Décarbonation de la route : travaillons collectivement !

OPINION. Alors que le Président de la République vient de présenter le plan de transition écologique, un obstacle demeure : les politiques de décarbonation pourront souffrir d'un manque de cohérence si elles ne sont pas coordonnées. Par Christophe Bonnery, directeur de mission à Paris School of Economics et président de l'Association des économistes de l'énergie. Depuis 2019, il préside également l'International Association for Energy Economics.
(Crédits : Reuters)

Pour réussir la transition écologique, il nous faut raisonner globalement, au sens géographique mais aussi disciplinaire. Le cas de la décarbonation des transports, et de la route en particulier, est à cet égard un cas d'école.

Dans son ambition de décarbonation, la France n'est pas isolée du reste du monde. Chaque politique publique nationale devra aboutir à des mutations vers des parcs de production énergétiques et des infrastructures plus vertueux sur les questions environnementales et économiques. Chaque politique locale devra aussi orienter vers des comportements d'acteurs (particuliers et entreprises) également vertueux.

Politiques unilatérales, brutales et mal ciblées

Cependant, la globalisation des économies révèle des politiques unilatérales, brutales et mal ciblées, quand elles n'enfreignent pas le droit du commerce international. Même au niveau européen, dès lors que chaque État membre déploie des instruments locaux, même pour aboutir à des objectifs communs de transition énergétique, il devient inévitable que les résultats sectoriels puissent suivre des trajectoires divergentes.

L'exemple le plus flagrant est celui de la divergence de composition des parcs énergétiques d'un pays à l'autre, dont dépend en grande partie la décarbonation de la route : en France, l'objectif est de maintenir et de développer le nucléaire ; en Allemagne, ces dernières années, il s'agissait au contraire d'abandonner le nucléaire et de développer les énergies renouvelables ; aux États-Unis, l'enjeu était jusqu'à présent de remplacer le charbon par le gaz ; dans de nombreux pays en développement, les priorités de la politique énergétique visent à rendre l'énergie disponible et abordable pour tous.

La multiplicité des acteurs impliqués dans la croissance sectorielle est susceptible de conduire à des analyses et des approches divergentes. Dans le cas de la décarbonation de la route en particulier, ces divergences se matérialisent sur le choix des instruments de politique publique à mettre en œuvre (investissements directs dans les infrastructures, dans les véhicules, subventions, aides à la conversion, bonus/malus...). Ces divergences d'instruments recommandés par les « experts » doivent être reconnues et traitées car elles conduisent à des blocages.

Dès lors, comment coordonner une politique sectorielle et en particulier celle de la route et des transports ?

Tarification au coût marginal

Même si on peut comprendre que les décideurs politiques doivent réagir dans l'urgence face à des crises imprévues et même appliquer des correctifs parfois irrationnels pour rendre les marchés de l'énergie plus socialement acceptables, une logique économique d'ensemble doit prévaloir en fin de compte ! Par exemple, la tarification au coût marginal, promue par le grand économiste Marcel Boiteux, est la seule rationalité qui envoie des signaux de prix efficaces et vertueux. Elle doit rester la boussole des décideurs.

Par ailleurs, l'interdisciplinarité est l'une des clés du succès pour les composantes essentielles de la transition écologique, telles que la mobilité, la biodiversité ou l'accessibilité financière.

Des barrières disciplinaires subsistent dans de nombreux domaines. Cela concerne la chaîne de valeur des différents objets de la transition écologique. Dans le cas de la mobilité durable, chacun a sa propre vision (constructeurs automobiles, batteries, fournisseurs d'énergie, réseaux, opérateurs de services). Ces clivages se retrouvent dans les différentes disciplines de la sociologie, de la technologie, de l'économie et de la macroéconomie. Chacun a sa propre vision de la transition énergétique.

Pour relever le défi sans précédent de la décarbonation des transports et, plus généralement, de la transition écologique, nous devons améliorer notre compréhension collective des problèmes et des solutions possibles. Il convient de recourir à des approches interdisciplinaires et holistiques pour briser les silos disciplinaires qui subsistent dans de nombreux domaines.

La science économique a une responsabilité particulière afin d'aborder ces questions en dialogue avec d'autres disciplines des sciences naturelles et sociales.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 02/10/2023 à 12:46
Signaler
L'exemple cubain dans le domaine est des plus édifiant, au lieu de vouloir tout changer pour que rien ne change !;-) On s'adapte, on ne se réforme pas !

à écrit le 02/10/2023 à 11:35
Signaler
Merci beaucoup. "Politiques unilatérales, brutales et mal ciblées" Mais n'est-ce pas le but recherché ? Le principe technocratique et l'UE en est un exemple frappant, caractéristique même, est de générer des usines à gaz incompréhensibles un peu part...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.