Kifune : 60 minutes de sérénité

Qu'attend-on d'un restaurant ? Se sustenter bien sûr, avec classe c'est mieux, avec grâce c'est la panacée. Parfois, on peut juste y aller pour trouver le temps de réfléchir (ou réfléchir à comment trouver du temps), c'est un exercice que l'on peut faire seul ou à deux, guère plus. L'intimité avec soi-même au menu. En espérant que ce ne soit pas trop indigeste. Kifune (le bateau de bois en japonais) est le lieu idéal pour ce genre de sport de combat. Dix places au bar, claustra de bois, laque noire, fouillis ordonné quasi familier : le décor parfait pour suspendre le temps, voire le remonter tant la « Ozu touch » est forte. L'ensemble est formel et sobre, dense et intime.Au déjeuner, cinq menus à 30 euros : sashimi, sushi, chira-shi, tempura, assortiment de crevettes, poisson et poulet frits, le tout accompagné d'amuse-bouches, de soupe miso et de salade de fruits. Bien sûr, on peut s'écarter des sentiers balisés : tchawanmushi (crème d'oeuf à la vapeur), palourdes marinières au saké, seiches et poulpes en salade... Les sensations du hors-piste sont garanties.On oubliera la carte de vins très (trop) courte, six propositions dans les trois couleurs, on préférera le saké chaud ou froid pour un futur dîner, on optera pour un excellent thé vert. Et un chirashi.Devant nous, face au bar, dorment les poissons sous leur baldaquin de givre. Les deux cuisiniers, silencieux, concentrés, travaillent le riz comme l'on façonnerait la glaise.Ils synthétisent le mystère de Kifune : comment peut-on être à la fois si discret et si présent ? Leurs gestes sont précis, ténus, et pourtant on pourrait presque toucher l'air qu'ils ne déplacent pas. Happé par leur ballet, on remarque à peine les deux hôtesses qui ont glissé de petites pièces de vaisselles splendides emplies d'aubergines fondantes et de salades de concombres craquants. La miso est parfaite dans sa tiédeur laiteuse. Le grand bol de riz, cuit et vinaigré comme seuls les grands sushi men savent le faire, accueille les pièces de maquereau, thon, saumon, bonite, poulpe, seiche... rigoureusement tranchées. Chaque bouchée est une fusée iodée et la morsure du gingembre rythme les tirs. Pour clore le feu d'artifice, comme une tradition, il faut finir par deux pièces d'anguille, la meilleure de Paris. à nos côtés, des Japonais, nombreux, voyagent vers l'archipel. Près de la porte Maillot, chez Kifune, le temps d'un déjeuner, l'air qu'ils respirent est le même qu'à Tokyo. Éric [email protected] ? Kifune, 44, rue Saint-Ferdinand, 75017 (01.45.72.11.19)Circonstances : avec son ego, un ami qui aime les atmosphères sépia.Midi ou soir : à midi, pour un déjeuner rapide et sain.Tables : au bar en priorité, dans le petit salon rond pour les affaires.Voiturier : non.Prix : 30 ? au déjeuner ; 50-60 ? le soir.Si c'est complet : MBC, le restaurant de Gilles Choukroun, 4, rue du Débarcadère 75017.
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