Comment sauver les commerces de ville

Par Marina Lavrov et Benjamin Sebban  |   |  650  mots
Marina Lavrov et Benjamin Sebban (Crédits : DR)
OPINION. A la disparition des commerces de ville et petites enseignes répond trop souvent une vision figée dans le temps qui ne les sauvera pas. Pour redynamiser les centres-villes et préserver certaines activités, les experts de CBRE suggèrent de miser sur la diversité des usages des bâtiments et d'offrir de meilleures conditions de mobilité dans les zones urbaines. Par Marina Lavrov et Benjamin Sebban, CBRE France.

Le sentiment dominant est celui d'un assèchement des centres-villes : hausse des loyers,  résidents remplacés par les touristes, fermeture des commerces et faillites des boutiques de prêt-à-porter.

Pour y faire face, certaines communes ont adopté des dispositifs de préemption de fonds de commerce, à destination des petits commerces et artisans. Outre que l'impact de telles mesures n'est pas encore prouvé, cette intervention dans l'économie urbaine s'inscrit dans une logique passéiste opposant boutiques traditionnelles et grandes enseignes.

Cette politique manquera ses objectifs, car ce sont les usages mixtes et l'accroissement de la mobilité qui sauveront les commerces de ville.

Rappelons une évidence : les villes sont toujours en mouvement

Regrette-t-on aujourd'hui les abattoirs, les usines, les grands ateliers ou les tanneries au cœur des villes ? Pourtant, à une certaine époque, ces équipements étaient indispensables à la vie économique.

La mutation des commerces n'est que le reflet des choix de consommation des habitants. Aujourd'hui, fleurissent aux coins de nos rues des boutiques de vélo et des réparateurs que nos parents croyaient à jamais disparus. Des commerces de bouche - comme les halles, connaissent grâce à internet un rayonnement international, attirent de nouveaux clients et s'étendent. D'autres commerces haut de gamme fleurissent partout en France. Vitrines culturelles, ils profitent du tourisme et sont demandés par une population locale exigeante ou aisée. Cette attention portée à soi se traduit également par un engouement pour les enseignes de santé et de bien-être (opticiens, audioprothésistes).

Dans le même temps, la fin de certaines enseignes de vêtements tire un trait sur un modèle d'affaires dépassé. Sont préférés aujourd'hui les jeunes marques françaises et la seconde main, mais aussi les articles de sport et certaines chaînes low cost. La distribution multicanal qui est la clé de la réussite pour nombre d'entreprises voit le e-commerce prendre son essor (15% des achats des Français en 2023).

On peut vouloir lutter contre ces transformations comme on peut souhaiter les accompagner tout en corrigeant certains défauts du paysage urbain. Car des déséquilibres existent bel et bien.  Le plus marquant est le risque de polarisation entre d'un côté les enseignes de luxe portées par la fréquentation touristique et de l'autre, les chaînes low cost, favorisées par l'inflation.

Répondre à une demande à un endroit précis

Autre déséquilibre, la concentration d'une même activité à un seul endroit, le projet du gouvernement de transformer les entrées de ville entend d'ailleurs revenir sur un exemple de cette distribution urbaine pour apporter de l'activité commerciale dans des zones résidentielles. Mais attention, ne croyons pas qu'il suffit de déplacer une activité d'un endroit à un autre pour qu'elle prospère. Tout commerce répond à une demande à un endroit précis.

Favoriser la mobilité des citadins, leur permettre de se déplacer facilement et donc d'accroître leur périmètre d'action et de consommation nous semble une évidence trop souvent oubliée parmi les idées pour sauver les commerces. Les zones de restriction du trafic en centre-ville sont à ce titre fort nuisibles à l'activité des commerces. Si plus de 80% des Français vivent en ville, un tiers vit plus précisément en zone périurbaine. La voiture individuelle reste bien souvent le seul moyen de transport possible, 87% des Français l'utilisent chaque jour pour leur travail, achats et loisirs.

Optimiser l'usage de transports, diversifiés et décarbonés, impose que les ménages puissent trouver plusieurs usages réunis en un seul lieu. C'est l'exemple pris par les parcs d'activité commerciale, qui au-delà des achats, offrent aux ménages loisirs (cinéma, sport) et services.

Développons la mixité des usages immobiliers (résidentiel, bureaux, commerces) et leur accessibilité. C'est la condition du maintien des commerces de ville, et donc du dynamisme des centres urbains.