Universal Music Group » depuis sa cotation aux Pays-Bas en septembre 2021. Comme pour Canal+, le géant des médias considère qu'Amsterdam permettra de placer Havas « dans les meilleures conditions » pour assurer son développement, alors que « la majorité des activités du groupe de publicité est réalisée à l'international ». Havas réalise, aujourd'hui, plus de 80% de son chiffre d'affaires hors de France.

Mais c'est surtout afin de bénéficier de droits de vote multiples que Vivendi privilégie les Pays-Bas.

« Des droits de vote multiples, d'abord doubles après deux ans de détention, puis quadruples deux ans plus tard, seraient proposés aux actionnaires investis sur le long terme, tenant compte pour les votes doubles de la durée de détention de leurs participations au sein de Vivendi », explique le groupe.

L'opération aurait notamment des vertus défensives. Avec cette opération, le groupe Bolloré « pourrait détenir, du fait des droits de vote doubles, plus de 40% des droits de vote », pour 30,6% du capital. De quoi mettre, en clair, des bâtons dans les roues d'un éventuel prédateur.

Une AG des actionnaires courant décembre

Mais pourquoi diable Vivendi n'a-t-il pas choisi la place de Paris, laquelle permet depuis peu de recourir aux droits de vote multiples ? Parce que la réglementation française demeure, à ses yeux, trop limitante. Dans l'Hexagone, les droits de vote multiples ne sont pas, par exemple, valables concernant certaines résolutions présentées en assemblée générale, comme celles portant sur des changements de statuts ou la politique de rémunération...

Les activités de Vivendi dans l'édition et la distribution seraient, quant à elles, rassemblées au sein d'une nouvelle société, baptisée Louis Hachette Group. Il s'agit, pour l'essentiel, de la participation de 63,5% de Vivendi dans Lagardère, qui comprend Hachette, Europe 1, ainsi que des réseaux de boutiques dans les gares et les aéroports. Cette entité serait cotée sur Euronext Growth, à Paris. Et ce « en cohérence avec le maintien de la cotation de Lagardère sur Euronext Paris ».

Lire aussi : Arnaud Lagardère ou la longue chute d'un héritier du capitalisme français

Avec cette stratégie de scission, Vivendi veut se débarrasser d'« une décote de conglomérat » jugée « très élevée ». Celle-ci entrave, selon son état-major, « ses capacités à réaliser des opérations de croissance externes pour ses filiales ». Plusieurs analystes voient cette scission d'un bon œil. « Cette opération nous semble particulièrement porteuse en termes de valorisation », affirme Jérôme Bodin, analyste chez Oddo BHF. Des procédures d'information et de consultation des représentants du personnel vont désormais débuter. Ceci fait, Vivendi espère soumettre son projet de scission à une assemblée générale des actionnaires courant décembre.

Vivendi restera in fine coté sur Euronext Paris. Il n'aura plus aucun lien capitalistique avec Canal+, Havas et Louis Hachette Group. Vivendi continuera de gérer ses autres filiales et son portefeuille de participations. Le géant des médias possède notamment l'éditeur de jeux vidéo sur mobile Gameloft, près de 10% d'Universal Music Group, et demeure le premier actionnaire de l'opérateur historique Telecom Italia, à hauteur de 23,75%. Les précisions concernant la scission n'ont guère bousculé le cours de Bourse de Vivendi. Celui-ci faisait encore du surplace, en milieu d'après-midi, à 10,90 euros.

Pierre Manière

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