Détox ou intox  ?

« L'individu cherche à se laver du monde extérieur, qu'il perçoit comme nocif, faux et agressif. » Pour le philosophe et sociologue Gilles Lipovetsky, si la vague détox gagne nos esprits, le diagnostic est clair : « Chacun revient au soin de soi en adoptant une écologie intérieure qui s'accorde à nos aspirations ?bio? et ?ethniques?. »En toile de fond ? La dictature de la minceur, la crainte de l'obésité, le lobbying du manger bio forment un terreau propice pour tous ceux qui prônent le besoin de se purifier, se détoxifier, se « cleaner ». Drnatura.com, qui se définit comme le premier site marchand de « détox » au monde, va même jusqu'à demander si l'on est « propre de l'intérieur » (sic).Sur son site, Guerir.org, David Servan-Schreiber, fort de son succès (son livre « anticancer » s'est vendu à 1 million d'exemplaires), ne cesse de marteler qu'il nous faut faire attention à ce que l'on mange pour ne pas contracter de cancer (du poivre noir et du curcuma permettraient ainsi de lutter contre les cellules souches du cancer, idem pour le thé vert)? Et d'ajouter : « Si les études manquent pour confirmer ces hypothèses, c'est qu'il n'y a pas de brevet à la clé. Face à de telles affirmations, sans preuve scientifique confortant ou infirmant, la peur peut proliférer. » « Mieux vaut prévenir que guérir », se disent les consommateurs. Les messages détox gagnent les médias. Et les marchands surfent sur la vague.La marque de thé Kusmi Tea a ainsi mis en vente au printemps un thé détox (un mélange de maté et de thé vert, associé à des arômes de citronnelle) qui promet de donner au corps une bonne dose d'antioxydants. Dans l'auto aussiEn novembre, Renault a dévoilé son concept de première voiture électrique spa. Baptisé Zoé Z.É. (pour « zéro émission »), ce véhicule a été conçu en partenariat avec Biotherm comme un havre de bien-être, avec climatisation détox. Non seulement elle éviterait le dessèchement de la peau, mais, grâce à un capteur de toxicité, elle permettrait d'empêcher la pollution de pénétrer dans l'habitacle.Côté hôtellerie, le premier hôtel détox, le Gabriel, a ouvert ses portes à Paris. À côté de République, l'établissement met à disposition de ses hôtes des patchs « total détox » qui neutraliseraient les toxines par la réflexologie.Plus récemment, en décembre, c'est l'hôtel Westin qui a inauguré le premier spa Six Senses parisien. Au 3, rue de Castiglione, il propose un soin détoxifiant de deux heures vingt avec exfoliation marine et massage oriental (240 euros).Venu des États-Unis, le terme « détox » est apparu avec le livre « Fit for Life », publié en 1986. Selon ses partisans, nos organismes, au même titre qu'une voiture, s'encrasseraient et accumuleraient des déchets qui, à la longue, nous fatigueraient, nous donneraient mauvaise mine (et vilaine haleine, tant qu'à faire), avec des cheveux et des ongles ternes? Le tout nous rendant bien sûr irritables, dépressifs? En deux mots, moins performants. Pour eux, les toxines ont deux origines : intérieure (ce que nous mangeons : trop de graisses animales, trop de sucres, trop de pesticides générés par l'agroalimentaire conventionnel), et extérieure (pollution, tabac, etc.). Résultat : pour se désencrasser et retrouver tout notre dynamisme, ils préconisent un régime ? pendant trois, cinq, sept voire quinze jours en moyenne ? à base de légumes, fruits? Majoritairement, une alimentation végétarienne. Ce à quoi vient s'ajouter l'hydrothérapie du côlon. Mise en gardeHistoriquement, si une période de jeûne, plus ou moins longue, est recommandée par nombre de religions, dont l'islam, le bouddhisme mais aussi le catholicisme, le monde médical, dans son ensemble, tire la sonnette d'alarme. À ce jour, aucune étude scientifique n'est venue corroborer les résultats bénéfiques de la détox. Au contraire même : à terme, le corps mis à rude épreuve ne goûterait guère ce type d'ascèse. Et les médecins de dire en ch?ur : rien de tel qu'une alimentation équilibrée. Si pendant les fêtes on a fait des excès : on calme le jeu. Mais on ne cède certainement pas à la tentation de malmener notre corps et de succomber aux poudres de perlimpinpin.
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