Noah Lyles, la rock star de l’athlétisme

Noah Lyles, verbe haut et semelles de vent, entend incarner la discipline à la façon d’Usain Bolt en son temps. Passage obligé pour l’Américain : un premier sacre ce soir.
Après sa victoire sur 100 mètres au meeting de Londres, le 20 juillet. Le sprinteur vient de battre son record
Après sa victoire sur 100 mètres au meeting de Londres, le 20 juillet. Le sprinteur vient de battre son record (Crédits : © LTD / Simon Dael/Shutterstock/SIPA)

Puisque tout se mesure dans un stade d'athlétisme, un jour il serait bon d'évaluer jusqu'où montent les genoux de Noah Lyles à l'instant de son bond signature, juste avant de se caler dans les starts. Voire à quel point ses agitations peuvent grimper au cerveau de ses voisins de couloir. Du genre élastique, l'Américain s'y connaît en hauteur - 2,03 mètres au lycée -, et cela peut aider quand l'horizon ne convoque plus que des sommets. Les Mondiaux 2023 de Budapest se sont conclus par un brelan doré (100, 200 et 4×100 mètres), faisant de lui le quatrième sprinteur de l'histoire à phagocyter de la sorte une même édition. Refaire le coup à Paris en mode olympique, huit ans après Usain Bolt, serait déjà du tonnerre.

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Mais Noah Lyles, 27 ans, s'est permis d'ajouter un cran au rêve en se déclarant « disponible » pour le relais 4×400 mètres. Comme lors des Mondiaux indoor de Glasgow, début mars (2e). Une sélection diversement appréciée dans les rangs US, les remous reprenant de plus belle à l'approche du Stade de France. Pour trouver trace de quadruplés aux JO, il faut se référer aux légendes Jesse Owens (1936) et Carl Lewis (1984). Eux avaient ajouté la longueur au sprint. L'option tour de piste tiendrait donc de l'inédit. Même Usain Bolt, en pointe sur la distance chez les jeunes, ne s'y est pas risqué. Ces noms-là, qui ont imprimé bien au-delà de l'athlétisme, Noah Lyles se sent de nature à les rejoindre.

Rodomontades et partis pris

Sourire XXL, hâbleur mais rarement antipathique, il assure à qui veut l'entendre sa volonté de « transcender » l'athlétisme. Aux vidéastes de Netflix, par exemple, qui en ont fait le fil rouge, avec Sha'Carri Richardson, de la première saison de Sprint. « J'ai clairement l'ambition de transformer ma discipline pour en devenir le symbole, avance-t-il dans la série. J'aime ce sport mais je refuse de le laisser au niveau où il est. D'autres sportifs sont des rock stars, reconnues partout. Ça doit être la même chose pour l'athlétisme. Je ne serai pas heureux tant que ce ne sera pas le cas. » Alors Noah Lyles, récemment à la une de Time Magazine, fait le job, voire du zèle. Il parle fort, s'habille clinquant et ne cache rien. Ou alors juste des cartes manga, pour mieux les sortir de sa combinaison au départ, face caméra bien sûr. Il y a les rodomontades, comme ces annonces de records avant une échéance.

Les partis pris, sociétaux (poing ganté de noir en soutien au mouvement Black Lives Matter) ou sportifs (pique contre la NBA autoproclamant son lauréat « champion du monde »). Et puis, surtout, il y a les failles. À l'été 2020, il avait révélé être sous cachets pour juguler une dépression, conséquence d'un empilement de nuages, parmi lesquels le confinement et le report des Jeux de Tokyo. « Comme un orage parfait », formulait-il alors, lui qui a aussi relaté les crises d'asthme de l'enfance, la dyslexie et les troubles de l'attention. Depuis l'automne dernier, le sprinteur français Mickaël Zézé, en intégrant le groupe du coach Lance Brauman, partage une partie de son quotidien floridien, à Clermont. Il dépeint une star sans filtre ni calcul: « Noah est un showman, extraverti à l'entraînement comme il l'est en public. Il aime lancer des petits défis, mais c'est d'abord un vrai bosseur. De temps en temps, il invite les athlètes du groupe chez lui. On joue à des jeux de société, on regarde de l'athlé, et il nous raconte les expériences qu'il a traversées. C'est un personnage vraiment ouvert, on peut lui poser n'importe quelle question. »

