Simplifier l'accès des régions aux fonds européens, mission impossible ?

SPÉCIAL EUROPÉENNES - 5/15. Bénéficier d'un fonds européen relève du parcours du combattant. Les têtes de liste aux élections européennes Valérie Hayer (Renaissance) et Raphael Glucksmann (PS-Place Publique) proposent donc quelques pistes d'amélioration. Si les régions Bretagne et Bourgogne-Franche-Comté ont déjà adopté des mesures de simplification, la Commission européenne planche également sur le sujet. Décryptage.
L'accès aux fonds européens est encore synonyme de « lourdeur administrative trop importante », consent un haut-fonctionnaire bruxellois.(Photo d'illustration)
L'accès aux fonds européens est encore synonyme de « lourdeur administrative trop importante », consent un haut-fonctionnaire bruxellois.(Photo d'illustration) (Crédits : DR)

Près de 57 milliards d'euros sur la table et jusqu'en 2027 a minima. Entre les 16,8 milliards alloués au nom de la politique de cohésion pour la période 2021-2027 - dont 680 millions déjà versés - et les 40 milliards du plan de relance post-Covid [voir encadré] baptisé « facilité pour la reprise et la résilience », l'Union européenne arrose très largement la France, et en particulièrement les régions.

Devenues autorité de gestion en 2014, elles gèrent 100% du Fonds de développement régional (FEDER), « destiné à contribuer à la correction des principaux déséquilibres régionaux dans l'Union par une participation au développement et à l'ajustement structurel des régions en retard de développement et à la reconversion des régions industrielles en déclin », ainsi que 35% du Fonds social européen (FSE) sur la formation professionnelle, l'apprentissage et l'orientation.

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Un parcours du combattant

Les élus régionaux doivent élaborer et programmer le fonds, le flécher vers des porteurs de projets et procéder à des contrôles pour certifier les dépenses préengagées par les entreprises conformément aux règles de l'UE. Cela donne lieu à une convention réciproque des droits et des devoirs entre les deux parties, à savoir les modalités de financement, le temps de réalisation et l'obligation de communiquer.

Passée cette étape juridique, les conseils régionaux envoient les informations à la direction régionale des finances publiques (DRFIP), qui les vérifie à son tour pour s'assurer qu'il n'y a ni erreur ni fraude. LA DRFIP donne son aval et, enfin, autorise l'appel de fonds auprès de l'UE. « Une lourdeur administrative trop importante », consent un haut-fonctionnaire bruxellois.

 « Nous voulons amplifier le soutien de l'UE au budget des territoires et aux initiatives portées par les acteurs locaux, et ainsi simplifier les procédures de demande de subventions et normes de celles-ci en fonction des montants des projets, et les rendre les plus accessibles », propose la tête de liste PS-Place publique, Raphaël Glucksmann, interrogé par le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), le laboratoire Marché, Institutions et Libertés (MIL) de l'Université Paris-Est Créteil (UPEC) et LexisNexis France.

Un serpent de mer ?

Sur le programme Leader (Liaison entre action de développement de l'économie rurale),  « nous pourrions en simplifier l'accès, avec un soutien en ingénierie et une plus forte animation auprès des communes rurales. Il ne s'agit pas de financer n'importe quoi, mais de veiller à un meilleur accompagnement. ll faut aussi faciliter l'instruction de ces projets de développement rural. Demain, l'IA pourra peut-être faciliter l'instruction des dossiers », avance Renan Mégy, conseiller territoires du Premier ministre Gabriel Attal et en 46è position sur la liste Renaissance de Valérie Hayer.

Cette dernière juge que la simplification est « un serpent de mer ». « Chacun doit prendre sa part. Les présidents de conseils régionaux doivent y mettre les moyens nécessaires. Il faut un engagement des élus locaux pour mieux accompagner les porteurs de projet », poursuit l'eurodéputée sortante candidate à sa réélection.

« On accuse les régions de complexifier la gestion, mais elles ne font qu'appliquer les réglementations européennes qui se sont complexifiées décennie après décennie. Notre marge de manœuvre est extrêmement faible », rétorque l'association Régions de France.

Des mesures prises en Bretagne et en Bourgogne-Franche-Comté

La Bretagne et la Bourgogne-Franche-Comté revendiquent, justement, un guichet unique d'orientation des projets. A Rennes, c'est via le site Internet europe.bzh que s'effectue le dépôt des demandes suivant une procédure d'appels à projets, ainsi qu'un portail rassemblent à la fois des exemples de projets soutenus, les descriptions des fonds européens, leur utilisation, les critères de sélection et les contacts.

Coprésidée par la préfecture de région et le conseil régional, une commission régionale de programmation européenne (CRPE) émet un avis consultatif sur les dossiers. En parallèle, les agents instructeurs accompagnent tout porteur de projet en amont puis sur toute la phase d'exécution du dossier. Entre l'accord de financement puis le versement des fonds, les délais varient de quelques semaines à plusieurs mois.

