Natation : l’heure de Léon Marchand

À 22 ans, le quintuple champion du monde est la star française attendue des Jeux. Il a déjà une expérience.
Léon Marchand, nageur français.
Léon Marchand, nageur français. (Crédits : © OLIVIER CHASSIGNOLE/AFP)

À lui seul, Léon Marchand vise potentiellement quatre médailles d'or plus une en relais, alors que la natation française en a remporté huit dans l'histoire des Jeux olympiques. L'attente est grande pour un garçon de 22 ans. Son entraîneur Bob Bowman l'a bien ressenti lors de l'entrée au village olympique, mercredi : « C'est très spécial pour lui. » L'Américain sait de quoi il parle : il a coaché Michael Phelps tout au long de sa longue domination - 23 titres olympiques entre 2004 et 2016,  28 médailles au total. La comparaison entre le Toulousain et la légende de Baltimore est d'ailleurs permanente. Elle est déjà valable sur au moins un point : ni l'un ni l'autre n'est monté sur un podium lors de sa première participation.

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De Sydney en 2000, à seulement 15 ans, Michael Phelps était rentré bredouille - cinquième sur 200 mètres papillon - avant de rafler huit médailles quatre ans plus tard, dont six en or. À Tokyo en 2021, Léon Marchand avait participé à quatre épreuves et obtenu pour meilleur résultat une sixième place (400 mètres quatre nages). Un an avant, il avait annoncé qu'il rejoindrait Bob Bowman à l'issue des Jeux. Entre eux, l'histoire a commencé par un mail adressé par le médaillé de bronze mondial et européen juniors à l'université d'Arizona. « C'est Bob Bowman qui m'a répondu, ça m'a fait bizarre mais c'était sympa », a-t-il raconté dans L'Équipe. Un échange via Skype plus tard, leurs destins étaient liés. Rien que sur trois distances de prédilection de Léon Marchand (200 mètres papillon, 200 mètres quatre nages, 400 mètres quatre nages), le couple légendaire de la natation US, Phelps-Bowman, a remporté neuf titres olympiques.

C'est très spécial pour lui

Son entraîneur Bob Bowman

Malgré la bulle sanitaire étanche, les Jeux de Tokyo ont été un souvenir heureux. Près de trente ans après la participation de sa mère, Céline Bonnet, aux épreuves de natation à Barcelone (1992), Léon Marchand a goûté à son tour à la « vie de rêve » du village olympique, où l'on croise des stars « tous les jours ». Cette fois, c'est lui que d'autres athlètes arrêtent dans les allées pour des selfies. Sa nature timide doit s'en accommoder. Ainsi va la vie d'un « phénomène », comme le désigne le double champion olympique Alain Bernard. Le statut n'est pas usurpé tant Léon Marchand a tiré le meilleur profit d'une olympiade rabotée : deux titres aux Mondiaux en grand bassin à Budapest (2022) puis trois à Fukuoka (2023). En cumulant ses victoires aux championnats de France et universitaires américains, 24 médailles d'or pendent à son cou, façon Mister T.

Léon Marchand

Léon Marchand. (Crédits : © LTD / Matthieu Mirville/ZUMA Press Wir/SIPA)

Le détenteur du record du monde du 400 mètres quatre nages jure que les honneurs ne l'ont pas changé. Il contrôle tout ce qu'il peut, soutenu par un premier cercle fermé, auquel appartient toujours son entraîneur aux Dauphins du TOEC, Nicolas Castel. Tout est en place pour que la vague Marchand déferle sur les Jeux.

Toucher coulée

La nage sous l'eau est l'atout maître de Léon Marchand. Explications par la science.

« Il est toujours sous l'eau ! Vous vous foutez de moi ? » Consultant pour NBC lors des Mondiaux 2023 à Fukuoka (Japon), la légende Michael Phelps s'étrangle. Au 7e et dernier virage, Léon Marchand est en train de battre son record du monde du 400 mètres quatre nages et offre une coulée à la limite des 15 mètres réglementaires à l'issue de laquelle il accroît son avance. La séquence a marqué car « avant lui, nous confiait récemment le double champion olympique Alain Bernard, on n'avait jamais vu un nageur faire une [telle] coulée » à la fin de cette épreuve à la frontière entre le sprint et l'endurance, à l'image du 1 500 mètres en athlétisme.

La coulée, c'est l'atout maître de Léon Marchand depuis tout jeune. « On l'appelle aussi ondulation du dauphin », indique Amandine Aftalion, chercheuse au CNRS et autrice de Pourquoi est-on penché dans les virages ? - Le sport expliqué par les sciences en 40 questions, qui détaille le phénomène : « Dans une ondulation, le nageur repousse l'eau, et les tourbillons qu'il crée derrière lui le repoussent. » Or, celle du Français se révèle plus efficace sur la longueur. Question de morphologie (1,83 mètre, 66 kilos) et de souplesse, qui donnent une forme très arrondie à son ondulation. « Ça lui permet de ramener la vague sous le bas de son corps et de le propulser, poursuit la scientifique. Cette capacité à être suffisamment incurvé pour renvoyer une partie de la vague vers soi est très difficile à réaliser et, chez lui, elle est supérieure aux autres. » Et cela lui procure de « bonnes sensations », admet l'intéressé.

2,5 fois moins de résistance qu'en surface

Lors de son record du monde à Fukuoka, Léon Marchand avait nagé un peu plus de 100 mètres sous l'eau. « On y rencontre environ 2,5 fois moins de résistance qu'en surface », éclaire Amandine Aftalion, qui décompose la force s'opposant au mouvement dans l'eau en trois parties : la résistance due aux vagues, celle due à la forme du corps et celle sur le corps. Cette « cinquième nage » est encore plus efficace à environ deux fois l'épaisseur du corps sous l'eau.

S'il n'est pas forcément plus puissant, Léon Marchand a cette capacité à reproduire l'effort. Sans avoir de données sur sa VO2, sa capacité à transformer l'oxygène en énergie, Amandine Aftalion note que Léon Marchand « ne démarre pas trop fort pour ne pas trop puiser dans son anaérobie » mais que celui-ci se met vite en route et se maintient. Alain Bernard décrit ainsi sa coulée finale du 400 mètres quatre nages : « Trois minutes trente d'effort intense suivies d'une apnée d'une douzaine de secondes. » Les poumons brûlent, les jambes aussi. « Mais quand on voit qu'on gagne de l'avance grâce à ça, c'est sympa », avait commenté Léon Marchand au soir de son exploit.

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Commentaires 2
à écrit le 02/08/2024 à 11:20
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Le pire ennemie de nos champions sportifs c'est la notoriété et le système médiatique et tout ces gros nuls qui viennent s'accrocher à eux pour essayer de profiter du phénomène pour eux seuls. Je plains tellement tout ces champions innocents cernés p...

à écrit le 28/07/2024 à 9:47
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J.O. 2024 ? Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile comment la Chine utilise tous les moyens pour que ses athlètes triomphent au niveau mondial....

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