Au-delà de la réforme des retraites, il faut réussir la révolution de l'âge »

Le jour même où le Conseil d'orientation des retraites publiait ses nouvelles projections sur l'équilibre du système, faisant état d'un déficit annuel colossal de 72 à 115 milliards d'euros à l'horizon 2050, la première secrétaire du PS publiait un article dans « Le Monde » du jeudi 15 avril, intitulé « Au-delà de la réforme des retraites, il faut réussir la révolution de l'âge ».De la réforme elle-même, il en est fort peu question, si ce n'est pour évoquer des prélèvements additionnels « sur la valeur ajoutée, les stock-options et autres rémunérations non assujetties ». Bien qu'elle reconnaisse d'emblée l'allongement de la durée de vie, Martine Aubry écarte d'un revers de la main l'idée, défendue par elle il y a peu, d'un recul de l'âge légal du départ à la retraite, et se refuse à évoquer sérieusement tout allongement de la durée de cotisation, cette solution préconisée par le gouvernement relevant, selon elle, d'une « dramatisation » de la situation « pour imposer des décisions à sens unique ». Quant aux travaux du COR, ils ne sont plus, sous sa plume, « qu'un élément parmi d'autres de l'évaluation financière », qui « ne doit pas être instrumentalisé pour imposer des choix de sociét頻.Car pour la première secrétaire, l'important est de se placer « au-delà de la réforme ». Déjà ! « Sa vision relève d'une approche démagogique », dit le spécialiste des réformes des retraites, Jacques Bichot. Elle refuse de regarder la réalité en face, comme Nicole Questiaux affirmant, en 1982, « je ne serai pas la ministre des Comptes ». Pour Jacques Bichot, Martine Aubry se révèle ainsi incapable de porter « la vision responsable d'un chef d'État ».Pourtant, décrypte la sémiologue Mariette Darrigrand, « cet article programmatique marque bien l'entrée en campagne présidentielle de Martine Aubry. Tous les ingrédients du discours socialiste y sont : la promesse d'une ?société différente? et ?la révolution? de l'âge ». Elle aussi a compris que c'est avec les voix des seniors que se gagnera la bataille de 2012. Les électeurs de 35 à 55 ans, qui seront les plus touchés par les réformes de 2010 pèseront, selon l'Ifop, un tiers du corps électoral. Et les 55 ans et plus, 38 %. « Son objectif est très clair, dit le politologue Rémi Lefebvre : se rapprocher de cet électorat des seniors qui a élu Nicolas Sarkozy en 2007, et qui fera l'élection de 2012. »À travers cet article, on comprend ainsi que la classe nombreuse des seniors constituera la cible prioritaire des programmes électoraux de 2012. Et ce, à gauche comme à droite. Les jeunes, pas assez nombreux ni influents, n'intéressent plus les politiques. La nouvelle société qu'elle promet, à la fois douce et lente, faite de liens solidaires, est d'abord une société de vieux. Mais à qui s'adresse-t-elle, au juste ? Aux bénéficiaires du minimum vieillesse, dont elle plaint l'appauvrissement ? Aux « bénévoles sur lesquels tout repose » ? Ou au grand âge frappé de pathologies dégénératives ? Pour ratisser large au sein d'une classe aussi nombreuse que disparate, elle tente « un discours qui rassemble deux générations aux problématiques bien distinctes », remarque Mariette Darrigrand. Mais l'ambiguïté n'est pas fortuite : « À travers eux, c'est bien à toutes les personnes fragiles qu'elle s'adresse. C'est toute la société qu'elle vise. » « Une société du soin », dit-elle. Ce qui, pour Rémi Lefebvre, est le nouveau corpus idéologique qu'elle teste. En un mot, son programme. nAnalyse valérie Segond Éditorialiste à « La Tribune »Chaque semaine, « La Tribune » décrypte une phrase, une citation ou un article qui marque un temps fort de l'actualité.
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