« Un audiovisuel public plus fort, plus visible » (par Rachida Dati)

La ministre de la Culture défend la réforme de l’audiovisuel public, qui a provoqué deux jours de grève dans les médias détenus par l'État.
Rachida Dati
Ministre de la Culture
Rachida Dati Ministre de la Culture (Crédits : © LTD / Eliot Blondet/ABACA)

Une grève de quarante-huit heures a eu lieu jeudi et vendredi à France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde (RFI, France 24) pour protester contre le projet de réforme du gouvernement, qui fait débat y compris au sein de la majorité. L'exécutif souhaite fusionner les entreprises pour trouver des synergies et répondre à la concurrence. Une holding commune serait créée au 1er janvier 2025. Quelque 16 000 salariés sont concernés. Les opposants redoutent une perte d'indépendance journalistique et des coupes budgétaires. Initialement, les députés devaient débattre du projet de loi en fin de semaine. Mais, face à l'encombrement du calendrier législatif, le gouvernement a reporté l'examen du texte. Il pourrait avoir lieu la semaine du 24 juin. Confrontée à son premier mouvement social d'ampleur, la ministre de la Culture, Rachida Dati, s'exprime pour la première fois sur le sujet dans nos colonnes.

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Depuis plusieurs semaines, des craintes se sont fait jour devant notre volonté d'unifier les forces de notre audiovisuel public, à l'image de ce qu'ont déjà fait nos principaux voisins, l'Espagne avec la RTVE, l'Italie avec la Rai, sans parler de la BBC dont les qualités n'ont aucunement pâti de la convergence des forces. Car c'est de cela qu'il s'agit dans un paysage audiovisuel qui n'est plus celui de l'ORTF mais celui de la concurrence exacerbée, favorisée par le développement du numérique. À l'heure de Netflix, d'Amazon et de Disney+, nous ne sommes plus seulement dans un schéma de concurrence français mais mondial, avec les enjeux culturels et économiques qui sous-tendent cette concurrence.

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Il faut, pour comprendre tous ces enjeux, partir du constat du présent. Partir de la situation de l'audiovisuel public dont la première force est celle de 16 000 salariés, professionnels de grande qualité, attachés au service public, ils sont les forces vives du combat pour notre souveraineté culturelle. Avec l'arrivée du numérique, nous n'écoutons plus la radio de la même façon, nous ne regardons plus la télévision comme avant. L'offre numérique prend de plus en plus le pas sur la diffusion linéaire, dont les audiences peinent à rajeunir et finissent par fléchir. Cette tendance de fond touche encore plus nos médias publics.

L'âge moyen des téléspectateurs était de 47 ans en 2006, il est en 2023 de 58 ans. Pour les téléspectateurs de France Télévisions, il est passé de 54 à 64 ans, et de 52 à 56 ans pour les auditeurs de Radio France. C'est un fait qui est aussi un enjeu démocratique. Faut-il pour autant se résigner ? Cela n'est dans l'intérêt de personne, ni des personnels, ni de nos concitoyens qui sont attachés au service public. Renverser cette tendance nécessite pour notre audiovisuel public d'être plus fort, plus accessible, plus audible, plus visible. Cela passera par davantage de coordination entre ses entités, par la nécessité d'amplifier les investissements nécessaires, en particulier sur le numérique.

Établir des coopérations entre les entreprises de l'audiovisuel public sans toucher à leur gouvernance a été un premier pas. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Il faut donc aller plus loin. Depuis près de dix ans, ce constat est aussi fait par notre représentation nationale. Le Sénat et l'Assemblée nationale n'ont cessé d'appeler à une gouvernance commune. C'étaient les préconisations de personnalités aussi diverses que les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux en 2015, Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet en 2022, des députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier en 2023. Ils ont à chaque fois effectué un travail de qualité à partir de centaines d'auditions, en écoutant toutes les parties prenantes et en particulier les professionnels.

Il ne s'agit pas de remettre en question le modèle de production de France Inter ou de France Culture

Rachida Dati

En 2019, le gouvernement a présenté au Parlement un projet de holding regroupant les entreprises de l'audiovisuel public, projet que les circonstances extraordinaires imposées par la pandémie ont empêché d'aller à son terme. Aujourd'hui, le sénateur Laurent Lafon a actualisé ce projet dans sa proposition de loi, adoptée au Sénat en juin 2023. J'ai souhaité m'inscrire dans le prolongement de ces travaux parlementaires et proposer, au-delà de la holding, une fusion des entreprises de l'audiovisuel public dans une entreprise unique au 1er janvier 2026. La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale partage aussi cette ambition.

Pourquoi une entreprise unique ?

