Lufthansa obtient enfin le feu vert de Bruxelles pour le rachat d'ITA Airways

Tout vient à point à qui sait attendre. C'est ce que doivent se dire l'état-major de Lufthansa et le ministère des finances italien. Après des mois d'enquête, la Commission européenne a validé le rachat de la compagnie d'Etat italienne par le groupe allemand, qui conforte ainsi sa première place en Europe devant Air France-KLM et IAG.
Léo Barnier
ITA Airways roule tout droit vers son intégration dans la « galaxie Lufthansa ».
ITA Airways roule tout droit vers son intégration dans la « galaxie Lufthansa ». (Crédits : REMO CASILLI)

Carsten Spohr a dû pousser un soupir de soulagement. Le directeur général du groupe Lufthansa va enfin pouvoir mettre la main sur ITA Airways. Le groupe allemand a obtenu, ce mercredi, le feu vert de la Commission européenne pour l'acquisition partielle - dans un premier temps du moins - de la compagnie étatique italienne, héritière de feu Alitalia. C'était le dernier obstacle à lever après trois années de négociations, de revirements et de compétition pour emporter la mise. Ce n'est pas un blanc-seing obtenu pour autant. Lufthansa va en effet devoir satisfaire à quelques contreparties exigées par Bruxelles pour valider le rachat.

Cela faisait plus de six mois que la Commission européenne menait une enquête approfondie pour déterminer les conséquences du rapprochement entre Lufthansa et ITA Airways sur le marché du transport aérien européen et le maintien du niveau de concurrence. Devant ces investigations qui traînaient en longueur, les spécialistes du secteur en venaient même à se demander si l'opération se concrétiserait un jour. D'autant plus avec le renouvellement des institutions européennes dans la foulée des élections de juin.

« À une époque où les consommateurs sont confrontés à des prix de plus en plus élevés pour les voyages aériens, il est très important de préserver la concurrence dans le secteur. C'est pourquoi nous avons évalué très soigneusement si l'acquisition d'une participation de contrôle dans la nouvelle compagnie aérienne italienne ITA par le plus grand transporteur aérien d'Europe, Lufthansa, soulèverait des problèmes de concurrence. Nous devions éviter que les passagers finissent par payer plus cher ou par bénéficier de services de transport aérien moins nombreux et de moindre qualité sur certaines liaisons à l'intérieur et à l'extérieur de l'Italie », a justifié Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la politique de la concurrence.

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Une approbation...

Les instances bruxelloises ont fini par déterminer que Lufthansa pouvait racheter ITA Airways, car « leurs activités sont dans une large mesure complémentaires, puisqu'elles opèrent à partir de différents hubs en Europe centrale et en Italie respectivement ». Elles ont aussi pris en compte le fait que « si ITA obtient de bons résultats aujourd'hui, sa viabilité à long terme en tant que transporteur autonome serait restée très incertaine en l'absence de l'opération ».

Le groupe allemand va donc pouvoir finaliser son entrée au capital de la compagnie étatique à hauteur de 41%, aux côtés du ministère italien de l'Economie qui va rester actionnaire majoritaire pour le moment. La transaction sera finalisée au quatrième trimestre de cette année pour un montant de 325 millions d'euros via une augmentation de capital, comme convenu entre le groupe allemand et l'Etat italien en mai 2023 après de longues négociations avec le gouvernement de Giorgia Meloni. Cela comprend aussi des options pour permettre à Lufthansa d'acquérir par la suite 100% du capital d'ITA Airways à partir de 2025. Ce qui est fort probable au vu de ce qu'il a déjà fait pour les autres compagnies qu'il a racheté dans les années 2000-2010.

« L'approbation de Bruxelles est une excellente nouvelle pour ITA Airways et Lufthansa et surtout pour tous les passagers qui voyagent en Italie. [...] Cette décision est également un signal clair en faveur d'un trafic aérien fort en Europe, qui peut s'affirmer avec succès dans la concurrence mondiale », s'est réjoui Carsten Spohr, directeur général du groupe Lufthansa.

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... non sans conditions

Margrethe Vestager n'a pas oublié d'exiger quelques contreparties pour autant. Lufthansa et le ministère italien de l'Economie ont donc proposé trois engagements. Le premier porte sur les liaisons court-courriers entre l'Italie et l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie, sur lesquelles le groupe Lufthansa et ITA Airways sont jusqu'ici en concurrence et qui manquent de transporteurs alternatifs.

Cela va passer par la mise à disposition « des actifs nécessaires » pour permettre à une ou deux compagnies aériennes concurrentes de lancer des vols directs entre Rome ou Milan et certains aéroports d'Europe centrale, ainsi que, pour l'une d'entre elles, des vols indirects entre des aéroports d'Europe centrale et des villes italiennes autres que Rome et Milan.

