Paris 2024 : le financement des jeux « les moins coûteux depuis Sydney », en cinq questions

PARIS 2024. La France a eu sept ans pour organiser ses Jeux olympiques et pour tenir ses engagements budgétaires. Pari réussi ? Rien n'est moins sûr. Sur la période, les aléas financiers se sont multipliés. Et quid des retombées pour les entreprises françaises ? Le verdict de la Cour des comptes sera attendu.
Jeanne Dussueil
Le terrain de Volley ball construit au Trocadéro, près de la Tour Eiffel à Paris.
Le terrain de Volley ball construit au Trocadéro, près de la Tour Eiffel à Paris. (Crédits : Reuters)

L'eau a coulé sous les ponts de la Seine, depuis ce jour de septembre 2017, date à laquelle Paris a signé, à Lima au Pérou, le contrat de ville hôte pour organiser la 33ème Olympiade de l'histoire. La capitale avait sept ans pour tenir ses promesses, budgétaires notamment, quand, à l'époque, la facture prévue ne devait pas dépasser 3,3 milliards d'euros. Ce sera finalement bien plus. La Cour des comptes doit rendre en septembre un audit après la tenue des jeux qui doivent accueillir 10.500 athlètes et 15 millions de visiteurs, selon les estimations. Mais d'ores et déjà, on estime que le coût total des jeux 2024 va dépasser les 10 milliards d'euros, fonds publics et privés réunis. Quels sont les acteurs impliqués ? Pourquoi un tel dépassement ? Pour quelles retombées économiques ? La Tribune fait le point sur le financement des Jeux olympiques en cinq questions.

Qui sont les acteurs impliqués ?

Les entités impliquées dans l'organisation des jeux en France sont nombreuses. Dès le début, l'enjeu est d'ailleurs d'éviter les luttes de pouvoir, entre le mouvement sportif, la Ville de Paris, la Région Île-de-France, la Métropole du Grand Paris (MGP) et l'Etat. « On sent déjà la volonté de la Ville et de la Région de reprendre la main sur le dossier dans l'intervalle », expliquait une source à l'époque.

Dissous à la fin septembre 2017, le comité de candidature a donné naissance au Comité d'organisation des Jeux olympiques (Cojo). Jusqu'à début 2019, le Cojo - qui survivra durant plusieurs années - n'a eu aucune ressource propre et a vécu des subsides du Comité international olympique (1,7 milliard de dollars/1,45 milliard d'euros au total). Ce n'est qu'au 1er janvier 2019 que les contrats de partenariats ont été activés.

A ses côtés, a été créée la Société de livraison des ouvrages olympique (Solideo), chargée de superviser la livraison des équipements à construire (village des athlètes et centre nautique), en liaison avec les différentes maîtrises d'ouvrages - la Caisse des dépôts et consignations pour le Village olympique et la métropole du Grand Paris pour le centre aquatique. Présidée par Anne Hidalgo, la maire de Paris, la Solideo est dotée, au départ, de 60 millions d'euros.

A ses deux entités publiques partiellement financées par l'argent public, viennent s'ajouter une trentaine de partenaires (dont Airbnb, Alibaba, Atos, Allianz, Bridgestone, Coca Cola..., et côté français ADP, Air France, LVMH, entre autres) - qui viendront abonder le budget du Cojo pour un montant espéré d'un milliard d'euros. Enfin, après l'événement, une structure baptisée Héritage-Paris-2024 sera dédiée aux legs matériels et sociétaux des JO.

Combien devaient coûter les JO au départ ?

En 2017, le budget d'investissement pour les JO-2024 est estimé à 3,3 milliards d'euros, alimenté pour moitié par de l'argent public (1 milliard d'euros de l'Etat et 500 millions des collectivités territoriales). A l'époque, c'est le Premier ministre Manuel Valls qui promet cet engagement de l'Etat, précisant que cet apport se ferait « entre 2018 et 2024 ».

A peine un an plus tard, en 2018, le budget est déjà réévalué à 6,8 milliards d'euros: 3,8 milliards du Cojo, issus du privé (CIO, sponsors, billetterie) et 3 milliards à la Solideo, et l'enveloppe publique passe à 1,5 milliard. Aussi, un rapport d'experts commandé par le gouvernement pointe des risques de délais non tenus et de surcoûts (500 millions) pour les sites des Jeux olympiques.

En 2020, la crise Covid a refroidi les sponsors et il faut trouver 400 millions d'euros pour rester dans l'enveloppe initiale. Il s'agit alors de rogner sur certains projets pour faire des économies.

Or, un budget maîtrisé faisait partie de l'argumentaire pour le succès des jeux, en particulier pour la Ville de Paris. Elle avait annoncé, en 2017, que le coût pour les Parisiens seraient supportés à hauteur de 148 millions d'euros. Ce qui avait alors vivement fait réagir l'opposition. Pour vérifier « qu'on n'a pas menti aux Parisiens » et que le coût des Jeux olympiques de 2024 restera contenu, l'UDI-MoDem à la mairie de Paris avait demandé qu'un « compteur des dépenses » virtuel soit publié sur internet. « Nous sommes dans la sobriété et dans une volonté d'être efficaces », s'était défendue la Ville.

« Il y a une chose qui est sûre, l'argent public qui a été mis dans les jeux (...) on n'ira pas au-delà », martelait, en 2018, la maire de Paris, Anne Hidalgo.

Plus tard, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a assuré en avril 2024 aux députés que ces Jeux sont « les moins coûteux depuis Sydney », en 2000.

