Réseaux sociaux : comment les plateformes s'organisent en urgence sur la modération en vue des législatives

Les réseaux sociaux et moteurs de recherche seront le nerf de la guerre de ces élections imprévues, dont la campagne se déroule majoritairement en ligne. Google, comme TikTok, ont décidé de continuer le dispositif mis en place durant les élections européennes.
Cette omniprésence des réseaux sociaux, pendant la campagne électoral, donne aux réseaux sociaux et aux moteurs de recherche une responsabilité cruciale.
Cette omniprésence des réseaux sociaux, pendant la campagne électoral, donne aux réseaux sociaux et aux moteurs de recherche une responsabilité cruciale. (Crédits : REGIS DUVIGNAU)

« On repart pour un tour », lâche Benoît Tabaka, le secrétaire général de Google France. Lorsqu'Emmanuel Macron annonce la dissolution de l'Assemblée Nationale, une petite équipe de 20 personnes, installée une « War Room », scrute de près les résultats des élections, et notamment d'éventuelles contestations.

Elle comprend vite qu'elle n'aura pas de répit : les Français devront de nouveau voter le 30 juin et 7 juillet pour les législatives. Cette cellule est accompagnée d'équipes de modération à l'international pour assurer un contrôle 24h sur 24 et 7 jours sur 7 pendant plusieurs mois pour les européennes. « Elles vont rester le pied appuyé sur l'accélérateur. On a repris les équipes qu'on avait sous la main pour continuer cette surveillance pendant 4 à 5 semaines. »

Renseigner au mieux les électeurs

Le dispositif mis en place par Google prévoit, d'une part, d'informer les électeurs sur les étapes clés du scrutin. D'ici quelques jours un encart en haut du moteur de recherche sera notamment mis en ligne, avec les informations concernant les dates du scrutin, les modalités de la procuration, un aperçu des articles de presse, et le jour du vote la page d'accueil de Google France sera modifiée...

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Des modifications pas si faciles à mettre en place, précise Benoît Tabaka. « Il faut sourcer les informations, s'assurer que les sites du ministère ont des informations à jour, faire des tests... Des équipes d'ingénierie sont mobilisées 24h/24 là dessus. »

Deuxième élément du dispositif : la sécurisation du scrutin, en surveillant les risques de cyberattaques, d'opérations d'influence étrangère...

« Le risque de désinformation se poursuit c'est certain. Cela peut être juste une vidéo sortie d'un contexte pour donner une vision biaisée de la réalité. Pendant l'arrivée de la flamme, une vidéo prise à Marseille donnant l'impression de voir le drapeau russe, avait été dessinée par la patrouille de France. Cette image a été utilisée par des opérations de désinformation russe pour prétendre que l'armée française donnait son désaccord au président Macron sur la Russie », expose le secrétaire général de Google France.

Face à ce type de contenu, Google avertit Viginum (l'organisme chargé de surveiller les opérations d'ingérence) et modifie les résultats de recherche pour que les premiers liens qui apparaissent quand on tape « drapeau russe Marseille » soient des articles de fact-checking.

Sur YouTube, les vidéos utilisées dans le cadre de campagnes d'ingérence identifiées sont supprimées. 11 chaînes YouTube visant des personnalités politiques françaises ont ainsi été désactivées pendant les européennes. Une campagne de « pre-bunking » réalisée avec l'AFP a également été diffusée par YouTube (vu 7 millions de fois) pour sensibiliser les Internautes aux techniques de désinformation.

TikTok va aussi mettre en ligne un dispositif spécial

L'enjeu est d'autant plus important que cette campagne improvisée se déroule en grande majorité en ligne, faute de temps pour investir d'autres médiums (livres, meetings, distribution de tract...). Les contenus et visuels diffusés viennent par ailleurs beaucoup des militants eux-mêmes. On le constate notamment avec les actions des militants en ligne.

Notamment à gauche, où de jeunes créateurs de contenus s'organisent pour mettre en ligne des vidéo-montages et autres tracts numériques afin de contrer la forte présence du Rassemblement National sur les réseaux sociaux. Ce qui signifie aussi que les contenus auxquels font face les plateformes ressemblent moins à de la publicité politique classique.

Les Européennes en ont toutefois déjà donné un bon aperçu. Sur TikTok où sont connectés 22 millions de Français, circulaient notamment de nombreux montages mettant à l'honneur des candidats, en particulier à l'extrême droite, Jordan Bardella en tête.

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TikTok, qui, par ailleurs, interdit la diffusion de publicité politique, dit ne pas appliquer de règles de modération particulière à ces contenus. « Tous les comptes et toutes les vidéos doivent respecter les mêmes règles qu'il s'agisse du compte d'un politique ou de n'importe quel utilisateur. » Toutefois pendant les périodes électorales, les contenus politiques sont particulièrement observés. Ils peuvent être supprimés si le contenu ou les commentaires enfreignent les règles de la plateforme (discours haineux, raciste...), comme c'est le cas le reste du temps.

Comme Google, la plateforme chinoise a également prolongé le travail de ses équipes mobilisées pour les Européennes pendant les législatives. Elle ne souhaite pas donner de nombre de personnes concernées, et renvoie au chiffre global de « plus de 650 modérateurs francophones ». « Ceux qui surveillent les élections sont français, pas seulement francophones, pour pouvoir comprendre certaines nuances. » Un dispositif d'information lorsqu'un utilisateur tapera « législatives » est également prévu, et sera en ligne prochainement, nous précise un porte-parole.

Des garde-fous parfois mal appliqués

Cette omniprésence des réseaux sociaux pendant cette campagne donne au plateforme un rôle encore plus crucial. « Les plateformes ont une responsabilité particulière. Nous devons intervenir, nous devons donner une information de qualité, pertinente et être particulièrement vigilants sur les questions de sécurité, en partenariat avec les autorités », reconnaît Benoît Tabaka de Google.

Le dirigeant note que les élections européennes 2024 ont été les élections « les plus recherchées de tous les temps dans le monde ». Et les législatives ont, elles, provoqué un pic de recherche très fort peu de temps après leur annonce par Emmanuel Macron. Trois requêtes sont en particulier sorties du lot : législatives, procurations et Front Populaire.

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Les garde-fous érigés par les plateformes ne sont toutefois pas infranchissables. Et parfois leur mise en application pêche. Meta, qui n'a pas encore répondu à nos sollicitations, est sous le coup d'une enquête de la Commission européenne. Cette dernière soupçonne le géant de ne pas assez mitiger les risques de désinformation.

D'après un rapport de l'ONG AI Forensics, publié en avril, la majorité des publicités politiques circulant sur les plateformes de Meta n'étaient pas identifiées comme telles. Et moins de 5 % de ces contenus politiques étaient correctement modérés. L'opération de désinformation russe « Doppelganger » (des récits de propagande diffusés via des sites copiant de vrais médias), principale opération de désinformation pendant la période électorale, a une portée 5 à 10 fois plus importante que ce que Meta laisse entendre.

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Commentaires 2
à écrit le 17/06/2024 à 21:34
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bonjour, pas besoin de réseaux sociaux pour savoir ce qu'on veut et surtout ce qu'on ne veut pas (ou plus).

à écrit le 14/06/2024 à 18:33
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En effet comme il reste peu de temps internet plus réactive que les médias de masse sera déterminante, c'est un élément important à prendre en compte. Maintenant n'oubliez pas que chacun cherche d'abord à confirmer sa propre vérité plutôt que d'aller...

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