Chine-Russie : la guerre sans la démocratie

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — L'investiture du nouveau président taïwanais lundi précède d'autres grands rendez-vous diplomatiques, au cours desquels les démocraties libérales occidentales vont devoir faire montre de davantage de fermeté face au couple Xi-Poutine.
François Clemenceau
François Clémenceau - Le monde à l'endroit
François Clémenceau - Le monde à l'endroit (Crédits : © LTD / DR)

Même s'ils ne sont pas du même âge, il y a beaucoup de ressemblances entre Lai Ching-te et Joe Biden. Comme le président américain, celui qui prêtera serment demain pour diriger Taïwan est issu d'un milieu modeste et d'une famille nombreuse. Tous deux, au sein de leur parti, sont des centristes. Le successeur de Tsai Ing-wen se qualifie lui-même de « pragmatique » sur la question de l'indépendance. À quoi sert en effet de revendiquer la rupture avec Pékin, alors que Taïwan existe de facto par elle-même et s'est émancipée sur tous les plans ? Comme Joe Biden, Lai Ching-te a été vice-président pendant quatre ans après avoir longtemps siégé au Parlement, ce qui fait de ces deux êtres des professionnels expérimentés de la gouvernance.

Ce qui les réunit, enfin, c'est qu'ils ont précisément servi aux plus hautes fonctions à l'heure où la Chine et son allié russe veulent asseoir leur hégémonie, lentement mais sûrement, dans une sphère d'influence et d'action presque sans limites. Cette semaine à Pékin, les deux dirigeants en étaient à leur 43e rencontre ! Comme il est tellement plus facile d'être brutal en général, de violer les droits humains de son peuple en particulier, d'agresser ses voisins presque par nature, de vouloir dicter au monde une nouvelle grammaire du rapport de force, lorsqu'il n'y a pas de campagne électorale chez soi et encore moins de sanction du suffrage !

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« Les signes de connivence entre Xi et Poutine sont de plus en plus évidents, souligne Philippe Le Corre, conseiller à l'Asia Society. L'axe de ces régimes autoritaires se renforce, y compris sur les crises lors desquelles ils brandissent en commun leur veto aux Nations unies dès qu'il s'agit de sanctionner la Corée du Nord ou l'Iran. Et même si la Chine ne serait pas mécontente qu'une solution soit trouvée pour l'Ukraine, le rapprochement entre Poutine et Xi n'a jamais été aussi clair. » Pour cet expert de l'Asie, Xi n'a évidemment pas « le moindre cadeau » à faire à Taïwan pour célébrer l'investiture de Lai Ching-te, bien au contraire. Une demi-douzaine de vaisseaux chinois sont venus cette semaine provoquer les Taïwanais aux abords de leur zone maritime, tandis qu'une cinquantaine d'aéronefs ont été déployés autour de l'île mercredi, dont la moitié ont franchi la ligne médiane qui divise le détroit.

Dans un mois, les européens se doteront d'un nouveau Parlement, dont le rôle n'a cessé de croître ces dernières décennies. Dans six mois, les Américains renouvelleront la totalité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat, tandis qu'ils devront faire un choix crucial entre le retour de Donald Trump ou le maintien de Joe Biden à la Maison-Blanche. Chaque grande campagne démocratique oblige souvent les gouvernants sortants à se mettre en mode pause pour ne pas instrumentaliser les crises à des fins purement électoralistes et personnelles. Ne voit-on pas que la Chine et la Russie en profitent ? « La bromance des autocrates », comme l'hebdomadaire The Economist qualifie cette semaine la relation entre Xi et Poutine, est facilitée par notre temps et nos règles démocratiques. Consulter les acteurs, faire voter des lois, les faire valider par les juges ou par une ratification de partenaires dans l'UE prend du temps, celui que les dictatures ne connaissent pas.

Pour Xi et Poutine, les démocraties occidentales
et libérales sont en décadence

Cela ne signifie pas que la diplomatie et l'action militaire sont abolies dans les mois qui précèdent nos scrutins. Les Européens se reverront à Genève pour la conférence de paix sur l'Ukraine, lors de laquelle la France tentera de convaincre ses partenaires du « Sud global » de prendre davantage de distance avec le jusqu'au-boutisme de Vladimir Poutine. Puis à Bruxelles fin juin, avant que la présidence du Conseil ne passe de la Belgique à la Hongrie - dont Xi Jinping a pu apprécier les charmes la semaine dernière. Ensuite à Washington, pour le sommet annuel des chefs d'États qui appartiennent à l'Otan, et enfin près d'Oxford, au Royaume-Uni, pour le sommet trimestriel de la Communauté politique européenne (CPE). À chacune de ces occasions, ils auront la possibilité de réagir plus fermement à la brutalité de la Russie et à l'indulgence intéressée de la Chine. Pour Xi et Poutine, les démocraties occidentales et libérales sont en décadence. À elles de prouver qu'elles ont la capacité de moins tergiverser, le sang froid de ne pas céder aux provocations, et le courage d'agir lorsqu'il en est encore temps.

François Clemenceau

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Commentaire 1
à écrit le 20/05/2024 à 9:38
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Mais quelle risible propagande: vraiment le monde à l'envers! Les Etats- Unis, cette pseudo démocratie et vraie oligarchie, est le pays le plus va t'en guerre au monde, le plus suprémaciste et hégémonique au monde, mais on trouve malgré ces faits de...

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