Parce que seule l'entreprise unique, avec une équipe dirigeante commune, permettra de réduire substantiellement les lourdeurs liées aux coopérations entre structures juridiques différentes et de mettre en œuvre une stratégie plus dynamique et coordonnée sur les investissements prioritaires. Les énergies seront ainsi démultipliées, comme du reste les moyens, au service d'une production éditoriale et culturelle singulière que nous souhaitons défendre. Il ne s'agit pas de remettre en question le modèle de production de France Inter ou de France Culture. Mais la réforme aidera à une plus grande visibilité afin d'attirer de nouveaux publics, en particulier les jeunes. Au regard de ma propre expérience, car j'ai été construite comme citoyenne grâce à l'audiovisuel public, en particulier la radio, je pense aux jeunes.

Il est devenu vital de leur proposer des contenus éditoriaux plus innovants, d'être davantage présents sur les nouveaux canaux de diffusion où de plus en plus de jeunes - mais aussi de moins jeunes - s'informent et, parfois, subissent de la désinformation. Radio et télévision sont confrontées aux mêmes défis numériques. Ensemble, ces deux médias pourront investir de manière coordonnée et massive, en s'appuyant sur l'expertise de l'Institut national de l'audiovisuel, pour développer des technologies nouvelles : algorithmes de recommandation, dispositifs de recommandations croisées, outils d'intelligence artificielle.

Accélérer l'intégration multicanale

De plus, en accélérant le rapprochement des réseaux de proximité France Bleu et France 3, nous pourrons assurer une couverture plus complète de la vie des Régions, avec une information plus proche du public, des émissions plus approfondies et qui ne se limiteront pas seulement à une matinale filmée et à un site Internet commun. La proximité est aussi un enjeu démocratique d'égalité et d'accès de tous les Français au service public. Sur l'information, pour faciliter l'accès de tous à une information fiable et de qualité, il s'agira d'accélérer l'intégration multicanale de Franceinfo, avec une présence forte sur les réseaux.

Nos jeunes se tourneront plus naturellement vers une plateforme bien construite avec une ligne éditoriale forte si elle est présente sur les réseaux. La réforme proposée par le président de la République, que je porte, ne vise pas à tirer un trait sur ce qui existe et fonctionne, mais vise à renforcer les capacités de l'audiovisuel public à accomplir sa mission essentielle : créer du commun en s'adressant à tous, en faisant en sorte que chacun puisse se construire librement, par-delà les déterminismes et les assignations. C'est un combat républicain.

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Commentaires 13
à écrit le 01/06/2024 à 20:40
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Radio France détonne dans le concert des medias détenus par les milliardaires et autres affairistes. Il faut faire taire l'insolence et reduire la pluralité des points de vue. Venant de ce pouvoir et de Dati, il y a comme un parfum de revanche. Ce n'...

à écrit le 26/05/2024 à 19:23
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L'Etat a besoin d'argent. Privatisons France Television et Radio France !

à écrit le 26/05/2024 à 18:40
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Que doit on croire? Quand on nous promet une France sous domination européenne, que vaut le souveraineté médiatique ? Chut.. ! ;-)

à écrit le 26/05/2024 à 18:12
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Refaire un mastodonte alors qu'il y a fort longtemps l'ORTF a été démantelée pour créer des entités plus légère, plus réactives.... bizarre vous avez dit bizarre....

à écrit le 26/05/2024 à 14:31
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Encore une réforme preuve que la précédente n'était pas bonne.

à écrit le 26/05/2024 à 12:37
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C est une logique purement comptable comme évoquée par 3 journalistes européens : 1 anglais, i1 italienne, 1 américaine sur Arte . Une fois rassemblé il y aura des doublons et moins de pluralité . Mais ce gouvernement- comme naguère ces prédécesseu...

à écrit le 26/05/2024 à 11:08
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Si seulement l' audio-visuel , public aussi bien que privé, ÉLEVAIT les CONNAISSANCES RATIONNELLES des Hommes au lieu que de les abaisser ( voir l' Eurovision ! ) ... Il y a de cela quelques années la R.A.I. ( chaine publique italienne ) sous .......

à écrit le 26/05/2024 à 10:13
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Nous avons la mémoire bien courte. Constatez les résultats concernant la réforme de la justice menée par elle, sous Sarkozy. Tout est à reprendre.

à écrit le 26/05/2024 à 9:04
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Je ne vous fais aucune confiance, la BBC ce sont des décennies de bonnes stratégies et pratiques qui ont forgé sa réputation, là vous voulez faire d'un âne un cheval de course sans rire ? Je n'y crois pas une seconde maintenant vu l'état catastrophiq...

à écrit le 26/05/2024 à 8:36
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Il faut faire des économies et fermer Radio France et France télévision ainsi que le ministère de la Culture

le 26/05/2024 à 10:15
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Le ministère de la culture représente 2% du budget de l'état , l'économie ne serait pas très importante ....

à écrit le 26/05/2024 à 8:34
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Il faut faire des économies et fermer Radio France et France télévision ainsi que le ministère de la Culture

le 26/05/2024 à 17:10
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Et ainsi plus de musées , d'expositions, de monuments historiques, de festivals, de bibliothèques etc... , reste plus que les smartphones et les réseaux sociaux pour accéder à la Culture !!!

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