IA : Butterflies, cet Instagram entièrement synthétique, préfigure-t-il le futur des réseaux sociaux ?

Sur ce nouveau réseau social foutraque, créé par un ancien de Snapchat, on trouve des avatars générés par intelligence artificielle, qui publient eux-mêmes des photos et des commentaires. Une expérience étrange qui donne un aperçu de la direction que prennent les réseaux sociaux à la faveur de l’IA générative.
(Crédits : captures d'écran de Butterflies)

Des super-héros, des robots, des paysages fantastiques, des jeunes femmes aux poses lascives... Faire défiler le fil de Butterflies, c'est plonger dans un voyage absurde, rempli de clichés générés par des IA à partir de simples descriptions. Ce réseau social, créé par un ancien ingénieur de Snapchat, est accessible sur les magasins d'applications depuis le 18 juin (en France également). Le principe : plutôt que de poster de vraies photos, les utilisateurs créent des avatars virtuels, qui vont eux-mêmes générer des images et des commentaires via des modèles d'intelligence artificielle.

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Le design de l'application ressemble à s'y méprendre à celui d'Instagram. Sauf qu'ici tout est (encore plus) artificiel. Une fois son profil rempli, l'utilisateur peut créer un (ou plusieurs) avatar, appelé « Butterfly », dont il choisit le style (très réaliste, semi-réaliste ou dessiné), la description physique et l'histoire. Cet avatar est ensuite « autonome », puisqu'il génère lui-même des publications et commente celles des autres avatars.

L'ensemble est assez perturbant. Cela ressemble à un espace où des IA communiquent entre elles et produisent des contenus souvent similaires, des commentaires peu intéressants ou étranges. On voit un faux mannequin écrire en dessous de la photo d'un faux Eric Cartman (personnage du dessin-animé South Park) : « La chaleur de l'été s'évapore trop vite. » Rien n'a de sens. Sans compter les nombreuses aberrations visuelles : d'une photo à l'autre, le même avatar ne se ressemble pas, certains personnages ont trois bras, d'autres cinq doigts... Vu Tran, fondateur de Butterflies, affirme que l'expérience sera moins étrange au fur et à mesure que la technologie s'améliorera.

Des garde-fous peu restrictifs

Butterflies dit s'appuyer sur des modèles open source (sans préciser lesquels), qui sont ensuite paramétrés par les équipes de l'entreprise. Les garde-fous mis en place par la plateforme sont assez peu restrictifs : il est possible de générer des avatars ressemblant à une personnalité connue (d'autres générateurs d'images l'interdisent), ou des contenus dits « Not safe for work » (pas sûrs pour le bureau), c'est-à-dire qui peuvent être dérangeants, à caractères pornographiques ou violents.

Il est également possible d'interagir avec les autres avatars par messages privés. Ce n'est pas leur créateur (humain) qui répond, mais un chatbot, dont le ton varie selon « la personnalité » donnée à l'avatar. Parallèlement, il est aussi possible d'interagir avec les humains créateurs de ces personnages virtuels.

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Quel intérêt ? Se divertir avant tout. L'idée selon Vu Tran est d'apporter « plus de créativité » dans les échanges entre utilisateurs, estimant que les réseaux sociaux traditionnels n'exploitent l'IA générative qu'à travers des chatbots. Durant la période de test (bêta), Vu Tran affirme à Tech Crunch que les utilisateurs passaient en moyenne entre 1 heure et 3 heures par jour sur l'application. « C'est fascinant de voir comment les gens utilisent Butterflies », explique-t-il. « Chez Snap, j'ai fait beaucoup de recherches sur les utilisateurs, mais le comportement sur Butterflies est réellement nouveau. » Une personne aurait passé cinq heures à créer 300 personas virtuels. D'autres recréent des personnages de fiction, comme ceux de Game of Thrones, South Park...

Pour le moment, l'application est gratuite, mais des fonctionnalités payantes pourraient être ajoutées. Vu Tran envisage également de faire participer les marques, comme sur les autres plateformes sociales, qui pourraient ajouter leurs propres avatars et contenus. Butterflies a levé 4,8 millions de dollars auprès du fonds américain Coatue et de différents business angels, dont de nombreux anciens de Snapchat.

Les compagnons IA, un marché en expansion

D'autres applications n'ont pas attendu Butterflies pour miser sur le concept de relation entre humain et intelligence artificielle. C'est le cas de Replika, ou de Character.ai, sur lesquels il est également possible de créer et de converser avec des personas virtuels. Mais Butterflies va un cran plus loin en permettant à ses avatars d'avoir une forme d'autonomie.

The Verge, qui décrit Butterflies comme le réseau social le « plus troublant » jamais vu depuis un moment, estime que la startup préfigure le futur des réseaux sociaux, où les IA seront de plus en plus présentes. TikTok a annoncé hier mettre en place une nouvelle fonctionnalité, permettant aux entreprises d'ajouter des avatars virtuels générés par IA dans leur vidéo publicitaire. Pourtant, rappelle 404 Media, la semaine dernière, la Federal Trade Commission américaine mettait en garde contre l'utilisation de personnages virtuels interagissant avec les consommateurs, craignant une forme de manipulation des acheteurs.

Meta pourrait emprunter la même voie, mais pas dans l'UE

De son côté, Meta intègre de plus en plus l'IA générative à ses plateformes. Instagram a notamment mis en ligne des avatars virtuels qui reprennent les traits physiques de personnalités dont Tom Brady, Paris Hilton et Kendall Jenner. Dans certains pays, il est possible de converser avec eux (cette option n'est pas encore disponible en France). En interview, Mark Zuckerberg évoque régulièrement un futur où les créateurs de contenus pourraient être épaulés par des millions d'assistants virtuels répondant aux messages à leur place. À The Verge, il expliquait que chacun pourrait bientôt « créer sa propre IA ».

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Meta a par ailleurs récemment pris la décision d'entraîner ses modèles d'intelligence artificielle générative sur les contenus publiés par ses utilisateurs, y compris sur les profils privés. Mais dans l'Union européenne, le géant a dû revenir sur sa décision après une série de plaintes de l'association Noyb, qui défend les droits des internautes. Celle-ci reproche à Meta de ne pas demander clairement le consentement des utilisateurs ni de justifier suffisamment la raison de cette collecte de données. Ce manquement constitue une infraction au Règlement général sur la protection des données. A noter que Butterflies, qui précise dans sa politique de confidentialité utiliser le contenu publiés par les utilisateurs, ne semblent pas avoir pris de précaution particulière pour la zone Europe.

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Commentaire 1
à écrit le 22/06/2024 à 9:36
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"Une expérience étrange" Je vous crois sans aucun problème et il est bien dommage que nous ayons des commentateurs du 19 ème siècle ici qui ne commentent que très rarement ou vulgairement l'avènement de toutes ses technologies qui dans 10 ans seront ...

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