Comment susciter une nouvelle vague d'investissement dans les océans... avant qu'il ne soit trop tard

A quelques jours de la Journée mondiale des Océans, Karen Sack, directrice exécutive de l'Ocean Risk and Resilience Action Alliance (ORRAA) et Ulrike Decoene, directrice de la communication, de la marque et du développement durable du groupe AXA et présidente du conseil d’administration de l’ORRAA tirent le signal d'alarme sur le financement de l'économie bleue.

Il abrite 80 % de toute vie sur Terre, est à l'origine de la moitié de l'oxygène que nous respirons, d'une grande partie de l'eau que nous buvons et de la nourriture que nous mangeons. L'océan est ce que nous avons de plus précieux : il est dans notre intérêt vital de le protéger, et pourtant, nous le polluons, l'exploitons et le dégradons, année après année, sans nous soucier des conséquences.

Son destin est étroitement corrélé à celui du dérèglement climatique. Un réchauffement de 2 degrés entrainera 10 centimètres de hausse supplémentaire qu'un réchauffement de 1,5 degré. Un réchauffement de 2 degrés provoquera la disparation de 99% des récifs coralliens contre 70% à 90% si la température globale augmente de 1,5 degré, d'après le GIEC. La situation s'aggrave, mais il n'est pas encore trop tard et des marges de manœuvre existent. Dans douze mois exactement sera convoquée la 3ème Conférence des Nations Unies sur l'Océan (UNOC 3) à Nice, et quelques jours plus tôt, la toute première Réunion spéciale sur l'Économie Bleue et la Finance (Blue Economy and Finance Forum) à Monaco.

Construire une économie « bleue » régénérative et durable en faveur des océans est indispensable pour relever les défis mondiaux du changement climatique, de la biodiversité et de la sécurité alimentaire. Encourager les investissements pour l'Océan sera un prérequis essentiel pour y parvenir.

Ce sera tout l'objectif du Blue Economy and Finance Forum qui visera à mobiliser les parties prenantes de divers secteurs de l'économie côtière et maritime, dans le but de créer les conditions d'un financement pour l'atténuation, la résilience, la régénération et l'adaptation.

Créer un marché financier « bleu » et durable représente un défi qui passera par trois étapes claires.

Tout d'abord, encourager l'action. Il faudra parvenir à diriger les investissements vers les projets en phase initiale les plus prometteurs, susceptibles d'être financés par les banques avec un objectif assumé de retour sur investissement. Il sera aussi indispensable de promouvoir les projets individuels, des communautés, des start-ups et des entrepreneurs dans l'économie « bleue » durable, en facilitant leur incubation, leur multiplication et leur accélération, ainsi qu'un accès local au financement et à l'investissement à impact.

La seconde étape : passer à l'échelle. Nous devons parvenir à mobiliser les acteurs clés - institutions de financement du développement, banques multilatérales de développement, secteur de l'assurance - afin de s'accorder sur une vision partagée de l'économie « bleue » régénératrice et durable. Ils devront ainsi utiliser leur expertise pour soutenir efficacement les investissements à long terme, afin que le secteur puisse bénéficier des financements nécessaires dans un cadre collectif reconnu par les différents acteurs.

Enfin, inscrire cela dans la durée. Il faut établir les principes et les lignes directrices nécessaires à l'émergence d'un paysage d'investissement « bleu » équitable et durable sur le plan opérationnel. A l'instar des nouvelles réglementations sur le climat, les banques centrales, les régulateurs financiers et les organismes internationaux de normalisation doivent impérativement intégrer le fait que le capital naturel, incluant la biodiversité et les océans ont vocation à être intégrés dans les reportings financiers.

En juin 2025, un an jour pour jour, la Conférence UNOC 3, coorganisée par la France et le Costa Rica à Nice, ainsi que le Forum sur l'Économie Bleue et la Finance qui se tiendra à Monaco, seront des évènements décisifs.

Il nous faut capitaliser sur des moments comme ceux-là pour accélérer la prise de décision et matérialiser les investissements. Les secteurs de la finance et de l'assurance, à l'échelle mondiale, doivent être prêts à jouer leur rôle afin de faire de 2025 une année décisive pour la finance bleue.

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(*) Karen Sack est Directrice Exécutive de l'Ocean Risk and Resilience Action Alliance (ORRAA). L'ORRAA est le seul instrument de collaboration multisectorielle entre les secteurs internationaux de la finance et de l'assurance, les gouvernements, les organisations à but non lucratif et les parties prenantes du Sud global pour lancer des produits financiers qui encouragent l'investissement dans les Solutions fondées sur la Nature pour protéger les côtes et l'Océan. Sa mission, d'ici 2030, est d'obtenir l'arrivée d'au moins 500 millions de dollars d'investissements dans ce secteur et, ce faisant, de contribuer au renforcement de la résilience d'au moins 250 millions de personnes vivant en zones côtières, menacées par le changement climatique.

(*) Ulrike Decoene est Directrice de la communication, de la marque et du développement durable du groupe AXA depuis 2019, et membre du Comité de Direction d'AXA. Elle est aussi présidente du conseil d'administration de l'ORRAA. Elle a occupé des postes d'enseignement dans les universités de Yale et de Paris-Est Marne-la-Vallée. Ulrike Decoene a rejoint AXA en 2007 en tant que responsable des relations presse et de la communication interne d'AXA Investment Managers, après avoir travaillé pour plusieurs services du gouvernement français entre 2003 et 2007. Elle a ensuite rejoint la région Méditerranée, Amérique latine et Afrique du Groupe en tant que responsable de la communication, de la responsabilité d'entreprise et des affaires publiques, avant de devenir directrice du Fonds AXA pour la Recherche en 2015. De 2016 à 2019, elle a occupé le poste de directrice de cabinet de Thomas Buberl, Directeur général d'AXA. Ulrike a été diplômée de l'École normale supérieure et de l'Université de la Sorbonne Paris IV.

L'ORRAA est le seul instrument de collaboration multisectorielle entre les secteurs internationaux de la finance et de l'assurance, les gouvernements, les organisations à but non lucratif et les parties prenantes du Sud global pour lancer des produits financiers qui encouragent l'investissement dans les Solutions fondées sur la Nature pour protéger les côtes et l'Océan. Sa mission, d'ici 2030, est d'obtenir l'arrivée d'au moins 500 millions de dollars d'investissements dans ce secteur et, ce faisant, de contribuer au renforcement de la résilience d'au moins 250 millions de personnes vivant en zones côtières, menacées par le changement climatique. Elle travaille avec la France, Monaco, l'Institut des Ressources Mondiales (World Resources Institute), le Forum économique mondial (WEF) et d'autres partenaires pour lever les millions, milliards et trilliards nécessaires à la construction d'un marché des capitaux pour l'Océan.

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Commentaires 2
à écrit le 08/06/2024 à 8:08
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Sans besoin de crier à l'apocalypse nous sommes déjà en dystopie hein il faut quand même s'en rendre compte, avec le second domaine maritime mondiale la France doit être le fer de lance d’une économie océanique respectueuse de l’environnement tout en...

à écrit le 07/06/2024 à 12:13
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Assez d'erreurs ont été faites pour ne pas collaborer avec des investisseurs si l'on veut pouvoir encore "consommer" dignement ! ;-)

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