Claude Onesta : « En trois ans, avec les mêmes athlètes, les performances ont quasi doublé »

ENTRETIEN - L’ancien sélectionneur multimédaillé du handball, aujourd'hui chargé de la haute performance à l'Agence nationale du sport, apprécie la dynamique de résultats des français depuis les JO de Tokyo. Objectif visé : le top 5 olympique.
Claude Onesta, à Marseille, en 2022
Claude Onesta, à Marseille, en 2022 (Crédits : © LTD / Nicolas VALLAURI/LA PROVENCE/MAXPPP)

Mercredi, l'agence nationale du sport (ANS) a présenté la maison de la performance, avec ses deux lieux mis à disposition des athlètes français pendant les Jeux olympiques, en complément du village et du Club France. Une offre inédite inspirée de la « performance lodge » des Anglais à Londres en 2012. L'occasion pour Claude Onesta, qui délaisse de plus en plus les bureaux pour se rapprocher du terrain, de faire le point sur l'état des troupes.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Comment sentez-vous les athlètes français à presque J-100 ?

CLAUDE ONESTA - Évidemment, ce serait étonnant qu'ils ne soient pas sous pression. Mais l'analyse factuelle nous donne du crédit : nous avons fait des comparatifs sur la situation dans laquelle ils étaient avant les Jeux de Tokyo et celle dans laquelle ils sont aujourd'hui, en se basant sur les résultats et les podiums aux championnats du monde de l'année qui précède. Avec les mêmes athlètes ou presque - en trois ans, on ne change pas une génération -, les performances ont quasi doublé. Pas dans toutes les disciplines, mais en volume. Cette dynamique valide la qualité du travail et notre investissement, notamment sur les entraîneurs. Moi, je suis pragmatique. Tokyo, c'était 33 médailles. Pour être au rendez-vous espéré à Paris, il en faut quasiment le double. En clair, faire deux fois mieux avec les mêmes. Je me suis demandé par quel bout prendre la problématique. On a été beaucoup plus précis dans l'accompagnement du sportif, mais il m'est aussi apparu essentiel d'agir sur les coachs. On a recruté des experts à des endroits où on n'en avait pas et on a valorisé le travail des entraîneurs. Cette dynamique se propage aux athlètes, car le discours devient ambitieux, avec une forme de croyance dans la réussite.

La pression à domicile, c'est quitte ou double ?

Quand vous êtes prêt, c'est un tremplin qui peut vous propulser. Quand vous ne l'êtes pas, ça peut vous écraser. C'est pour ça qu'il fallait entrer dans cette dynamique de croyance, pour que cet engouement du public soit générateur d'énergie et facilitateur de la performance.

Depuis un an, les projections de la société Gracenote placent systématiquement la France dans le top 5, voire mieux. Trop optimiste ?

Mon métier n'est pas de faire des pronostics, c'est davantage le vôtre.

Plus on approche de l'arrivée, plus on s'occupe des pourvoyeurs de médailles

Claude Onesta

Mais vous vous basez dessus, non ?

Je vois ce qu'écrivent des gens sérieux dont c'est le métier. Ils vendent leurs travaux : pour qu'ils soient achetés, il faut qu'ils soient fiables. Par rapport à ce qu'ils affichent, je me dis qu'on est parfois plus en retrait - ou plus raisonnables, je ne sais pas. Ma mission n'est pas de tabler sur un nombre de médailles, mais d'identifier toutes les potentialités et de faire ce qui est nécessaire pour en laisser échapper le moins possible. Si je réponds clairement à la question « combien de médailles ? », j'affiche toutes celles auxquelles je ne crois plus et je participe à déstabiliser ces gens qui, eux, sont encore persuadés d'y arriver. Nous avons un baromètre quotidien de l'évolution des uns et des autres. Nous essayons d'avoir une proximité pour que personne ne s'affole, ni ne s'endorme.

Votre suivi est ciblé. Cela signifie que vous accompagnez plus le judo et son fort potentiel que l'athlétisme, qui a peu d'espoirs ?

Plus on approche de l'arrivée, plus on s'occupe des pourvoyeurs de médailles. L'athlétisme a engagé un réel travail de transformation qui nécessite du temps. Ça ne sert à rien de leur mettre une pression au-delà du raisonnable, le potentiel n'est pas aussi élevé que l'on aimerait. On les accompagne car il ne faut pas trop vite migrer sur l'objectif suivant : on doit faire du mieux possible à Paris. Mais on travaille d'ores et déjà sur des cibles à échéances de quatre ans. L'analyse de phases est un peu différente. Alors que pour ceux qui ont des gros résultats à aller chercher, on s'efforce de ne pas regarder au-delà.

Zéro pointé en athlétisme, ça ferait mauvais genre ?

Je ne suis pas là pour juger, mais pour chercher des solutions. La performance, ça ne se décrète pas. La situation de l'athlétisme est difficile depuis un certain temps. Ils ont surfé sur les perfs de certains athlètes, mais la problématique était plus globale : habitudes de travail, organisation... Ce n'est pas la responsabilité de ceux qui sont là aujourd'hui, mais de ce qui aurait dû être fait et ne l'a pas été depuis des années. Le potentiel [de médailles] est très limité, on le voit bien. Ce n'est pas là qu'on trouvera des solutions pour Paris. Donc on a fait le choix de prendre la quinzaine d'athlètes les mieux placés pour Paris et de les accompagner du mieux possible pour se donner le maximum de chances de réaliser quelques perfs.

Mais avec 48 podiums, c'est la discipline reine des JO. La France a-t-elle un boulet au pied ?

C'est un handicap pour le classement. Mais il n'y a eu qu'une médaille à Tokyo [Kevin Mayer], la difficulté était déjà là. On n'a pas abandonné pour autant. Si les 15 athlètes en vue réalisent leur meilleure performance de l'année au Jeux, on aura le sentiment d'avoir fait le maximum pour être au rendez-vous, même si ça ne suffit pas pour une médaille.

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