Energie solaire : l'Allemagne abaisse brutalement ses tarifs de rachat

Par Dominique Pialot  |   |  590  mots
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D'ordinaire présentée comme un modèle de concertation, la méthode allemande surprend cette fois par sa brutalité et l'ampleur des baisses annoncées, et suscite la colère d'une filière fragilisée par l'effondrement des prix et la concurrence asiatique.

Après l'Italie et la France, et alors que le gouvernement britannique se bat pour imposer une mesure similaire, c'est au tour de l'Allemagne d'annoncer une baisse imminente et brutale de ses tarifs de rachat de l'électricité d'origine photovoltaïque. Annoncée pour le 9 mars prochain, soit d'ici à deux semaines, et avec quatre mois d'avance sur le calendrier prévu, cette baisse sera de 20 à 29 %, selon les installations, deux fois plus importante que celle initialement prévue.

Résultat, ce sera 13,5 centimes d'euro le kilowattheure (kWh) pour les centrales au sol jusqu'à 10 mégawatts (MW) et pour les toitures entre 1 et 10 MW. Au-delà de 10 MW, aucune centrale enregistrée après le 1er juillet prochain ne recevra plus aucune subvention. Les installations sur toitures inférieures à 1 MW seront rémunérées à hauteur de 16,5 centimes d'euro le kWh et celles inférieures à 10 KW recevront 19,5 centimes d'euro par kWh produit. En outre, les tarifs seront désormais réduits de façon plus étalée dans le temps, sur une base mensuelle.

Les industriels allemands fragilisés

D'ordinaire présenté (notamment par les industriels français) comme un modèle d'anticipation et de concertation pour l'évolution de ces tarifs, le pays semble cette fois-ci prendre ses professionnels de court. Une cinquantaine d'entre eux, parmi lesquels Solarworld ou le fabricant d'onduleurs SMA, a d'ailleurs manifesté vendredi, au lendemain de cette annonce, brandissant la menace de milliers de destructions d'emplois. Et les cours de bourse des principaux acteurs de la filière ont perdu de 5 % à 10 %.

Face à ces protestations, les ministres rétorquent que les précédentes baisses de tarifs n'ont pas empêché le pays d'installer 7,5 GW par an en 2010 et 2011, pour un surcoût de près de 8 milliards d'euros sur la facture du consommateur. Et un objectif annuel de 2,5 à 3 GW supplémentaires est maintenu pour 2012 et 2013, alors qu'il a été un temps envisagé de le plafonner à 1 GW.

Mais ces nouvelles baisses de tarifs de rachat s'ajoutent à l'effondrement des prix au niveau mondial, liée à celui des coûts. Due à une surcapacité et à une concurrence de plus en plus rude des fabricants chinois, cette situation a déjà entraîné plusieurs faillites, dont celles, récemment, des groupes allemands Solon et Solar Millennium.

Les Chinois poussent leurs pions en Europe

Quant à Sunways, qui vient d'annoncer de très mauvais résultats, il est en passe d'être croqué par le chinois LDK, dont l'OPA lancée en décembre semble sur le point d'aboutir. En revanche, au-delà de son intérêt pour les onduleurs de Sunways, on peut se demander ce que LDK fera des usines allemandes de production de cellule solaires, dans la mesure où sa propre capacité de production en Allemagne est d'ores et déjà largement suffisante...

Cette opération pourrait en préfigurer d'autres, car une production locale permet aux groupes chinois de contourner d'éventuelles mesures protectionnistes mises en place par les pays européens.

Au Royaume-Uni, où le gouvernement fait appel de deux décisions de justice contre son propre projet de réduction des tarifs, le ministre du Changement climatique, Greg Barker, n'a pas manqué de souligner l'importance des baisses annoncées outre-Rhin. Face à quoi les industriels opposent la maturité du marché allemand (qui reste le premier marché au monde avec quelque 225 GW installés) à l'émergence du marché britannique, qui vient de franchir la barre du premier GW installé (ou 1.000 MW). Pour mémoire, la France compte aujourd'hui 2.320 MW raccordés au réseau, et une « file d'attente » estimée à 1.530 MW.