D'où venons-nous ? Où voulons-nous aller ? À l'heure des choix, il faut faire un peu d'histoire, et un peu de prospective. Histoire : les conquêtes pour l'égalité entre les femmes et les hommes sont récentes, fragiles et réversibles. Prospective : jamais autant de personnes - plus de la moitié de la population - n'auront été aussi menacées par une régression de leurs droits. Gardons la main ! Ceci est un appel à toutes les femmes - et à tous les hommes - qui souhaitent que l'on continue à bâtir ensemble une société plus égalitaire, où chacune pourra tracer le chemin qu'elle souhaite, en toute liberté. Le combat pour le progrès doit continuer. Les victoires du passé ne doivent pas être mises à mal. Ne passons pas la marche arrière !
D'où venons-nous ? D'un monde où les femmes ne contrôlaient pas leur fertilité et, face à des grossesses non désirées, étaient condamnées à les subir ou à se livrer à des pratiques mortifères. Un monde où personne ne se préoccupait des violences faites aux femmes, qui étaient massacrées dans l'indifférence générale. Un monde où de nombreux métiers étaient interdits aux femmes et où l'inégalité des salaires était la règle. Un monde où l'idéal féminin ne dépassait pas les frontières du foyer. Un monde où la moitié de la population était la supplétive de l'autre. Un monde, pensiez-vous, que l'on ne reverrait plus jamais.
Tout, hélas, est réversible. Ce qu'une loi, un décret, une circulaire ont instauré peut-être
défait. Malgré la constitutionnalisation de l'IVG, les conditions de sa pratique peuvent être limitées (comme en Italie), comme les avancées en matière de remboursement de la contraception. Les efforts pour atteindre l'égalité salariale, notamment grâce à la directive européenne sur la transparence et l'égalité des rémunérations, peuvent être stoppés. Tout comme les efforts qui visent à protéger les femmes des violences, alors qu'il est vital de les amplifier pour combattre ce fléau séculaire. Les beaux principes d'égalité, de parité, d'indépendance peuvent être abandonnés pour offrir aux femmes l'horizon bouché réservé aux êtres inférieurs.
Où allons-nous ? Cela dépend de nous. Hier, beaucoup d'entre vous, et notamment des femmes, se sont abstenus ou ont voté pour des mouvements qui avancent masqués dans leurs intentions de retour aux traditions patriarcales. Mesdames, ne soyez pas dupes. Il peut être très vite trop tard. Nous n'aurons alors plus que nos yeux pour pleurer. Alors, agissons !
Liste des signataires :
Par Élisabeth Badinter, philosophe
Anne Sinclair, journaliste
Mona Ozouf, historienne
Avec Chantal Birman, sage-femme, Mercedes Erra, présidente de BETC Groupe, Claire Gibault, cheffe d'orchestre, Julia Kristeva, psychanalyste, Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes (HCE), Michelle Perrot, historienne
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