Paris 2024 : l’olympiade culturelle du fleurettiste Enzo Lefort

Manga, livres et expositions photo, documentaire... Le fleurettiste décline sa discipline selon ses nombreuses envies, avec une créativité sans cesse renouvelée.
L’escrimeur tricolore lors des championnats du monde à Milan (Italie), en juillet 2023.
L’escrimeur tricolore lors des championnats du monde à Milan (Italie), en juillet 2023. (Crédits : © LTD / KEV NAGLE/ICON SPORT)

On peut difficilement en vouloir à Enzo Lefort de perdre le compte exact de ses projets. Lorsque nous lui avons parlé la semaine dernière, le fleurettiste, en compétition à Hong Kong (Chine), ne se souvenait plus qu'un de ses livres sortait le lendemain. En l'occurrence le deuxième tome de son manga, Enzo. Le premier, publié fin 2022, s'est écoulé à environ 3 000 exemplaires. À cette occasion, le champion olympique par équipes à Tokyo en 2021 a découvert et apprécié « la discipline de l'écriture ». Des écrits accompagnent les photos de son prochain ouvrage, Journal d'un athlète (sortie le 5 juin). Pendant dix mois, l'escrimeur a photographié les 11 épreuves qualificatives pour les Jeux de Paris. Il raconte ces étapes intermédiaires, peu connues du grand public, « de manière honnête, transparente et intime ». Un effort pour lui qui dit avoir un rapport « assez pudique » à son sport.

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 Il immortalise très rarement ses équipiers ou les salles d'entraînement car il n'aime pas « mélanger ». Il préfère cadrer des objets banals « qu'on ne trouve pas beaux au premier coup d'œil ». Limité par les 36 poses de son boîtier argentique point and shoot, conseillé par sa femme, l'autodidacte prend le temps de composer ses images, de soigner la lumière. « Je prends beaucoup de plaisir à déclencher quand je me promène et qu'une vue m'inspire », dit-il.

Murakami et Leibovitz

En compétition ou en stage, parfois lointains, le médaillé d'argent par équipes aux JO de Rio en 2016 s'autorise des escapades, seul ou accompagné, à la découverte d'autres artistes. Il garde un souvenir ému des œuvres contemporaines de Takashi Murakami admirées au musée d'Art de Busan (Corée du Sud) ou encore d'une déambulation dans l'univers de la photographe américaine Annie Leibovitz à la Fondation Luma, à Arles (Bouches-du-Rhône). Il avait eu l'impression de s'y perdre « comme dans un labyrinthe ». L'escrimeur de 32 ans est d'autant plus sensible à la scénographie qu'il est lui-même exposé régulièrement. À partir du 4 juin, il sera mis à l'honneur par la Maison de la culture du Japon, à Paris. Pour Journal d'un athlète, le triple champion du monde a été sollicité par Fisheye Éditions. Une deuxième collaboration, après Olympic Backstage (2022). Ses deux premiers livres - Behind the Mask (2020) et Hors piste (2021) - avaient été autoédités. « Commencer par faire les choses seul m'a donné de la crédibilité », estime-t-il.

Commencer par faire les choses seul m'a donné de la crédibilité

Enzo Lefort

Ses travaux expriment un point de vue qu'il ne retrouve pas toujours dans les comptes rendus médiatiques. Lorsqu'il a perdu en demi-finale des championnats du monde 2023, un journal a évoqué une contre-performance. « Alors que je ne l'ai pas vécu ainsi, se souvient le médaillé de bronze de Milan. J'ai d'abord ressenti la fierté de monter sur un podium mondial pour la troisième fois d'affilée, ce qui a été rarement fait au fleuret. » L'olympiade culturelle d'Enzo Lefort n'est pas seulement imprimée sur papier. Le natif de Cayenne (Guyane) a écrit le scénario d'un documentaire sur l'escrime en Guadeloupe, l'île où il a grandi. L'histoire des pionniers dans ce territoire ultramarin de 400 000 habitants qui a donné nombre d'athlètes aux équipes de France le fascine. Le film pourrait être diffusé fin juin par France Télévisions. Il pilote également une réflexion autour d'un magazine. L'idée ? Raconter comment les athlètes se servent des changements technologiques et idéologiques pour améliorer leurs performances. Une création pensée avec des proches dont il apprécie l'éthique de travail et la créativité.

Mbappé au collège

Les siennes ont fait naître une opportunité inattendue. Fin mars, son équipementier lui a proposé de participer au shooting du nouveau maillot de l'équipe de France de football. Pas plus de quatre minutes par joueur, mais une méthode réfléchie pour obtenir des images « naturelles » : « Avec chacun, j'ai pris le temps de me présenter en tant qu'athlète Nike, comme eux, pour briser la glace, de parler un peu des Jeux olympiques. » Ça a fonctionné avec Kylian Mbappé - « il m'a raconté qu'il avait fait de l'escrime au collège » - et avec Marcus Thuram, dont le père, Lilian, connaissait Enzo. Une expérience « très bon enfant ».

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