« Choose France », cher pays de notre enfance…

CHRONIQUE L'ŒIL DE L'ÉCO — Retrouvez chaque semaine la chronique de Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune.
Philippe Mabille
Philippe Mabille - L'oeil de l'éco
Philippe Mabille - L'oeil de l'éco (Crédits : © DR)

En trois semaines, depuis la décision d'Emmanuel Macron de provoquer des élections législatives anticipées, la marque France vient de se dégrader comme jamais dans l'esprit des investisseurs du monde entier. La perspective de voir le pays du « Choose France » entrer dans une période d'instabilité politique prolongée a ruiné dix ans d'efforts pour restaurer son image à l'étranger. Si les hedge funds, les fonds spéculatifs, n'ont pas encore attaqué la dette française, la flambée du spread, l'écart de taux à dix ans entre la France et l'Allemagne, le pays réputé le plus sûr en Europe, montre que les marchés sont sur le qui-vive et se préparent à tous les scénarios pour l'après-7 juillet, date du second tour.

Lire aussiIA et climat, la guerre économique du XXIe siècle

Vendredi soir, à deux jours du premier tour, le spread a dépassé la barre des 80 points de base, ce qui est considéré par les financiers comme un point d'inflexion majeur. On mesure au passage à quel point l'Europe et l'euro nous protègent des turbulences politiques. Dans de pareilles circonstances d'instabilité politique, en septembre 1992, le franc, notre vieille monnaie, était à la cave, les réserves de change de la Banque de France étaient épuisées et l'écart de taux entre la France et l'Allemagne dépassait les 110 points de base, creusant d'autant les charges de la dette publique, déjà colossale. Cette crise oubliée a été à l'origine de l'accélération de la marche vers l'union monétaire, voulue par un François Mitterrand conservant le cuisant souvenir de la « relance solitaire de 1981 », qui avait mis le FMI aux portes du ministère des Finances, alors situé dans le Louvre.

 « La parole au peuple »

Toutes choses égales par ailleurs, il y a bien un parfum de 1981 dans l'air que l'on respire en France depuis quelques semaines au vu des programmes de rupture économique complètement démagogiques et inapplicables des deux forces qui disputent le pouvoir au bloc central. Certains diraient même un parfum de 1789 et de nuit du 4-Août à gauche. Car, à bien y regarder, l'inexplicable dissolution décidée par Emmanuel Macron ressemble un peu à la convocation des États généraux par un Louis XVI incapable de remettre de l'ordre dans les finances publiques de l'Ancien Régime finissant. Ce n'est peut-être pas pour rien que le candidat Macron avait titré Révolution son livre-programme de 2017... Il a juste fallu attendre la fin de son « septennat » pour la voir arriver.

En effet, c'est bien parce qu'il s'est montré incapable de trouver un consensus politique à l'Assemblée nationale sur les moyens de corriger le dérapage des déficits publics que le président de la République a décidé de redonner « la parole au peuple ». Pas de chance, là où Macron espérait un nouveau rassemblement des « modérés » contre les « extrêmes », c'est le contraire qui semble se produire, cette accélération du calendrier électoral ayant renforcé la division et attisé la confusion dans un pays désormais scindé en trois blocs irréconciliables.

Il y a bien un parfum de 1981... voire même un parfum de 1789 et de nuit du 4-Août

Le président se retrouve un peu comme le héros du livre (devenu une série) du Chinois Liu Cixin Le Problème à trois corps, un roman de science-fiction où des extraterrestres, les Trisolariens, décident d'envahir la Terre pour échapper à un système stellaire à trois soleils structurellement instable. Or, l'instabilité, c'est bien ce que détestent le plus les investisseurs, qui risquent de nous le faire payer cher. À défaut d'une très improbable réussite du pari pascalien de Macron, que contredisent tous les sondages, la France va se retrouver en plein JO dans un chaos politique et économique. Le spread France-Allemagne pourrait rapidement s'installer au-delà des 100 points de base, ce qui mécaniquement aggraverait nos difficultés budgétaires déjà presque insurmontables.

Certes, le projet du RN s'est déjà un peu « macronisé », comme en témoigne la révision de son programme de dépenses, réduit comme peau de chagrin, hormis la baisse absurde de la TVA sur l'énergie. Mais cela suffira-t-il quand Jordan Bardella devra expliquer à ses électeurs déçus que la situation budgétaire impose de lourds sacrifices dans les dépenses de l'État et de la Sécurité sociale, voire des hausses d'impôts ?

Quant au Nouveau Front populaire, son programme de relance keynésien à 150 milliards d'euros sur trois ans repose sur un choc fiscal inédit et potentiellement confiscatoire dont l'application a de quoi faire fuir toutes les forces vives du pays. Son ISF à 15 milliards d'euros ne résistera pas à cette réalité, à laquelle même Mitterrand avait dû se résoudre en 1982 : l'outil de travail devra être exonéré sous peine de voir disparaître tout le tissu entrepreneurial français qui se fera racheter par des intérêts étrangers.

Philippe Mabille

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 30/06/2024 à 21:59
Signaler
"Son ISF à 15 milliards d'euros ne résistera pas à cette réalité" certains disent (ont-ils calculé ? Sinon c'est creux) qu'avec l'évolution des fortunes, sans changer les taux, ça se ferait tout seul. Les fortunes ont-elles toutes augmenté autant que...

à écrit le 30/06/2024 à 21:26
Signaler
le president colerique, en 3 semaines, va envoyer au tas 8 ans de travail, et il est peu probable que le pays desormais ingouvernable et on ne peut plus instable attire grand monde...felicitation a lui, c'est du joli travail

à écrit le 30/06/2024 à 8:17
Signaler
« La parole au peuple » A mourir de rire tandis qu'il nous l'a totalement coupé la parole pendant 7 années.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.