Bertrand Piccard : un possible win-win à la COP26

Par Bertrand Piccard  |   |  628  mots
(Crédits : REUTERS)
LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP26. La conférence de Glasgow sera un succès seulement si l’on peut démontrer que les intérêts économiques convergent avec ceux des défenseurs du climat. Des objectifs ambitieux pourront alors y faire gagner tout le monde. Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateur, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tiendra durant cette quinzaine une chronique quotidienne des succès et des déceptions de ce rendez-vous crucial pour l'avenir de notre planète. Une exclusivité pour La Tribune et le quotidien suisse Le Temps.

Il n'y a rien de plus important que de réunir les décideurs du monde entier autour des enjeux climatiques. Il n'y a rien de plus frustrant aussi. La conférence de Glasgow qui s'ouvre aujourd'hui offre une opportunité extraordinaire de définir une feuille de route qui permettra de sortir de la crise climatique. En habitué de ces conférences internationales, je sais aussi que l'on passera beaucoup de temps à s'écharper sur des virgules, et que des pays majeurs refuseront les choix qui s'imposent pourtant de manière flagrante.

Le contexte me donne cependant bon espoir que des avancées importantes seront réalisées cette année : l'accumulation des catastrophes naturelles, la mobilisation de la jeune génération et les effets de la pandémie ont accéléré la prise de conscience d'un destin commun.

Le premier enjeu majeur de cette COP26 consiste à réévaluer à la hausse les engagements de lutte contre le réchauffement des 196 Etats signataires de l'Accord de Paris. C'est indispensable pour parvenir à l'objectif fixé, soit une réduction de 45% des émissions mondiales de CO2 d'ici à 2030. La trajectoire actuelle est mauvaise, et son infléchissement nécessite des mesures fortes et des investissements importants. La première bonne nouvelle, c'est que l'objectif reste atteignable. La seconde, c'est que les mesures ne seront pas seulement bonnes pour l'environnement et la qualité de vie des citoyens du monde, mais aussi pour l'économie, car elles offrent de formidables opportunités dans le développement de nouvelles technologies ou dans la mise en place d'infrastructures permettant de décarboner l'économie mondiale.

A tel point que, j'en fais le pari, les pays qui se fixent les objectifs les plus ambitieux en matière de réduction des émissions, sont aussi ceux qui connaîtront la plus forte croissance économique dans les années qui viennent.

L'autre enjeu vise à instaurer des mécanismes de marché pour le carbone. Si un pays a du mal à atteindre seul ses objectifs, il pourra mener une action de réduction (par exemple installer des panneaux solaires) dans un autre pays. L'Etat investisseur tirera de cette action des « crédits carbone » qu'il pourra inscrire à son propre bilan. L'objectif de ce mécanisme est d'atteindre le plus vite possible la neutralité carbone au niveau mondial, car il est souvent plus efficace et moins onéreux d'investir dans un pays en développement où, avec un faible investissement, dont on peut réduire fortement les émissions.

Ce système comporte cependant deux effets pervers: les pays développés pourront être tentés de réaliser une partie de leurs objectifs à l'étranger, ce qui fera prendre du retard à des investissements nécessaires chez eux. L'autre problème vient de la comptabilisation : normalement, c'est le pays investisseur qui doit inscrire l'action à son bénéfice. Mais certains Etats souhaitent mettre à leur compte tout investissement étranger réalisé sur leur sol... C'est pour éviter un double comptage qu'il faut établir des règles strictes dans la traçabilité des projets, ce qui promet d'occuper les négociateurs pendant de longues nuits.

Autre enjeu important de la COP26, atteindre l'objectif de 100 milliards de dollars d'investissement dans les pays pauvres chaque année à travers le Green Climate Fund jusqu'en 2025. Pour l'instant, ces montants n'ont pas été atteints mais, selon les organisateurs, cet objectif est atteignable et il est évidemment souhaitable. Ces investissements offrent en plus de formidables opportunités pour les créateurs d'entreprise, dont les 1.200 initiatives labellisées par la Fondation Solar Impulse. Depuis Glasgow, je reviendrai ici, quotidiennement, commenter les succès et les déceptions de cette COP26 si déterminante pour l'avenir de notre planète.

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(*) Bertrand Piccard publie cet automne "REALISTE, soyons logiques autant qu'écologiques", Editions Stock.