Grand Paris : « Allons vers un schéma simple, à trois niveaux » (Pierre Veltz)

Par César Armand  |   |  487  mots
Pierre Veltz, ex-Pdg de Paris-Saclay, Grand Prix de l'urbanisme 2017. (Crédits : Sipa)
Le sociologue et urbaniste Pierre Veltz, ex-Pdg de Paris-Saclay, est un fin connaisseur du Grand Paris. Sa solution pour atténuer l'imbroglio actuel : le maintien des communes, une métropole régionale et des intercommunalités fortes.

LA TRIBUNE - Le Grand Paris est-il gouvernable ?

PIERRE VELTZ - En fait, toutes les grandes villes du monde sont gouvernées de manière plus ou moins chaotique. Il ne faut pas espérer de solutions parfaitement rationnelles. Ensuite, distinguons le gouvernement - la partie politique - de la gouvernance, un concept plus large qui inclut les acteurs économiques, culturels et sociaux. À Londres, par exemple, le business est beaucoup plus impliqué qu'en Île-de-France. Pour le gouvernement, l'OCDE disait il y a quelques années que Paris détenait la palme mondiale de la complexité... Aujourd'hui, il existe cinq niveaux : une région, une métropole, huit départements, des intercommunalités, des communes, sans compter 758 syndicats techniques !

Quelle serait la meilleure articulation selon vous ?

Il faut simplifier les choses ! Les réformes du quinquennat Hollande les ont compliquées avec cette méga-intercommunalité à 131 communes qui a deux défauts majeurs: trop vaste pour fonctionner comme une vraie intercommunalité, elle laisse de facto tout pouvoir aux maires ; et elle sépare artificiellement la première et la deuxième couronne. Cette séparation avait un sens à l'époque de Delouvrier, elle n'en a plus aujourd'hui.

Allons donc vers un schéma simple, à trois niveaux. Gardons l'échelon de proximité avec la commune - elle est sacrée en France ! À l'autre extrême, faisons de la région la bonne échelle de la métropole, en repensant l'institution régionale. Elle gère déjà les transports, confions-lui les sujets stratégiques de moyen et long terme, appelant un pilotage global : l'enseignement supérieur et la recherche, l'énergie, la transition écologique, le tourisme... Mais il faut un niveau intermédiaire. Il faut des intercommunalités fortes, à l'échelle des actuels EPT, mais avec de vrais pouvoirs, une légitimité visible pour piloter l'aménagement, le logement, l'espace de vie quotidien des habitants et des entreprises. Ces groupements seront l'équivalent de Bordeaux, de Strasbourg, de Nantes... Imaginez le dynamisme d'un Grand Paris fédérant ces entités. L'enjeu principal, aujourd'hui, n'est pas urbanistique. Il est de faire émerger une vision globale et partagée, celle d'une métropole plus créative, plus efficace, mais aussi, c'est crucial, plus inclusive. La question des départements est moins urgente, à mon sens. On peut attendre un peu...

Le Grand Paris est peu visible en interne comme en externe. Que faire ?

Il existe effectivement un double problème de visibilité. Les Franciliens, d'abord, n'y comprennent rien, même dans les milieux dits « bien informé ». Et toutes ces élections au suffrage indirect ajoutent à l'opacité. À l'international, la ville de Paris capte la lumière et sa puissance culturelle est un atout pour le Grand Paris. Mais il est temps de sortir d'un monocentrisme sans équivalent dans le monde. Une seule tête pour diriger la région et la ville-cœur serait à la fois logique et complètement impossible ! Alors soyons pragmatiques.