Euro 2024 : Didier Deschamps, secrets défense

Le culte de la solidité né en 1998 a, certes, été amendé depuis mais, pour voyager loin, il faut être fiable derrière. Ça, le sélectionneur sait faire. Même s’il a toujours dû s’adapter...
Solen Cherrier
Didier Deschamps
et Dayot
Upamecano
mercredi
à Paderborn
(Allemagne).
Didier Deschamps et Dayot Upamecano mercredi à Paderborn (Allemagne). (Crédits : © LTD / STÉPHANE MANTEY/PRESSE SPORTS)

D'emblée Antoine Griezmann  a mis les pieds dans le plat. Premier devant la presse au début du rassemblement, le vice capitaine de l'équipe de France a expliqué que la clé pour aller « le plus loin possible » dans un grand tournoi était d'avoir « une équipe solide, dure dans les duels, très bonne défensivement ». « C'est très chiant à regarder, mais ça fait gagner », a prolongé le joueur à tout faire des Bleus. Qui sait de quoi il parle. D'abord parce que le mantra de son entraîneur à l'Atlético de Madrid, Diego Simeone, colle aux propos. Et que l'attaquant infusé à la garra charrúa, cet esprit guerrier uruguayen, en est lui-même l'étendard. Ensuite parce qu'il a été de toutes les campagnes de Didier Deschamps depuis dix ans, quatre finales à la clé (Euro 2016, Coupes du monde 2018 et 2022, Ligue des nations 2021).

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Griezmann a exprimé avec ses mots l'idée globale. Mais ce ne sont pas ceux du sélectionneur et de son staff, qui ont toujours cherché à argumenter contre l'image attentiste et ennuyeuse qu'on leur renvoi parfois ; ils pointent, par exemple, le fait que les Bleus ont été champions du  monde il y a six ans en marquant bien plus de buts que l'Espagne de 2010, pourtant louée pour l'excellence de son jeu. Pour Didier Deschamps, c'est à la fois plus simple et plus compliqué que ça, que « l'aspect défensif-offensif », c'est un rapport de force et une question d'équilibre en fonction du profil de ses joueurs (« il peut y avoir des attaquants très défensifs et des défenseurs offensifs »), mais aussi de l'adversaire.

L'improbable rafistolage de 2016

Vu de France, le culte de la solidité défensive indispensable aux expéditions en haute altitude est né de 1998, puisque cela a été le socle du premier titre mondial, façonné par Aimé Jacquet, avec une arrière-garde en béton épaulée par trois milieux travailleurs. La deuxième étoile, vingt ans plus tard, avec l'ancien capitaine des champions du monde au volant, a atténué cette obsession. À la veille d'entrer dans la compétition, la défense tricolore était un chantier. La charnière Raphaël Varane-Samuel Umtiti s'apprivoisait à peine, les latéraux Benjamin Pavard et Lucas Hernandez avaient pris la place de Djibril Sidibé et Benjamin Mendy juste avant de s'envoler pour la Russie. L'équilibre de l'ensemble était venu du replacement en cours de route de Blaise Matuidi dans le couloir gauche. Et c'est ce qui avait fait sa force à partir des quarts, plus que son attaque de feu.

Depuis le début de son mandat en 2012, Didier Deschamps a souvent été contraint de faire ce qu'il fait le mieux : s'adapter. Symptomatique, il a aligné autant de charnières qu'il y a eu de tournois internationaux. La première, au Mondial 2014, était celle qu'il envisageait depuis un an: Raphaël Varane et Mamadou Sakho. Fiable jusque-là, elle avait cédé sur un détail en quart de finale contre l'Allemagne, futur vainqueur. À l'Euro 2016 en France, « DD » avait été contraint à un improbable rafistolage: Varane (blessé) et Sakho (suspendu) out, il s'était appuyé, pour se hisser non sans mal jusqu'en finale, sur un joueur qui n'était même pas réserviste (Adil Rami) puis sur un néophyte (Umtiti) afin d'épauler Laurent Koscielny. Lequel, tendon d'Achille en vrac, avait dû renoncer à la Coupe du monde deux ans plus tard...

Première sans Lloris depuis seize ans

À l'Euro 2021, la défense voulue était celle alignée, avec Presnel Kimpembe à la place
d'Umtiti. Mais le retour de Karim Benzema avait poussé le sélectionneur à passer à une
défense à cinq en huitième de finale, et ce afin de libérer le trio de devant (Griezmann,
Benzema, Mbappé). Un flop. Dix-sept mois  plus tard au Qatar, alors que Deschamps était déjà privé du premier rempart N'Golo Kanté-Paul Pogba, 75 % de la défense avait changé après le match d'ouverture contre l'Australie: Jules Koundé avait profité du déclassement de Pavard, Théo Hernandez avait pallié le forfait de son frère et Varane revenait de l'infirmerie. Depuis la retraite internationale de ce dernier, le sélectionneur a aligné 11 charnières différentes en 14 matchs. L'attelage Ibrahima Konaté-Dayot Upamecano a été le plus utilisé.

C'est celui que Deschamps avait trouvé au lendemain du Mondial 2022, mais pas celui qu'il envisageait pour cet Euro: avant sa rechute, Lucas Hernandez devait prendre l'axe.                    Et malgré ce forfait, ce n'est pas celui qui est pressenti pour débuter demain contre l'Autriche, puisque William Saliba semble avoir marqué des points... Au moins, il y a de la ressource. Ce n'est pas le cas à droite, où, faute de mieux, mais aussi pour compenser les élans offensifs de Théo Hernandez, il continue de faire confiance à Koundé, prolongeant la lignée des centraux reconvertis - avec souvent du succès au bout (Lilian Thuram en 1998 et 2000, Pavard en 2018). Pour la première fois depuis seize ans, l'équipe de France s'apprête surtout à disputer un tournoi sans Hugo Lloris dans les cages. Ce n'est pas rien quand il est question de fiabilité.

Solen Cherrier

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