Pierre Mendès France  : soixante-dix ans après

OPINION. Le 17 juin 1954, Pierre Mendès France était élu à la présidence du Conseil des Ministres. Il le restera sept mois et sept jours, faisant la paix en Indochine, ouvrant la voie à l'indépendance de la Tunisie et du Maroc, organisant la filière nucléaire française, rétablissant les comptes du pays, tout en donnant la priorité à la jeunesse et à la santé publique. Par Michel Bon, Institut Pierre Mendès France
(Crédits : DR)

Soixante-dix ans après, ce qu'il a pu accomplir en si peu de temps a installé dans l'opinion publique l'image d'un grand homme d'État, le meilleur sans doute de la quatrième république. Et beaucoup, dans une large partie du spectre politique s'en réclament encore, soixante-dix années plus tard. Il n'est bien sûr pas question d'utiliser son prestige au service des intérêts électoraux de tel ou tel.

Mais l'expérience de Pierre Mendès France, la méthode PMF, pourrait encore inspirer bien des candidats

À la base de son action, il y a un préalable moral. Dans le livre qu'il consacre aux institutions, « La République moderne », Mendès France donne un rôle central à la méthode, qui permet aux citoyens de déterminer les choix à opérer, puis de s'organiser pour les atteindre. Mais pas à n'importe quel prix ! Puisque la société idéale n'existe pas, ce qui compte, c'est le projet démocratique. « Gouverner, c'est choisir », disait-il.

Aussi, ce choix doit-il être à la hauteur des citoyens, c'est-à-dire digne et moral. C'est parce qu'il jugeait choquant le rôle de l'armée dans le retour du Général de Gaulle, qu'il se séparera de celui dont il avait été le ministre, d'Alger à Paris. François Stasse, qui a dirigé la publication de ses œuvres complètes, écrit que pour Mendès France, « toute action politique indigne est une atteinte à l'essence même du politique et constitue un déficit définitif qui ne saurait être comblé par un gain de pouvoir ». La fin ne saurait légitimer les moyens.

Au cœur de la méthode Pierre Mendès France se trouve ensuite la vérité

« Il faut dire la vérité au pays ». Arrivé au pouvoir cinq semaines après la défaite de Diên Biên Phu qui avait sidéré une opinion mal informée de la réalité militaire en Indochine, il parle vrai. Sur la gravité de la situation. Sur la paix à laquelle il espère pouvoir parvenir. Et sur les méthodes pour y arriver (les fameux quarante jours, sans quoi il se démettra). Et, toutes les semaines, il parle à la radio, dans sa causerie au coin du feu (la télévision n'en est qu'à ses débuts) pour dire la réalité des choses. « Dire ce que l'on fait, faire ce que l'on a dit ».

Du souci de la dignité du citoyen et de la vérité qui lui est dû procède l'idée de contrat. Quand le citoyen s'exprime par le vote démocratique, il doit être éclairé par un contrat clair et honnête. Si vous m'élisez, voici ce que je ferai, pourquoi, comment. Et non : voici ce que je vous promets. Ce contrat unit le citoyen et les gouvernants, comme les élus avec le gouvernement qu'ils choisissent. Ce « contrat de législature » est la base du projet institutionnel de Mendès France, qu'il propose alors qu'il est bien loin d'imaginer les moyens que les textes de la Cinquième République donneraient à cette perspective.

Tout cela, respect dû au citoyen, obligation de vérité, contrat, a certainement beaucoup contribué à l'image de rigueur qui s'est associée au nom de Pierre Mendès France. Dans notre société « post moderne », la rigueur paraît bien démodée. À tort : pour Mendès France, elle est le moyen de la souveraineté. Souveraineté du peuple, qui est toujours la première victime des dérives de l'autorité et des déficits. Souveraineté de la France, car un pays qui s'abandonne ne pèse plus.

Il se trouve sûrement beaucoup de Français qui se reconnaissent dans ces quelques traits de la méthode Mendès France. À eux, maintenant, de choisir les politiques qui s'en inspirent.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 17/06/2024 à 12:23
Signaler
C'était une autre époque, à l'époque c'était la reconstruction et aussi et surtout, notre tissu productif état à l'abri de la concurrence alors que le paradigme initié par VGE a été le triomphe d'une caste d'électeurs-consommateurs rois rappelant de ...

à écrit le 16/06/2024 à 20:40
Signaler
Le simple fait de le mettre sur le devant de la scène c'est de pouvoir le récupérer, tout n'est que médiatique ! Les plus anciens s'en souviennent ! ;-)

à écrit le 16/06/2024 à 19:11
Signaler
Il était surnommé Mendès lolo, je me souviens qu'il nous faisait boire du lait à l'école.

le 17/06/2024 à 12:06
Signaler
Oui, c'était plus sain que boire du vin comme ça se passait souvent à la campagne où c'était alors dans l'ordre naturel des choses de mourrir de sa cirrhose à 50/55 ans. C'est pour ça que l'espérance de vie a sensiblement augmenté, outre les progrès ...

à écrit le 16/06/2024 à 19:04
Signaler
C'était une époque où le politique avait encore un peu de marge de manœuvre, était encore un peu influent. Dorénavant la finance, enfin ses lobbys surtout trop nombreux trop gros, les écrase tous.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.