La politique écologiste de l'énergie, doit être la sobriété, les renouvelables... et le nucléaire

Par Brice Lalonde et Yann Wehrling  |   |  545  mots
Brice Lalonde et Yann Wehrling (Crédits : DR)
OPINION. L'Union européenne s'est engagée à réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Pour atteindre cette ambition, il faut conjuguer sobriété énergétique, efficacité et développement des énergies renouvelables. Malgré cela, ces efforts ne suffiront pas à décarboner totalement notre économie sans recours au nucléaire, dont les techniques peuvent être améliorées. Par Brice Lalonde, ancien Ministre de l'environnement, ancien ambassadeur de France au climat, candidat des écologistes à l'élection présidentielle de 1981 et Yann Wehrling, ancien ambassadeur de France à l'environnement, ancien secrétaire général des Verts de 2005 à 2007.

Dans l'histoire de la construction de l'écologie politique, la peur du nucléaire a été structurante. Elle était née pendant la guerre froide de la menace d'une vitrification du continent européen si une guerre nucléaire avait lieu. Il s'en est suivi l'angoisse de la pollution radioactive avec les traumatismes de Tchernobyl et de Fukushima. Les dangers du nucléaire militaire et civil sont réels et il serait idiot de les nier. A quoi il faut ajouter la question des déchets qu'on se contente de stocker.

Pour autant, l'impératif de décarbonation de nos économies doit nous interpeller. Les dérèglements climatiques dans le monde ne sont plus des prévisions, mais des réalités qui  soulignent l'urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il faut sortir des fossiles. Au surplus, le conflit en Ukraine a durement rappelé aux Européens qu'ils devaient réduire leur dépendance aux coûteuses importations de pétrole et de gaz.

L'unanimité qui s'est  faite sur cette obligation a permis à l'Union européenne  de construire une ambitieuse législation pour réduire de 55% ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Hélas, à l'occasion des élections, voici que des partis appellent à rabaisser cette ambition et renoncer à l'effort. Ce n'est plus le changement climatique qu'il faudrait combattre, affirment-ils, mais les écologistes ! Disons bien fort au contraire que la tâche de l'Europe sera d'appliquer fermement cet engagement de réduction.

Et d'abord en réduisant les consommations, grâce à plus d'efficacité (ex : remplacer les ampoules énergivores par des LED) et de sobriété (ex : éteindre les lumières superflues). Ensuite en produisant toutes les formes d'énergie renouvelable : calories captées par les pompes à chaleur, solaire thermique et photovoltaïque, électricité d'origine éolienne, hydraulique, géothermique, bioénergies... Auxquelles s'ajoute la construction des réseaux pour les acheminer. Et nous savons que dans les lieux où s'implantent les installations, le degré d'acceptabilité n'est pas toujours optimal...

Mais cela ne suffira pas. S'il ne fallait compter que sur les économies d'énergie et les renouvelables, les sacrifices sur les paysages et la biodiversité seraient inacceptables. Les peuples se révolteraient contre l'austérité. L'économie serait incapable de mener à bien une décarbonation qui réclame un effort industriel considérable. Comment produire les véhicules électriques, les panneaux photovoltaïques, les éoliennes, les électrolyseurs, les pompes à chaleur ?... Tout indique que la part de l'électricité décarbonée devra atteindre 60% de la consommation totale d'énergie en 2050. Elle n'est que du quart aujourd'hui.

Ne tergiversons pas. La réalité est que nous ne pouvons pas nous passer du nucléaire. Au demeurant, les techniques de l'atome peuvent et doivent être améliorées. D'ailleurs les électeurs sensibles à l'écologie ne sont que 13% à vouloir totalement arrêter le nucléaire (sondage Harris du 6 mai 2024). Ils font preuve d'un réalisme qui semble absent de l'esprit de ceux qui prétendent incarner seuls l'écologie. Nous estimons qu'il  est temps que les écologistes fassent preuve du même réalisme. Le nucléaire fait partie des solutions de production d'énergie qui répondent au double défi du changement climatique et de notre souveraineté énergétique.