« Croissance » ou « décroissance » ? Sortons des dogmes et affrontons le réel

OPINION. Notre modèle de consommation occidental n'est pas viable et donc pas généralisable aux 8 milliards d'humains qui vivent sur Terre. Mais doit-on pour autant céder à la facilité qui consiste à parler de « décroissance » ? Un concept à la fois très urbain et très occidental, théorisé par des gens qui sont en réalité à l'abri du besoin et souvent très à gauche. Or, le paradoxe est que la très probable première conséquence d'une décroissance serait une explosion de la pauvreté avec pour premières victimes les ménages les plus modestes. Par Yann Wehrling, tête de liste Écologie Positive et Territoires pour l'élection européenne, Vice-Président Environnement de la Région Ile-de-France, ancien ambassadeur de France à l'environnement (*)
(Crédits : DR)

On peut aisément imaginer, au regard des évènements récents en France autour des gilets jaunes, qu'une telle mesure de décroissance volontaire prônée par certains écologistes provoqueraient une révolte populaire immédiate, et un violent rejet de l'écologie qui y serait associée immanquablement.

Ce qui nous paraît surtout nécessaire et urgent, c'est qu'il y ait des écologistes qui reprennent contact avec le réel. C'est-à-dire celui du monde économique dans lequel nous vivons. Constatons d'ailleurs que le monde économique n'est heureusement pas resté sourd aux alertes scientifiques sur le changement climatique et l'érosion de la biodiversité. Ne gagnerions-nous pas à mieux faire dialoguer écologie et économie pour aller encore plus vite ? 81% des français sensibles à l'écologie pensent d'ailleurs qu'on peut s'appuyer sur les entreprises pour mener une politique écologique (sondage Harris du 6 mai 2024). A contrario, dans leur grande majorité, celles et ceux qui monopolisent la parole au nom des écologistes continuent d'afficher des positions hostiles, par principe, aux entreprises. Cela nous paraît être un non-sens car le monde est économie et depuis toujours. La contrainte nouvelle est celle de l'impact sur l'environnement. Est-il, comme certains le disent, impossible de concevoir une économie qui n'a plus d'impact sur l'environnement ? Nous ne le croyons pas.

L'économie, c'est n'est pas un bloc unique

Il y a une économie qui est très clairement devenue verte. Il y a une économie, et c'est le pan le plus important, qui n'est pas « verte » en soi mais qui s'est verdie et ne cesse de se verdir. Et bien évidemment, nous ne sommes pas naïfs, il reste un nombre important d'entreprises qui n'ont opéré aucun virage environnemental.

Nous devons agir sur ces 3 secteurs avec méthode et détermination, en usant de tous les leviers que permettent la décision publique : le réglementaire, le fiscal, et l'incitatif.

Il faut soutenir fortement les entreprises vertes. Ne les laissons pas tomber comme nous l'avons fait avec les fabricants de panneaux solaires. N'hésitons plus, comme le font chinois et américains, à soutenir fortement nos entreprises vertes en les aidant en apport de capitaux publics via nos fonds d'investissements, en les protégeant sur nos propres marchés, en leur apportant des commandes publiques massives.

Les entreprises classiques qui se verdissent : même chose ! Encourageons les dans les progrès accomplis en facilitant leurs innovations, en les rendant concurrentielles, en levant les verrous réglementaires, en facilitant les expérimentations qui peuvent nécessiter des dérogations ou des simplifications réglementaires le temps de l'expérimentation, en s'appuyant sur leurs solutions pour valider à l'export des savoir-faire qui nous sont propres, ou en stabilisant un cadre règlementaire le temps que les investissements soient rentabilisés. Seul le dialogue entreprises/écologistes permet d'ajuster au mieux les besoins pour que les avancées soient réelles. La seule règle qui doit régir ces relations, c'est la logique de gagnant-gagnant.

Enfin, pour ce qui est des troisièmes, les entreprises n'ayant pris aucun virage, le dialogue reste nécessaire même s'il sera nécessairement plus rugueux. Une activité économique qui n'est pas durable du point de vue environnemental, ne l'est d'aucun point de vue. Nous avons la conviction que si l'entreprise ne change pas, les changements s'imposent à elle d'une manière ou d'une autre. Pire, dans un marché libre, l'entreprise peut finir par être dépassée et finir par disparaître. Les exemples ne manquent pas.

Écologiser l'économie est une voie bien plus prometteuse que l'illusoire promesse d'une impossible décroissance.

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(*) Yann Wehrling, 52 ans, est né à Strasbourg. Il est diplômé d'Arts plastiques et de l'École des Arts décoratifs de Strasbourg. Il est un homme politique écologiste et centriste, ainsi qu'illustrateur français. Il est vice-président de la Région Île-de-France à la transition écologique, au climat, à la biodiversité et à l'économie circulaire.
Il est le président d'Écologie Positive et est candidat aux européennes sur la liste "Écologie Positive et Territoires".

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Commentaires 3
à écrit le 08/06/2024 à 22:31
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Sur le sujet lire le bouquin L’Entreprise Harmonieuse de Pierre Calmard… avec cas concret à l’appui, pourtant dans la pub.

à écrit le 07/06/2024 à 8:52
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Le simple fait d'une baisse de croissance signifie une décroissance, il n'est pas utile de rajouter des qualificatifs mais comme tout un chacun on s'adapte ! ;-)

à écrit le 07/06/2024 à 8:12
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"Or, le paradoxe est que la très probable première conséquence d'une décroissance serait une explosion de la pauvreté avec pour premières victimes les ménages les plus modestes" En effet dans ce contexte actuel des verts qui soutiennent aveuglément l...

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