Le pendentif de Friend peut-il être l'objet tant attendu pour discuter avec l'IA ?

Deux ans et demi après la sortie de ChatGPT, l'idée de créer un objet dédié à l'interface avec les intelligences artificielles a du plomb dans l'aile. Mais la startup Friend, lancée mardi 30 juin, veut tenter une nouvelle approche, plus modeste : donner une oreille à « compagnon IA », chargé simplement de discuter avec l'utilisateur, sans autre objectif.
François Manens
Présenté sous la forme d'un pendentif, le compagnon d'IA Friend parle cependant au travers d'une app pour smartphone.
Présenté sous la forme d'un pendentif, le compagnon d'IA Friend parle cependant au travers d'une app pour smartphone. (Crédits : Friend.com)

Moins d'ambition pour plus de réussite ? Présentée hier, la startup Friend s'essaie à son tour à la création d'un objet dédié à l'IA générative, une des perspectives de marché les plus alléchantes ouverte par la vague ChatGPT. L'idée : donner une forme physique aux nouveaux assistants d'IA comme ChatGPT ou Claude. Les deux pionniers du concept, l'AI Pin de Humane, financé par plus de 200 millions de dollars, et le Rabbit R1, star du CES 2024, se sont soldés par des échecs cuisants, pour ne pas dire des catastrophes totales. Non seulement les deux appareils -qui prennent la forme de petits pavés, à clipser sur le vêtement pour l'un, et à porter à la main pour l'autre- sont loin de fonctionner correctement, mais surtout, ils ne semblent répondre à aucun véritable cas d'usage.

Pour éviter de connaître le même sort, le fondateur de Friend, Avi Schiffman, ne promet ni gain de temps ni amélioration de la productivité. Son « compagnon IA » a pour seul et unique objectif d'être un interlocuteur à la disposition de l'utilisateur. Cette approche fait écho aux véritables succès de Character AI et Replika, des apps qui permettent de dialoguer avec une IA personnalisée. Au fil des mois, un nombre significatif d'utilisateurs a noué des liens avec ces IA, voire des relations parasociales. Preuve qu'il existe une véritable demande, sur laquelle Friend entend capitaliser.

Des promesses modestes

Le premier prototype de Friend, dont la sortie est prévue en janvier 2025, prend la forme d'un galet, porté en pendentif. Le fondateur de la startup, Avi Schiffmann, se montre d'une franchise rare sur sa composition, dans une interview auprès de The Verge : « C'est un micro Bluetooth de bonne qualité avec une coquille autour. Nous voulons faire quelque chose de simple et de fonctionnel. » Dans un premier temps commercialisé à 99 dollars, l'objet ne prétend pas révolutionner l'interface homme-machine, où excelle le smartphone, contrairement à ses prédécesseurs. D'ailleurs, si l'IA entend via le micro, elle répond sous forme de texte, par le biais d'une app installée sur le smartphone de l'utilisateur.

Par rapport aux compagnons purement logiciels, le pendentif physique apporterait une continuité nouvelle. Pour Avi Schiffman, les services comme Character et Replika, à cause de leur nature, se rapprochent plus de correspondants, avec qui l'utilisateur échange par intermittence, que de véritables compagnons, présents à ses côtés à tout moment. Il espère ainsi que les propriétaires de Friend partageront tout et n'importe quoi avec leur IA, et le laisseront même écouter ses interactions avec d'autres personnes. Dans l'idéal, il aimerait d'ailleurs que l'appareil écoute en continu son environnement -une approche qui risque de se heurter à des limites légales. En retour, Friend promet une réponse et des interactions, sans véritable engagement sur leur contenu. Le compagnon doit soutenir, encourager, et plus généralement donner du répondant à l'utilisateur. Et c'est tout.

L'entrepreneur laisse ainsi les promesses de gains de productivité, plus complexes à mettre en œuvre, aux géants du marché. « Personne ne va battre Apple ou OpenAI dans la construction de Jarvis », juge-t-il, en faisant référence à la superintelligence qui assiste le super-héros Iron Man.

Un long chemin pour convaincre

Si l'approche de Friend prend intelligemment en compte les ratés de Humane et Rabbit, elle soulève d'autres doutes. Pour commencer, le dispositif n'apporte pas de véritable innovation : le pendentif est un assemblage simple de composants basiques, l'app n'est qu'une interface, et le modèle d'intelligence artificielle chargé de faire la conversation n'est autre que Claude 3.5, développé par Anthropic, un des plus gros concurrents d'OpenAI. Autrement dit, Friend n'est en l'état qu'un assemblage, certes malin, mais potentiellement facile à copier.

Ensuite, si le concept de compagnon IA commence à faire ses preuves, Friend le rend plus invasif et crée déjà des réticences. Impossible de regarder la publicité de présentation, sans y voir un écho aux futurs dystopiques développées dans la littérature de science-fiction, ou dans des séries comme Black Mirror, où les hommes s'enferment dans des relations parasociales, aux dépends des interactions humaines... De plus, en centrant son dispositif autour d'un micro ouvert en public, la startup s'attaque à tout un champ de problématiques légales et éthiques, souvent onéreuses à résoudre.

Pour couronner le tout, le média d'investigation 404 a révélé que la startup a dépensé 1,8 million des 2,5 millions de dollars qu'elle a levés pour s'acheter le nom de domaine « friend.com » et y héberger son site. De quoi donner du grain à moudre à ses détracteurs qui ne voient en Friend qu'un joli enrobage inutile de technologies existantes. À elle de prouver qu'elle répond à une véritable demande.

François Manens

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 01/08/2024 à 7:44
Signaler
Profondément pathétique, les humains ne méritent pas ça, remettons nous à discuter parce que là ça devient grave.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.