Athlètes sur les réseaux sociaux : jusqu'où monétiser la nudité sans risque ?

OPINION. Par Julia Roloff, professeur de management à Rennes School of Business et Roy Dakroub, consultant
(Crédits : DR)

L'immense majorité des athlètes qui vont concourir aux Jeux Olympiques ont aujourd'hui des comptes sur les réseaux sociaux et la beauté de leurs corps s'avère un de leurs principaux actifs en ligne. On l'évoque peu, mais elle les aide indéniablement à accroître leur audience et donc à augmenter leur revenus. Elle les oblige aussi à élaborer des stratégies fines pour tirer parti de cette beauté sans choquer leurs fans et nuire à leur réputation.

La question concerne d'abord les athlètes femmes. Moins payées par les fédérations que les hommes, bénéficiant aussi d'un moindre intérêt des médias classiques et des sponsors, les sportives ont en moyenne deux fois plus de followers sur les réseaux sociaux que leurs homologues masculins, en bonne partie grâce à des photos qui séduisent le sexe opposé.

Bien sûr, beaucoup d'entre elles construisent une image de femmes puissantes qui se battent pour vaincre. Représentée dans des médias sportifs, la tête en sang, les dents serrées, le corps en plein effort, la championne américaine de catch et d'arts martiaux mixtes, Paige Van Zant, en est un bon exemple. Mais elle raconte aussi sa vie en petite tenue sur Instagram, suivie par quelque 3,5 millions de fans. Paige Van Zant avoue d'ailleurs gagner davantage aujourd'hui en publiant des images d'elle dans des poses érotiques qu'en combattant sur les rings.

Des sportives de ce niveau peuvent se vouloir tout à la fois des compétitrices et des femmes sensuelles, mais il est clair qu'elles agissent ainsi d'abord pour mieux gagner leur vie dans un contexte où l'égalité des chances entre sportifs des deux genres reste un combat à mener.

Quels risques pour leur réputation ? Nos recherches menées auprès d'athlètes issus de 11 pays* montrent combien cette question les préoccupe.

Les sportives qui jouent de leur beauté et apparaissent peu vêtues disent arbitrer entre leur désir d'attirer ainsi de nombreux fans et leur volonté de respecter des valeurs morales, de jouer un rôle social, de servir de modèle pour les jeunes générations de femmes. Elles ont aussi conscience des insultes que certaines poses peuvent susciter et des risques pour leur réputation. Un actif de long terme, qu'elles doivent préserver.

Les athlètes masculins partagent ces préoccupations. De plus en plus, comme les femmes, tirent parti de la beauté de leurs corps pour augmenter leur audience, en particulier lorsqu'ils pratiquent des sports « de niche » qui n'attirent ni les foules ni les sponsors. Mais ils se trouvent alors face à des dilemmes plus complexes encore.

Si les sportives, en se montrant peu vêtues, se conforment en réalité aux stéréotypes de genre et attirent ainsi un public masculin, se dénuder peut causer beaucoup de tort aux hommes.

Le temps où en Grèce, les corps nus des athlètes étaient célébrés et largement représentés, n'est plus. La crainte de se sentir émasculé ou de se faire cataloguer comme homosexuels, freine les sportifs d'aujourd'hui.

Profiter de l'attrait pour les beaux corps tout en conservant sa virilité, nécessite en réalité de savoir jouer habilement des codes, de transmettre toujours une image de force, au risque de se voir sanctionné par les fans puis par les sponsors, qui ne se positionnent pas ouvertement sur ces questions, mais suivent de très près l'évolution des audiences et des réputations.

Improviser en ce domaine est pour ces athlètes un sport à haut risque.

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(*) Athletes' self-representation on Instagram and the implications of nudity on their brand image; Roy Dakroub, Julia Roloff, Helmi Issa; The International Journal of Sport and Society (2023)

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Commentaires 4
à écrit le 27/07/2024 à 17:09
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Tout n'est qu'exhibitionnisme contre finance, quel qu'en soit les modalités !

le 28/07/2024 à 10:15
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Tu veux dire quoi par là stp ?

le 29/07/2024 à 14:02
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Ne serait ce pas une "exploitation" humaine? j'ai juste?

à écrit le 27/07/2024 à 10:31
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Une analyse très intéressante, merci. Mais ça change, les hommes deviennent de plus en plus sensibles à l'image qu'ils donnent et ont quand même tendance à exposer leurs corps sous différentes formes. Le slim est quand même une mode qui il y a 20 ans...

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