Nos « amis » les robots

HOMO NUMERICUS. Le développement de robots à forme humaine s'accélère. Dopées à l'intelligence artificielle, ces machines humanoïdes pourraient rapidement faire partie de notre quotidien. Par Philippe Boyer, directeur relations institutionnelles et innovation à Covivio.
Philippe Boyer
(Crédits : Figure AI)

Dans son édition de juin, la très sérieuse revue scientifique du Massachusetts Institute of Technology (MIT), « MIT Technology Review », a choisi une couverture digne des comics des années cinquante. Le dessin montre une famille américaine secondée par deux robots : le premier berçant un bébé, l'autre agenouillé en face d'un enfant pour l'aider à construire un édifice en cubes. Certes, nous touchons là à la représentation type de notre imaginaire collectif dans lequel des robots n'ont d'autre vocation que de servir les humains en les assistant dans leurs tâches quotidiennes. En tchèque, origine du mot robot, « robota » signifie « corvée ». La boucle est bouclée avec le titre de ce dossier :

« Les robots arrivent, Ils sont là pour nous aider », sous-entendu, ils nous déchargeront de nos corvées.

Robots humanoïdes

Habitués, depuis déjà plusieurs décennies, à voir des robots industriels automatiser d'innombrables tâches pénibles, répétitives ou dangereuses pour l'humain (peinture, soudage, assemblage...), une nouvelle révolution de la robotique est à l'œuvre. Moins « esclaves », mais plus « compagnons », les prochains robots humanoïdes nous ressembleront physiquement (avec deux bras et deux jambes), voire mentalement. Dopées à l'intelligence artificielle, ces machines pourraient bien envahir nos vies.

A défaut de prendre cette prédiction pour argent comptant, le moins que l'on puisse dire c'est que de grands groupes technologiques consacrent des sommes importantes au développement de ces robots humanoïdes : Tesla, avec ses robots Optimus, Google, Open AI ou encore Figure, société qui a levé 675 millions de dollars auprès de Microsoft, Open AI, Nvidia et Jeff Bezos. Bref, une myriade de grandes et petites sociétés investissent pour faire converger IA et robotique. Jamais à court de propos sensationnalistes, le 21 janvier dernier, Elon Musk s'est même enthousiasmé en pronostiquant que d'ici à 2040, 1 milliard de robots humanoïdes devraient être à nos côtés. Dit autrement, arrive le temps où IA et robotique se connecteront.

Impact sur l'emploi

Au rythme du développement de l'IA, on peut même se demander si les pronostics d'Elon Musk ne sont pas en deçà de la réalité. Compte tenu des économies d'échelles qui rendent ces technologies de plus en plus puissantes et de moins en moins onéreuses, il est probable que cette fusion « robotique-IA » advienne plus rapidement que prévu. À défaut de tout de suite accueillir dans nos foyers ces « nouveaux amis », ceux-ci devraient d'abord avoir un impact sur des emplois peu qualifiés. À voir les acrobaties et l'adresse des robots de Tesla Optimus ou de Boston Dynamics, ces machines capables de lever de lourdes charges tout en étant conservant souplesse et précision, pourront sans difficulté remplacer des métiers d'exécution.

Bien plus, non seulement ces robots auront les « jambes », mais également la « tête » du fait de leurs logiciels fonctionnant à l'IA. Basée sur l'apprentissage automatique, la vision par ordinateur et le traitement du langage naturel, l'IA générative donnera à ces robots humanoïdes la capacité de comprendre, d'apprendre et de prendre des décisions. Côté pile, de telles technologies pourraient être le « remède » aux pénuries de compétences qui affectent tel ou tel secteur du fait notamment du vieillissement démographique ou de la réticence à travailler dans des environnements difficiles. Côté face, ces robots auront, à coup sûr, vocation à occuper de nombreux emplois jusqu'alors effectués par des humains.

Empathie artificielle

Pour l'heure, si ces futurs auxiliaires sont technologiquement prêts, il reste encore pas mal de chemin à faire pour parfaire leur « presque humanité », à commencer par leur aspect physique. Il n'y a qu'à voir le robot humanoïde Optimus de Tesla qui, avec son 1m72 et ses 57 kg, son buste et sa tête noire sans visage et sans aucune expression, agit pour l'instant comme un véritable repoussoir. Sans doute que ce sujet de forme devrait être assez vite résolu, ne serait-ce que pour une raison commerciale : donner envie d'adopter ces robots aux caractéristiques presque humaines.

Une fois ceci fait, il ne restera plus qu'à doter ces machines d'une forme d'empathie artificielle qui fera que nous oublierons progressivement que l'on interagit avec une machine. L'heure sera alors venue de sérieusement se poser la question éthique sur la complémentarité que nous voudrons nouer entre l'Homme et la machine. Dit autrement, et à l'instar des débats récurrents sur l'IA, serons-nous un jour tentés d'abandonner notre idéal d'autonomie en déléguant tout ou partie de nos choix à des machines capables de choisir et de décider à notre place ?

Philippe Boyer

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Commentaire 1
à écrit le 04/06/2024 à 17:59
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Plus on avance dans le temps, plus on s'apercoit d'un manque d'intelligence chez les humains ! ;-)

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