Programme Justice du RN : le flou répressif

OPINION. Quelles sont les limites et les dangers des propositions de M. Jordan Bardella, candidat à la fonction de Premier ministre, en matière de réforme de la Justice ? Robin Binsard, Avocat à la Cour, soulève la question du manque de précision et de profondeur dans les propositions du parti en matière de réforme de la Justice, et interroge sur les conséquences d'une politique pénale axée uniquement sur la répression.
(Crédits : DR)

Comme le disait Audiard, « La justice, c'est comme la Sainte Vierge, si on ne la voit pas de temps en temps, le doute s'installe. ». À l'occasion de la campagne des élections législatives, M. Jordan Bardella s'est exprimé sur les priorités de son hypothétique gouvernement. Pourtant, s'agissant de la Justice, le candidat à la fonction de Premier ministre est resté particulièrement évasif, en se contentant de proposer un retour des peines planchers en matière de trafic de stupéfiants et d'atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique, ainsi qu'une suspension des allocations familiales aux parents de mineurs délinquants récidivistes.

De telles mesures sont pourtant aussi inutiles que dangereuses : on le sait depuis une étude d'impact réalisée le 7 octobre 2013 par le ministère de la Justice, les peines planchers sont inefficaces. Elles n'endiguent aucunement la délinquance et contribuent à aggraver la surpopulation carcérale, elles favorisent les incarcérations de courte durée et, par voie de conséquence, la récidive. S'agissant du retrait des allocations familiales aux parents de mineurs délinquants récidivistes, le chef du Rassemblement national s'en prend ici au principe constitutionnel selon lequel nul n'est responsable pénalement que de son propre fait. Le potentiel autoritaire d'une telle entorse à la règle est considérable : si l'on accepte aujourd'hui de sanctionner une personne en raison de son lien biologique avec un délinquant, demain, nous pourrons aussi admettre la répression d'un tiers en raison de liens politique, idéologique ou financier...

Au-delà de ces deux mesures, c'est le flou le plus total : ni les tracts, ni les prises de paroles, ni même les cahiers thématiques du parti ne présentent de mesures précises pour réformer la Justice. En 2022, la candidate Marine Le Pen n'était guère plus prolixe, et se contentait d'égrainer, dans son programme, quelques positions de principe telles que « restaurer l'autorité des forces de l'ordre et les réarmer moralement », « garantir que les nombres de places de prison dont les juges disposent n'influent pas sur les décisions qu'ils prennent » ou encore « punir efficacement les délinquants et les criminels ». Un inventaire à la Prévert de clichés sécuritaires, qui ne dit rien des enjeux pourtant cardinaux pour l'institution que sont le budget, la célérité ou encore la réinsertion, et qui esquisse les contours d'une politique pénale du tout répressif, au point d'en oublier qu'avant d'être une administration, la Justice est la vertu de l'action juste.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 27/06/2024 à 9:46
Signaler
"et interroge sur les conséquences d'une politique pénale axée uniquement sur la répression" "Il faut se méfier de tout ceux en qui l'instinct de punir est puissant" Nietzsche. De l'aveu d'un ami juge la justice en France à 3 longueurs de retards sur...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.