![Les Pêcheurs de Bretagne (LPDB), plus importante organisation de producteurs en France, viennent de sortie un panorama chiffré afin de déconstruire les idées reçues sur le chalutage.](https://static.latribune.fr/full_width/2144333/peche-ocean-produit-maritime-cotes-chalutier-filet-poisson-boulogne-sur-mer.jpg)
Dans le secteur de la pêche, les crises se succèdent et la filière toute entière se déclare en souffrance. Depuis la crise de la Covid-19, la perte de licences dans les eaux britanniques résultant du Brexit, puis le plan de sortie de flotte et la destruction d'une partie des navires hauturiers (haute mer), les pêcheurs - bretons, normands ou de Nouvelle-Aquitaine - ont aussi en mémoire la fermeture du Golfe de Gascogne pendant un mois en début de cette année.
Sans oublier les multiples discussions avec le gouvernement (percutées par les législatives) sur le possible renouvellement des aides au carburant après le mois de juin, ou encore de la perspective redoutée de l'interdiction des différents engins de pêche dans de nouvelles aires marines protégées belges (après celles des eaux britanniques).
Déconstruire les idées reçues
Le sujet d'une interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées, soit 12% des eaux de l'Union européenne, inquiètent globalement la filière de la pêche alors que la Commission avait décidé en février 2023 de l'appliquer d'ici à 2030. En janvier dernier, le Parlement et les eurodéputés se sont rangés du côté des pêcheurs en rejetant cette proposition, au grand soulagement du gouvernement français qui s'est aussi prononcé contre. Pour combien de temps? Le dossier n'est pas clos : en avril, la Grèce est devenue le premier pays européen à bannir le chalutage de fond dans ses aires marines protégées.
Face aux enjeux de pérennité des métiers, les sujets de la décarbonation et de la protection des écosystèmes semblent presque accessoires aux yeux de la filière. Alors que s'ouvrent Les Assises de la pêche et des produits de la mer, qui se tiennent à Lorient jusqu'à vendredi sous l'impulsion des journaux Ouest-France et Le Marin, Les Pêcheurs de Bretagne (LPDB), plus importante organisation de producteurs en France, veulent surtout déconstruire les idées reçues sur le chalutage, chiffres en main.
97% des navires concernés
Ce « panorama inédit » de la pêche bretonne agrège des données chiffrées (taille des navires, engins, espèces ciblées, volumes débarqués...), récoltées auprès de 619 navires adhérents immatriculés de la Normandie au Sud de l'Aquitaine (15% de la flotte française), afin de poser « un regard factuel sur l'état de la production halieutique en France ».
Il en ressort ainsi que 97% des navires pratiquant le chalut de fond mesurent moins de 25 mètres et plus d'un tiers mesure moins de douze mètres. Les Pêcheurs de Bretagne ajoutent que 64% de l'ensemble de la flottille immatriculée mesure moins de douze mètres.
« On observe que la moitié des apports en volume proviennent des navires de moins de vingt mètres. Cette répartition homogène atteste que la force de la filière est bien sa diversité de taille et d'engins. Si l'on se sépare d'une catégorie de navires ou de métiers, le risque est de déstabiliser l'ensemble et potentiellement de la voir s'écrouler », alerte la LPDB, qui revendique un modèle de rentabilité reposant sur une diversité de la flottille, y compris 3% de navires de plus de 25 mètres (11.198 tonnes par an, 40 millions d'euros par an).
195 navires en sursis, 141 millions d'euros de chiffre d'affaires
La LPDB représente 30% des débarquements (soit 77.000 tonnes) et 40% de la valeur totale française, soit 289 millions d'euros de chiffre d'affaires. En volume, ses trois espèces les plus pêchées sont la sardine, le merlu et la lotte.
« Aucune espèce d'importance, hormis la baudroie, dont le quota n'est jamais atteint par les pêcheurs français, ne coïncide entre les navires de moins de douze mètres et les navires de plus de vingt-cinq mètres. Cela met fin au mythe des grands navires qui pêchent toute la ressource à la place des petits. Le chalut de fond et la drague sont présents dès la catégorie des moins de douze mètres », argumentent Les Pêcheurs de Bretagne, qui mettent aussi en avant la polyvalence de la flottille (fileyeurs, caseyeurs, dragueurs-coquilliers).
L'organisation estime que si le chalut de fond était interdit, cinq navires de plus de 25 mètres et 190 de moins de 25 mètres viendraient à disparaître. 195 navires pratiquent en effet cet engin sur des espèces comme la lotte, la langoustine, le merlu et le congre, pour une production de 32.137 tonnes et 141 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cela représente surtout 48% de l'activité de LPDB en valeur et 42% en volume.
« Le chalut de fond est la colonne vertébrale de la pêche bretonne et donc de facto de la pêche française », conclut LPDB, dont le directeur Yves Foëzon, cité dans Le Marin souhaitait « objectiver la donnée face à une dérive médiatique inquiétante ».
Aux Assises de la pêche et de la mer, où doit se rendre le secrétaire d'État à la mer, Hervé Berville, « pour ne rien dire » confient certains, Les Pêcheurs de Bretagne vont donc s'appuyer sur ce panorama pour démontrer que le chalut de fond est « faussement associé à la pêche industrielle » parce qu'il est « l'outil de travail numéro 1 de la pêche artisanale bretonne ». Sans montrer, en contrepartie, de volonté d'évolution? Une grosse arête à faire avaler.
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