Son rap? J'ai écouté une fois et je lui ai vite dit stop! On ne peut pas être bon partout

Le sprinteur français Mickaël Zézé

Même le chambrer sur ses compos de rap, publiées sous l'alias Nojo18. « Je pense qu'il a mis cette activité de côté, et c'est sans doute mieux car ce qu'il fait, c'est pas ouf, sourit le Normand, membre du relais 4×100 mètres aux JO. J'ai écouté une fois et je lui ai vite dit stop! On ne peut pas être bon partout. »  Au sein du groupe Pure Athletics de Clermont, où figure notamment le Sud-Africain Wayde Van Niekerk, recordman du monde du 400 mètres, c'est Adidas qui fait les chèques. Sous contrat avec l'équipementier depuis ses débuts pro en 2016, Lyles a prolongé cette année pour une olympiade supplémentaire. Un deal annoncé comme le plus lucratif depuis la retraite de Bolt, dont les émoluments chez Puma étaient estimés à quelque 10 millions de dollars annuels. Fidèle à son style à tout poser sur la table, l'athlète de l'année 2023 souhaitait que le montant soit dévoilé. Il restera confidentiel. Pour le business, Keisha, la mère, n'est jamais bien loin.  Elle-même a été une athlète, distinguée dans les rangs universitaires, tout comme le paternel, Kevin, spécialiste du tour de piste. Famille de sportifs complétée par le frère cadet Josephus, record à 19"93 sur 200 mètres.

«Le 100 est ma maîtresse»

Ce soir, Noah Lyles joue gros. Parce que c'est la grande explication du 100 mètres (finale à 21h50). Qu'elle échappe aux Américains depuis vingt ans (Justin Gatlin, Athènes 2004). Et que c'est là que sa marge est la plus mince. La faute à un départ un poil faiblard, qu'il s'est évertué à corriger avec un expert en biomécanique et en augmentant la dose en salle de muscu. Si Noah Lyles est arrivé à Paris avec un record tout frais de 9"81, Kishane Thompson (23 ans) a été plus rapide de 4 centièmes lors des sélections jamaïcaines, en coupant son effort sur la fin. Et la vague africaine (Letsile Tebogo, Ferdinand Omanyala) affûte encore le suspense.

« Or, si Lyles veut prétendre à la notoriété de Bolt, cela passera par le 100 mètres, observe Pascal Rolling, responsable du marketing sportif chez Puma, et qui a accompagné la Foudre durant toute sa carrière. Le gars a du charisme, une personnalité qui ne laisse pas indifférent, mais ce qui lui manque, ce sont des titres olympiques. Usain en a décroché huit, il était devenu plus grand que l'athlétisme. Lui n'en a encore aucun. » Juste une médaille de bronze à Tokyo, quand l'or lui semblait promis, sur 200 mètres.

Une distance maîtrisée - « le 200 c'est ma femme, le 100 ma maîtresse », badine-t-il et qui fonde ses desseins de record du monde (une pointe à 19"31, à 12 centièmes de Bolt). Finale jeudi. En attendant, c'est bien le qualificatif dont il aime qu'on l'affuble, « l'homme le plus rapide de la planète », qui est en jeu. Et une bonne partie de la trace qu'il entend laisser. Par anticipation, elle est déjà tatouée près de ses abdos bétonnés. D'un côté, ICON (« icône ») en lettres capitales. De l'autre, les anneaux olympiques.

La surprise Julien Alfred

Grâce à elle, on va apprendre beaucoup de choses sur Sainte-Lucie. La sprinteuse Julien Alfred a offert à l'île caribéenne (183000 habitants) la première médaille de son histoire, s'adjugeant le 100 mètres féminin sur la piste violette et gorgée d'eau du Stade de France. En 10"72, la championne du monde du 60 mètres en salle (23 ans) a largement dominé la concurrence, et surtout la grande favorite américaine Sha'Carri Richardson (10"87). Une autre représentante américaine complète le podium: Melissa Jefferson (10"92).

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Commentaires 2
à écrit le 05/08/2024 à 15:50
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Cet individu semble totalement stupide !

à écrit le 04/08/2024 à 10:10
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J.O. 2024 ? Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile comment la Chine utilise tous les moyens pour que ses athlètes triomphent au niveau mondial....

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