Face à des tensions de recrutement, Airbus Atlantic va-t-il pouvoir absorber la hausse des cadences de production ?

Chez Airbus Atlantic, il y a actuellement deux sujets d’attention et de préoccupation : la question compliquée du recrutement et les difficultés de la chaîne d’approvisionnement. Le premier syndicat de la filière aéronautique CFE-CGC, tous collèges confondus, était à Nantes (Loire-Atlantique), mercredi 18 octobre, pour faire le point.
Le premier syndicat de la filière aéronautique CFE-CGC, tous collèges confondus, était à Nantes (Loire-Atlantique), mercredi 18 octobre.
Le premier syndicat de la filière aéronautique CFE-CGC, tous collèges confondus, était à Nantes (Loire-Atlantique), mercredi 18 octobre. (Crédits : Florence Falvy)

Après le trou d'air du Covid, les trois usines d'Airbus Atlantic situées à Montoir-de-Bretagne, Nantes et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) tournent à plein régime pour accompagner la montée en cadence. « Nous pourrions qualifier l'actualité de bonne ou d'excellente », annonce d'emblée Xavier Dahéron, délégué syndical central de la CFE-CGC Airbus Atlantic, filiale à 100% d'Airbus, lors d'une conférence de presse ce mercredi 18 octobre à Nantes. Il se dit déterminé à construire « un futur désirable ».

Un carnet de commandes colossal

« Nous sommes sortis de la période du Covid et d'un plan social en juillet 2020 avec une diminution de la cadence qui a été brutale et radicale. Du jour au lendemain, la production s'est écroulée d'environ 30% voire même de 50% sur la famille des A330 et A350 », a notamment ajouté Xavier Dahéron. Avant de poursuivre : « En 2020, nous sommes passés de 10 avions produits par mois à 5. Puis, très vite, nous avons vu l'activité redémarrer et les commandes d'avions revenir sur des rythmes conséquents puisque, au 30 septembre dernier, Airbus a engrangé 1 241 commandes nettes (contre 820 en 2022) et cela sans compter les 157 machines commandées par la compagnie Easy Jet la semaine dernière ». « Nous devons livrer cette année 720 avions d'ici au 31 décembre prochain. Au 30 septembre, 488 ont été livrés. C'est une année exceptionnelle en termes de prise de commandes », s'est-il enfin exclamé.

Le carnet de commandes du constructeur aéronautique est rempli pour dix ans, avec 7 992 avions, contre 7 239 en 2022. « C'est une situation jamais connue. Aucune industrie n'a une telle visibilité ! », lâche à ses côtés Fabrice Nicoud, président de la fédération CFE-CGC de la métallurgie. Ce qui conduit à une augmentation des cadences. Par exemple, pour la famille A320, 68 appareils devraient sortir d'usine au cours du troisième trimestre 2024, contre 56 au troisième trimestre 2023. Soit une hausse de 21,4% en un an. Pour l'A350 (Air France vient de commander 30 exemplaires), la hausse bondit à 52%, pour atteindre 8,5 avions par mois en septembre 2024, contre 5,6 un an plus tôt.

Des tensions de recrutement

De bonnes nouvelles donc après deux années de pandémie, qui a ralenti toute la filière de l'aéronautique. Mais une question se pose : le système industriel sera-t-il en capacité de faire face à cette montée en cadence ? D'autant plus qu'il faut « quatre fois plus d'effectifs pour fabriquer un A350 comparé à un A320 », d'après Michèle Brient, présidente CFE-CGC d'Airbus Montoir de Bretagne. Xavier Dahéron est dubitatif : « Nous avons une vraie interrogation », confie-t-il. Car Airbus a encore des difficultés à recruter alors qu'il faut préparer l'avenir décarboné de l'aviation. Bien que « les emplois proposés sont des emplois qualifiés, correctement rémunérés, avec souvent des évolutions de carrières », souligne François Hommeril, le président de la CFE-CGC.

Une situation particulièrement vraie dans les métiers de production, moins sur la population des cols blancs (techniciens, ingénieurs). « Nous sommes déjà très en dessous des entrées nécessaires pour faire face à l'augmentation du carnet de commandes », ajoute-t-il. A Montoir-de-Bretagne, en effet, l'objectif est de 160 entrées (embauches plus mobilité interne) en 2023 et il faudrait recruter chaque année 500 personnes (notamment des opérateurs) de 2024 à 2026, soit « dix personnes par semaine », pour pouvoir répondre à la hausse des commandes et tenir les cadences. Les sites de Nantes et de Saint-Nazaire, où le travail est plus automatisé, vont également embaucher, mais à des niveaux moindres. Ces chiffres sont-ils réalisables ? Xavier Dahéron affiche méfiance et pessimisme. « Nous avons des doutes. »

La faute au plan social de 2020 ? « Il y a peut-être eu des imprudences », glisse François Hommeril. Car, cette année-là, « les contrats d'intérim se sont arrêtés du jour au lendemain », complète Xavier Dahéron. A Montoir-de-Bretagne, 600 intérimaires, des personnes formées qui auraient pu être embauchées, ont été renvoyées. Ils étaient 135 à Saint-Nazaire. « Aujourd'hui, nous avons besoin de ces compétences. Mais lorsque Airbus les recontacte, elles ne veulent pas revenir travailler dans l'aéronautique. » De quoi interroger le modèle économique. « Nous avons flexibilisé le recours à la main d'œuvre mais aujourd'hui ce modèle économique est arrivé à sa limite. Ne peut-on pas faire autrement qu'avec de l'intérim ? Avec du chômage partiel, par exemple ? », suggère François Hommeril.

S'ajoute une autre problématique majeure : « La chaîne logistique (fournisseurs et sous-traitants) est sous tension avec des difficultés d'approvisionnement de certaines matières », note Xavier Dahéron.

Revoir la trajectoire ?

Alors, le recul de la montée en cadence peut-il être un scénario envisagé ? « Ce n'est pas celui de la direction aujourd'hui, car il y a une forte pression des compagnies aériennes dans le monde pour recevoir au plus tôt les avions de dernière génération (25% plus économes) », poursuit-il, alors que le trafic aérien ne cesse de croître. « Nous sommes revenus à des niveaux identiques, voire supérieurs, à ceux d'avant Covid. » Si les prévisions d'Airbus disent vrai, il est prévu que le trafic soit multiplié par trois en Chine et par cinq en Inde à l'horizon 2042. La flotte mondiale va quant à elle quasi doubler pour atteindre 46 560 avions (de plus de 100 places) à cette même échéance (contre 22 880 avions en 2023).

Au 31 août 2023, les trois sites de Loire-Atlantique totalisent 6.794 salariés (3.136 à Montoir-de-Bretagne, 2.607 à Nantes et 1.051 à Saint-Nazaire). Cette année, 474 entrées (embauches et mobilité interne) sont prévues cette année. Des chiffres qui seraient atteints, d'après les sections CFE-CGC.

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