Pourquoi le coût total est-il beaucoup plus élevé ?

Durant sept ans, tous les acteurs publics engagés (Cojop, Solideo) ont dû, régulièrement, revoir à la hausse leur budget pour ces JO.

Plusieurs facteurs extérieurs sont venus alourdir la facture pour les finances publiques. Ainsi, en 2020, au menu des lignes de dépenses qui ont augmenté : 100 millions d'euros en plus pour la sécurité et la cybersécurité notamment, mais aussi des dépenses liées aux nouveaux sports urbains.

L'inflation, ancrée dans l'économie française depuis les dépenses du Covid-19, a également renchéri le budget de 195 millions d'euros, selon la Cour des comptes.

Aussi, se posera la question des ventes de billets dont les recettes attendues ont été chiffrées à 1,4 milliard d'euros. Une somme qui devait venir couvrir le budget du Cojo.

Enfin, l'Etat a du prendre en charge des revalorisations au travers de primes pouvant aller jusqu'à 1.500 euros pour certains fonctionnaires, tels les conducteurs de RER, les pompiers et les policiers.

Tous ces surcoûts ont été dénoncés par l'opposition, notamment par l'ex-député Maxime Minot (LR-Oise) qui a pointé une gestion « opaque aux yeux des Français ».

Quelles sont les mesures de contrôle ?

Sur les milliards d'euros de dépenses dédiées aux jeux, la Cour des comptes est censée veiller au grain. Les deux organismes publics sont en tout cas unanimes :

« Le COJOP est soumis aux procédures de la commande publique. Au total, le COJOP passe près de 2,7 milliards d'euros d'achats », répond le Comité d'organisation.

« En tant qu'établissement public, la SOLIDEO est soumise au code de la commande publique », abonde le second.

Pourtant, à l'été 2023, des perquisitions ont lieu au sein du Cojop ainsi que la Solideo ouvrant une vaste enquête sur l'attribution de marchés publics. Celle-ci concerne ainsi, d'après le ministère public, des soupçons de « prise illégale d'intérêts, détournement de fonds publics, favoritisme et recel de favoritisme ». Dès 2017, une première enquête avait été ouverte et menée par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).

En 2018, les députés avaient prévu que la Solideo se dote d'une charte pour favoriser l'accès aux marchés aux petites entreprises et aux entreprises d'insertion, selon le projet amendé. Aussi, la loi prévoit un contrôle de la Cour des comptes et, pour les futurs patrons du Cojo, l'obligation de remettre leur déclaration d'intérêt et de patrimoine à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (Hatvp).

Lire aussiJeux olympiques 2024 : des perquisitions ce mardi au Comité d'Organisation (Cojo)

Qui va profiter le plus des retombées des JO ?

Des ces dépenses en milliards, quelles seront les recettes pour l'économie ? En 2018, la ministre du Travail de l'époque, Muriel Pénicaud, avait assuré qu'au moins 25% du montant global des marchés attribués par la Solideo seraient réservés aux petites et moyennes entreprises.

Sur les 2,7 milliards d'euros d'achats du comité d'organisation Paris-2024, près de « 90% de nos fournisseurs sont français », a assurée, en 2024, la Solideo. Et ils sont à « 79% des TPE-PME et plus de 300 structures de l'économie sociale et solidaire (ESS) ».

Au total, les Jeux devraient mobiliser environ 150.000 emplois, déjà existants dans les entreprises ou à créer, en majorité de 2021 à 2024, selon une étude du Cojo. Il s'agit d'emplois « par nature limités dans le temps ». Les secteurs concernés sont la construction (11.700), l'organisation (événementiel, sécurité privée, transport, gestion des déchets, 78.300) et le tourisme (hôtellerie et restauration, 60.000), selon cette cartographie.

Insertion professionnelle et ouverture des contrats aux petites et moyennes entreprises sont deux éléments qui devraient profiter au département de la Seine-Saint-Denis, hôte de plusieurs chantiers et sites clés (village, piscine olympiques notamment).

Pour la région Ile-de-France et Paris, les jeux pourraient générer entre 6,7 et 11,1 milliards d'euros de retombées économiques entre 2018 et 2034, selon une étude commandée par le Comité international olympique (CIO) et le comité d'organisation qui identifie trois secteurs bénéficiaires : l'organisation (3,2 milliards), la construction (2,1 milliards) et le tourisme (1,4 milliard). Mais le tourisme est le poste pour lequel l'incertitude est la plus forte quant aux retombées. Idem pour les entreprises : une courte majorité (55%) était convaincue des effets positifs pour leur activités en avril dernier, selon un sondage CCI France, La Tribune et LCI.

Au global, les retombées économiques des Jeux olympiques pourraient atteindre 10 milliards d'euros, d'après un rapport d'une mission d'information de l'Assemblée nationale. Un bilan des Jeux sera aussi rendu par la Cour des comptes d'ici au 1er octobre 2025.

(Avec AFP)

Jeanne Dussueil

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Commentaires 2
à écrit le 17/07/2024 à 8:23
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La maire de Paris expose d'abord et avant tout être bien à côté de la plaque quand même hein.

à écrit le 16/07/2024 à 16:01
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Belle performance. on prevoit 3 milliard et on finit a 10 (et sans compter ce qu on a pas compte comme les primes SNCF pour eviter les greves ou les migrants envoyé en region pour eviter l effet cour des miracles). Pas etonnant que personne ne veuill...

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