La deuxième condition touche aux liaisons long-courriers entre l'Italie et les États-Unis et le Canada. Aujourd'hui, la concurrence s'y joue essentiellement entre ITA Airways et la coentreprise transatlantique A++, qui met en œuvre une offre coordonnée entre ses membres, à savoir Air Canada United Airlines et les compagnies du groupe Lufthansa. La future ITA sous pavillon allemand propose donc de conclure « des accords avec ses concurrents pour améliorer leur compétitivité sur les liaisons long-courriers concernées, par exemple par le biais d'accords interlignes ou d'échanges de créneaux horaires ».

Cela doit permettre d'augmenter le niveau d'offre et de concurrence sur le hub de Rome ou sur Milan, les deux grands points d'entrée internationaux de l'Italie. De même, le ministère italien de l'économie et des finances devra faire en sorte qu'ITA Airways maintienne une concurrence avec Air Canada et United Airlines. Cette obligation sera levée lorsque la compagnie italienne intégrera la coentreprise A++.

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La dernière mesure porte sur le transfert de créneaux de décollage et d'atterrissage à l'aéroport de Milan-Linate pour les compagnies concurrentes qui se seront positionnées sur les dessertes court-courriers et leur permettre d'établir une base locale. Cela doit contrebalancer le renforcement du poids d'ITA sur cette plateforme stratégique pour son trafic affaires.

A ces conditions, Margrethe Vestager estime que « l'ensemble des mesures correctives proposées par Lufthansa et le ministère italien de l'économie et des finances dans le cadre de cette opération transfrontalière répond pleinement à (ses) préoccupations en matière de concurrence en garantissant le maintien d'un niveau suffisant de pression concurrentielle sur toutes les liaisons concernées. »

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Un nouveau hub vers le Sud

Déjà implanté en Allemagne avec la compagnie Lufthansa, en Autriche avec Austrian Airlines, en Suisse avec Swiss et en Belgique avec Brussel Airlines, le groupe allemand poursuit donc son expansion vers le Sud. ITA Airways devient ainsi la cinquième compagnie traditionnelle du groupe (qui compte aussi la low-cost Eurowings). Bien qu'elle soit encore loin des niveaux d'Alitalia, la compagnie grandit petit à petit depuis son lancement en novembre 2020 et le début de ses opérations près d'un an plus tard. Elle a transporté 15 millions de passagers l'an et possède désormais 23 avions long-courriers et 73 moyen-courriers en flotte.

Si elle ne compte que 69 destinations, ITA Airways apporte au groupe son hub (plateforme de correspondance) de Rome et la place forte de Milan, qui draine un important trafic affaires. Lufthansa ou Swiss se verraient ainsi bien faire passer ce flux lucratif par ses hubs de Francfort et Munich, ou Genève. Doté d'un pouvoir économique et démographique ainsi que d'une capacité d'attraction bien plus importants que la Suisse, la Belgique ou l'Autriche, l'Italie va devenir l'un des principaux marchés du groupe en termes de revenus après l'Allemagne et les Etats-Unis. Des synergies sont aussi prévues sur « le plan commercial international, le programme de fidélisation Miles & More ou encore dans l'achat d'avions et de carburant », selon Lufthansa.

« L'acquisition d'ITA Airways renforce l'internationalisation du groupe Lufthansa. Nous offrons à nos clients un choix nettement plus large de correspondances et de destinations, et avec le hub 5 étoiles de Rome, nous élargissons également notre offre premium et nous connectons mieux à notre réseau les futurs marchés stratégiques au sud de l'équateur. [...] ITA Airways nous aidera à renforcer notre position de numéro un en Europe », a déclaré Carsten Spohr pour célébrer cette opération.

Léo Barnier

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Commentaires 6
à écrit le 03/07/2024 à 18:07
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Lufthansa avec des protection d'UE monopolist le traffic aérien d'Europe. Mais Ryanair et IAG sont bcp plus efficaces d'eux. Air France est nul.

à écrit le 03/07/2024 à 15:08
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Voila les italiens débarrassés du boulet Alitalia. Ça va être la fête à Rome...

à écrit le 03/07/2024 à 14:50
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Est-ce que ça veut dire que ce sera la même chose pour IAG et Air Europa ?

à écrit le 03/07/2024 à 14:42
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Au lendemain des élections notre pays sera encore plus ingouvernable que ce qu'il était auparavant. Qui que ce soit qui occupera le poste de Premier ministre. La chienlit va envahir encore plus le Parlement le rendant incontrôlable, pendant que la po...

à écrit le 03/07/2024 à 14:41
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La bureaucratie européenne dans toute sa splendeur. Et après on s'étonne de ne pas avoir des entreprises aussi puissantes qu'aux Etats Unis.

le 03/07/2024 à 17:59
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Aux usa c'est la même chose....donc arrêtez de tirer sur l Europe ....quant à ITA, dommage que AF-KLM n'ait pas saisi leur chance voilà plusieurs année....pas mais bon, si les français étaient doués en économie, nous ne serions pas tombés à la 7e...

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