Paris 2024 : dans le sillage américain du nageur Léon Marchand

Parti en Arizona il y a trois ans, le nageur toulousain fait des émules. Plusieurs Français vont intégrer des universités aux États-Unis après les Jeux.
Léon Marchand aux championnats NCAA, en mars 2022, à Atlanta.
Léon Marchand aux championnats NCAA, en mars 2022, à Atlanta. (Crédits : © LTD / Brett Davis/USA TODAY Sports/Icon Sport)

Mary-Ambre Moluh s'apprête à vivre un été intense. Du 16 au 21 juin, la médaillée de bronze européenne du 100 mètres dos en petit bassin disputera les championnats de France à Chartres (Eure-et-Loir), où elle tentera de décrocher l'un des deux billets tricolores pour Paris 2024. Puis le 22 août, onze jours après la clôture des Jeux olympiques, la licenciée à l'US Créteil, 18 ans, s'envolera pour la prestigieuse université de Berkeley à San Francisco (Californie). Elle n'est pas la seule athlète tricolore à s'exiler aux États-Unis : Nans Mazellier (20 ans), Lilou Ressencourt (21 ans) ou Mewen Tomac (22 ans) bénéficieront eux aussi d'études haut de gamme, tous frais payés, en échange de leur participation aux championnats universitaires américains (NCAA).

Lire aussiJO 2024 : zoom sur 6 espoirs de médaille

Tous nagent dans le sillage de Léon Marchand. Le phénomène de la natation mondiale, 22 ans, quintuple champion et recordman du monde, a été recruté en 2021 par Arizona State. Pendant ses trois années à Phoenix, il a étudié l'informatique et nagé sous les ordres du légendaire entraîneur de Michael Phelps, Bob Bowman; il passera professionnel à la rentrée. La ferveur qui a accompagné ses triomphes lors des championnats NCAA, où il a pulvérisé le record du 100 yards, a marqué les bassins tricolores. « On a tous vu sur les réseaux l'acclamation réservée à Léon par les étudiants de sa fac, c'était fou, apprécie Mary-Ambre Moluh. Avant lui, on avait l'impression que c'était dur de progresser aux États-Unis. »

Or le niveau de la compétition saute aussi aux yeux, et les finales ont parfois des
airs olympiques. Au point que « ces titres NCAA sont presque aussi importants pour
Léon qu'un titre de champion du monde », juge Sophie Kamoun, qui conseille la future
expatriée. Multiple championne de France (26 titres) et finaliste des Jeux de Los Angeles en 1984, cette dernière a été une pionnière. Entre 1987 et1990, elle est partie à l'université de Californie à Santa Barbara. « Sportivement, ça a été la catastrophe, se souvient-elle. Je suis passée d'un entraînement individualisé à un entraînement à 40 nageurs, et ça ne m'a pas convenu. Mais ça a été une expérience géniale. » Ponctuée par un diplôme de commerce international, sésame vers une carrière de communicante lors de son retour en France.

« Le sportif de haut niveau est bien plus valorisé aux États- Unis qu'ici, où on considère qu'il ne peut pas être aussi bon élève que les autres », regrette Sophie Kamoun. En France, il lui est arrivé de faire croire à un professeur qu'elle sortait de la douche pour expliquer ses cheveux mouillés, par honte d'avouer qu'elle sortait d'un entraînement. Elle voit dans ces départs les carences du système universitaire hexagonal. Mary-Ambre Moluh, titulaire d'un bac mention très bien, ne peut que confirmer: « À l'Insep, les étudiants peuvent faire des études en Staps et kiné, mais rien d'autre à cause des horaires d'entraînement incompatibles. »

« Harvard et Princeton, comme Michelle Obama? »
La mère de Mary-Ambre Moluh à sa fille

Approchée par un membre de l'université d'Arizona lors des championnats du monde 2022, rassurée par la réussite de Léon Marchand, elle s'est proposée dans la foulée aux établissements américains, via le site Swimcloud. « J'ai reçu une quinzaine de propositions », confie-t-elle. Dont les prestigieuses universités de Princeton et Harvard, qu'elle a déclinées en raison du niveau insuffisant de leur équipe de natation, qui « reste [sa] priorité ». Sa mère en a été estomaquée : « Harvard et Princeton, comme Michelle Obama? Et tu ne veux pas y aller? » a-t-elle lancé à sa fille.

Moluh

Mary-Ambre Moluh, ici en mars à Nice, partira en Californie après les JO.

Frais d'études, de logement et de nourriture sont pris en charge, en totalité ou pas selon les profils des étudiants. Ils s'échelonnent entre 25000 et 87000dollars en fonction des universités. La bourse de Mary-Ambre Moluh couvre 100 % de ses dépenses, mais elle a appris que certains négocient 110 %, pour inclure de l'argent de poche. « Si ça se passe bien, je vais renégocier à la fin des deux premières années », anticipe la nageuse. Les clubs français, où les jeunes champions restent licenciés pour continuer de participer aux compétitions internationales, peuvent offrir un revenu d'appoint appréciable.

En théorie, les sportifs, juste heureux d'être reconnus et encouragés en classe, ne
disposent d'aucun passe-droit. Mais ils sont soumis aux mêmes obligations de présence et aux mêmes examens. « Si on a besoin de tutorat, on a des facilités » nuance Mary-Ambre Moluh, qui hésite entre un diplôme de biologie et un de finance. Le même cours a lieu plusieurs fois dans la journée pour permettre à tous d'y assister, les sportifs comme les étudiants contraints d'avoir un emploi.

Plus d'un millier des 3000 universités américaines entretiennent des équipes de sport. Vus de ce côté de l'Atlantique, leurs moyens laissent pantois. Cofondateur de l'agence OverBoarder, qui a envoyé 2000 sportifs européens de haut niveau dans les établissements des États-Unis depuis sa création en 2007, Benoît Matival reste émerveillé: « Les étudiants peuvent tout faire à pied ou à vélo sur le campus. La piscine est proche de la salle de musculation, de celle de soin, du logement, du restaurant. Quand je suis moi-même parti il y a vingt ans pour le tennis à l'université de Louisiane, il y avait un stade de football américain de plus de 102.000 places sur le campus. Pour huit matchs par an, rien d'autre! »

L'argent provient de ces sports rois. Les droits télé, la billetterie et le merchandising
du foot US, du baseball et du basket financent les disciplines moins dotées, comme la natation. Il n'est pas question de philanthropie, juste de business. « Le sport crée un attachement fort à une fac, souligne Benoît Matival. Les enfants assistent aux matchs universitaires avec leurs parents diplômés, puis s'inscrivent un jour dans la même fac, en payant l'intégralité de la scolarité, comme 99 % des étudiants. Ils se disent aussi que si des Français ou des Britanniques viennent de si loin, c'est que l'université doit valoir le coup. » Mary-Ambre Moluh compte bien le vérifier.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.