La course contre la montre de Gabriel Attal

Par Bruno Jeudy, Directeur de la rédaction  |   |  516  mots
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ÉDITO - Retrouvez l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de La Tribune Dimanche.

C'est une valse à quatre temps qu'Emmanuel Macron mène avec ses Premiers ministres successifs. Il y a d'abord eu le tempo particulier voire solitaire qu'Édouard Philippe a voulu imposer au fil des trois premières années de cette présidence. Il y a eu ensuite le temps suspendu avec Jean Castex, chef de gouvernement voué aux durs moments de la crise du Covid. Deuxième femme à Matignon, la polytechnicienne Élisabeth Borne a voulu ralentir le temps par tempérament mais aussi pour surmonter l'absence de majorité absolue à l'Assemblée. Le 9 janvier, le chef de l'État a choisi de l'accélérer en nommant Gabriel Attal, plus jeune Premier ministre de l'histoire de la VRépublique.

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Cent quarante jours plus tard, le fougueux macroniste semble répondre aux exigences du rôle de Premier ministre, qu'il a investi avec détermination, enthousiasme et souci de l'efficacité. Toutes ses actions, tous ses discours reflètent une volonté de répondre avec promptitude aux crises qui n'ont pas manqué : des inondations dans les Hauts-de-France aux revendications des agriculteurs ; des règlements de comptes dans les banlieues à l'explosion de violence en Nouvelle-Calédonie.

Hic et nunc, ici et maintenant, telle pourrait être la devise de Gabriel Attal, un « jeune homme pressé », titre d'un vaudeville de Labiche dont le héros s'appelle... Dardard ! Ce désir de coller à l'actualité l'inscrit dans l'immédiateté. Comme si ce Premier ministre des crises était lancé dans une course contre la montre dans laquelle il manquerait justement de temps pour poser sa marque. D'aucuns parleront de pragmatisme, d'autres y verront une vaine agitation et l'absence de vision politique. Le débat qu'il a eu avec Jordan Bardella, et qu'il a dominé, a confirmé ce désir chez lui de tout maîtriser, d'afficher avec ostentation sa connaissance des dossiers. Sans doute, en cette période pré-olympique, attend-on de la flamme aux yeux des jeunes gens mais, comme disait Victor Hugo, c'est dans l'œil du vieillard qu'on voit de la lumière. L'ambition et l'impatience constituent de puissants stimulants mais conduisent parfois à des déconvenues.

Sans pouvoir le dire, l'actuel Premier ministre a besoin de temps pour asseoir une personnalité incontournable pour l'après-2027. Emmanuel Macron le lui accordera-t-il même en cas de déroute aux européennes ? Au moment de la nomination d'Attal, le député du MoDem Jean-Louis Bourlanges avait eu ce mot : « Ne pouvant pas se représenter, Jupiter se reproduit. » À présent, il prolonge sa formule : « Jupiter se transforme en Saturne et dévore ses enfants. » Après le 9 juin, Emmanuel Macron n'aura pas d'autre choix que de conserver l'actuel titulaire de la fonction. Pas de valse à cinq temps donc. Sauf à perdre le rythme de sa fin de mandat.

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