A Besançon, la présidente (PS) de la région, Marie-Guite Dufay, met en avant « mon projet européen », qui va orienter le porteur vers le dispositif de financement le plus adapté à son projet. Près de 400 sollicitations et réponses apportées depuis fin 2022. Une fois le projet déposé, le candidat bénéficie d'un interlocuteur unique tout au long de la vie du dossier.

« Peut-être que d'autres régions sont meilleures en termes de simplification, mais nous faisons en sorte de sécuriser les entreprises en leur disant ce qu'elles pourront toucher, même si elles ne peuvent pas percevoir de financement tout de suite », ajoute Marie-Guite Dufay, patronne du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.

La Commission européenne planche sur le sujet d'ici à 2028

Des délais que ne comprennent pas toujours les porteurs de projet. Avant le transfert aux conseils régionaux en 2014, le pilotage des fonds européens dépendait des préfets de région et de leur secrétaire général aux affaires régionales (SGAR). « Une énarchie qui n'a jamais accepté le transfert. L'Etat central se complaît à exister et est obligé de faire de la norme », accuse-t-on chez Régions de France.

« La simplification de l'accès aux fonds européens est un enjeu majeur. La stabilité de la gestion des fonds au travers du maintien des autorités de gestion de 2014 et la réduction du nombre de programmes y contribue. Le renforcement du recours à des options de coûts simplifiés doivent également permettre de réduire la charge administrative pour les bénéficiaires. Le gouvernement continuera de soutenir toute initiative visant à faciliter l'instruction des dossiers et réduire les délais de paiement », rétorque le cabinet du ministre de l'Europe, Jean-Noël Barrot.

Aussi, comme la Bretagne qui compte quatre chargés de mission installés à Bruxelles pour suivre l'actualité législative, la BFC dispose d'un bureau dans la capitale belge. La région a mis en place un réseau pour diffuser plus largement les informations afin que les industriels et collectivités se rapprochent de ses services, de la même façon qu'elle les aide à monter un dossier directement à la Commission européenne.

Cette dernière confie à La Tribune qu'elle « réfléchit actuellement aux moyens de simplifier davantage les programmes de la politique de cohésion afin de garantir leur mise en œuvre rapide et aisée ». « Une réflexion plus profonde est en cours sur des simplifications dans l'attribution et le contrôle des différents fonds pour le prochain cycle budgétaire de 7 ans qui démarrera en 2028 », conclut cette source officielle.

L'Union européenne finance 40% du plan de relance national

Grâce au plan de relance post-Covid, baptisé « facilité pour la reprise et la résilience », la France va toucher, d'ici à 2026, près de 40 milliards d'euros, soit 40% du plan France Relance doté de 100 milliards.

23,39 milliards d'euros de subventions ont déjà été versées, affirme un porte-parole de la Commission européenne à La Tribune. Un troisième paiement  de 7,5 milliards d'euros, confirmé par Bruxelles, devrait intervenir incessamment sous peu, a annoncé, de son côté, le 3 mai, ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

La France a ciblé trois priorités: la rénovation de 500 kilomètres de petites lignes ferroviaires locales et de 150 kilomètres de lignes de fret, l'ouverture de plus de 1 600 bornes de recharge sur les routes françaises ou encore l'achat de plus de 4 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables par l'administration française ; l'accélération de la connectivité numérique sur l'ensemble du territoire par le raccordement à la fibre de 2,5 millions de logements et locaux supplémentaires grâce au déploiement du plan France Très Haut Débit ; et le développement de l'apprentissage et de la formation professionnelle grâce au financement de plus d'un million de contrats d'apprentissage ou de plus de 40 000 formations à distance.

Interrogé sur ce sujet, le 7 mai, par l'ancien conseiller Europe du président Macron puis secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Clément Beaune, lors de la séance des questions au gouvernement, le patron de Bercy, en a fait un argument de campagne.

« La France n'avait pas les moyens de relancer, à elle seule, son économie et son activité. Elle s'est donc battue afin d'instaurer ce qui était inconcevable il y a encore quelques années : une dette commune, permettant de mutualiser les moyens financiers de l'Union européenne et d'apporter une réponse massive et immédiate à la relance économique de l'Union européenne, qui venait d'être touchée par le covid. C'était impossible, mais nous l'avons fait, seuls ! Ni M. Glucksmann ni M. Bardella n'ont voté le plan de relance pour l'Union européenne », s'est exclamé Bruno Le Maire.

Sur les 10 derniers milliards d'euros, 3,3 milliards le seront à la fin de l'année 2024 et 6 milliards ensuite en 2026, a encore rappelé le ministre de l'Economie.

Commentaires 4
à écrit le 30/05/2024 à 9:50
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C’est quoi cette histoire ?? Va pour le Feder, mais pour la BEI, qui a financé € 12Mds de projets en France en 2023, vous décrochez votre téléphone et si vous avez un bon projet important, il sera pris en considération….

à écrit le 30/05/2024 à 9:47
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Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

à écrit le 30/05/2024 à 9:00
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Il faut toujours préciser que les soi-disant fonds européens sont toujours de nature nationale mais change de nom !

à écrit le 30/05/2024 à 7:23
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"la Commission européenne planche également sur le sujet." Sauve qui peut !!!

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