Football : le chanteur Miossec revient sur l’invraisemblable saison de Brest

ENTRETIEN - Supporter de toujours, l’artiste breton évoque son équipe préférée, qui joue une qualification directe pour la Ligue des champions ce dimanche soir.
Le chanteur face à la rade de Brest.
Le chanteur face à la rade de Brest. (Crédits : © LTD / Vincent MOUCHEL/OUEST FRANCE/MAXPPP)

Quand on est né à Brest il y a bientôt soixante ans et qu'on supporte le club local depuis qu'on est gamin comme Christophe Miossec, il faut se pincer pour y croire. Accoutumé au fond de cale ou à la Ligue 2, le Stade brestois effectue une saison exceptionnelle, qualification européenne à la clé. Longtemps sur le podium, le club finistérien en est descendu le week-end dernier, doublé par Lille à la différence de buts. Mais les Bretons peuvent encore rêver de ticket direct pour la Ligue des champions, ce soir chez le 11e, Toulouse (multiplex, 21 heures), tandis que le Losc reçoit Nice (5e, et qui ne peut plus revenir) lors de cette dernière journée.

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Christophe Miossec n'en ratera pas une miette. S'il n'est pas allé souvent à Francis-Le Blé, « un chouette stade en ville à l'anglaise » mais pas aux normes de l'UEFA, et a même eu un côté chat noir en assistant au « match le plus nul de l'année contre Monaco [0-2] », l'auteur de Stade Brestoa s'est régalé.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous l'avez vue venir, cette histoire ?

MIOSSEC - Non, les joueurs eux-mêmes sont surpris. Joie du sport ! C'est un vrai cadeau et, par les temps qui courent, on est preneurs. C'est une belle leçon de morale pour le foot français. Au-delà du classement à la fin, c'est la manière d'y arriver qui est chouette. Avec le 15e budget de Ligue 1, le directeur sportif, Grégory Lorenzi [annoncé partant par L'Équipe], a réussi à faire une vraie équipe, pas juste une addition de joueurs. Encore plus dingue : elle joue avec le caractère brestois.

Qu'est-ce que le « caractère brestois » ?

Ici, c'est le bout du monde. Le port, l'arsenal. C'est travailleur. Il y a la Marine nationale, mais on n'a jamais eu de grosses entreprises. On n'a pas de grande bourgeoisie. Tout le monde se tutoie. Par certains aspects, on est plus proches de l'Angleterre. Dans le caractère, on ressemble plus à des Irlandais qu'à des Bordelais. Sans parler des Rennais ou des Nantais... On n'a vraiment pas la même histoire qu'eux. Lorenzi est corse. L'esprit insulaire, ça colle bien avec celui d'ici. Quand j'ai regardé le documentaire sur Sunderland (Sunderland: envers et contre tous, sur Netflix), ça m'a fait penser à Brest. Évidemment, les Anglais sont beaucoup plus dingues...

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Les joueurs brestois, le 7 avril au stade Francis-Le Blé, qui ne pourra pas accueillir de matchs de Coupe d'Europe. (Crédits : © LTD / LOIC VENANCE/AFP)

Le parcours de Brest, c'est la preuve que le « foot vrai » a encore sa place ?

Totalement, ça explose ces idées de ligues fermées. On est vraiment un caillou dans la chaussure et c'est extrêmement jouissif, surtout vu d'ici.

Hors de Brest, le sentiment c'est que tout ça c'est sympa mais fâcheux pour les affaires européennes de la France...

L'arbitrage sur la saison est assez révélateur. Même avec la VAR, on justifie l'injustifiable. On a perdu beaucoup de points dans l'histoire. Contre Lyon [4-3], c'était délirant. Contre le PSG aussi [2-2]. Quelques points en plus, ça ne serait pas volé. Mais ça serait indécent! Le classement est important. Finir troisième ou quatrième, ça n'est pas la même chose. Là, avant d'accéder à la Ligue des champions, il y aurait plein de matchs à jouer. Ça signifierait être épuisé en décembre et faire une saison de merde après. Brest ne peut pas se payer un banc de touche comme d'autres clubs. On n'a pas eu beaucoup de blessés cette saison mais, sur la fin, ça a commencé à se voir.

Vous craignez le contrecoup la saison prochaine ?

Le risque est grand. Mais personne ne fantasme sur une suite aussi fabuleuse, il ne faut pas se faire du mal. C'était cette année, et il faut en profiter.

Brest en Ligue des champions, ça serait plus improbable que Miossec à la fashion week ?

Il y a de ça, même si j'ai déjà assisté à un défilé de mode. Mais, oui, c'est de la fiction quand on empile les éléments. Éric Roy n'avait pas entraîné depuis Mathusalem et on se retrouve avec une équipe qui développe un beau jeu, considéré partout ailleurs. Les frères Le Saint [Denis et Gérard, président et coprésident] sont les deuxièmes marchands de fruits et légumes en France. Un mec comme Pierre Lees-Melou fait plaisir à voir et envie à entendre. Il connaît autre chose que le foot, il dit même qu'il ne regarde pas les matchs. Rare aujourd'hui.

Bernard Pardo sentait la bière et l'animal. J'étais dingue de ce joueur


Il voulait partir à Rennes cet hiver et le club l'a retenu. Le tournant ?

Oui, ça aurait vraiment changé la face de la saison. C'est le cerveau; donc, sans lui, l'équipe est un peu trépanée. Cela étant, d'autres joueurs m'ont plu. Lilian Brassier a été monstrueux mais il va s'en aller. Dans les buts, Marco Bizot a fait du sauvetage en mer.

Et Kenny Lala, c'est « un arrière droit assez brutal » comme dans votre chanson Évoluer en 3e division ?

Oui, je trouve qu'il fait le boulot. Mais ce ne sont plus les mêmes joueurs qu'à mon époque. Bernard Pardo, lui, sentait la bière et l'animal [référence à sa chanson]. J'étais dingue de ce joueur. Mes premiers souvenirs, c'est lui [1980-1985]. Comme Lorenzi, c'est un mec du Sud.

Cette équipe est-elle plus excitante que celle du début des années 1990 avec David Ginola, Bernard Lama, Corentin Martins, Stéphane Guivarc'h ?

Ce n'est pas comparable car on ne peut pas rêver mieux que cette saison. Il y a un an, on nous aurait dit qu'on se battrait pour la qualification directe en Ligue des champions à la dernière journée, tout le monde se serait bidonné. Tout ça reste une bonne blague. Ça a d'ailleurs mis beaucoup de temps avant que Brest soit pris au sérieux. C'était vu comme une anomalie qui ne durerait pas. Et ça a duré. Quand on entend Luis Enrique [l'entraîneur espagnol du PSG] en parler et dire qu'il est bien content de ne plus avoir à affronter le Stade brestois, c'est une chouette marque de respect.

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