Logistique : l'avenir de Metalliance (groupe Gaussin) suspendu au tribunal de commerce de Dijon

En redressement judiciaire depuis le mois de mai, Metalliance, la filiale du groupe Gaussin, leader mondial des solutions de transport et de logistique innovantes, a reçu une offre de reprise de l’ancien directeur général, Steve Filipov, associé à un groupement d’investisseurs industriels franco-américains. Cette offre, qui inquiète fortement le patron historique et ses salariés, sera examinée ce mercredi au tribunal de commerce de Dijon. Explications.
Metalliance, à Saint-Vallier en Saône-et-Loire. (Photo d'illustration)
Metalliance, à Saint-Vallier en Saône-et-Loire. (Photo d'illustration) (Crédits : dr)

Il y a tout juste quatre ans, en 2020, Métalliance située à Saint-Vallier (Saône-et-Loire), spécialisée dans la construction d'engins logistiques destinés à la construction de tunnels et aux travaux publics, était rachetée par le groupe Gaussin (400 salariés, 35,7 millions d'euros de chiffre d'affaires, cotée à Euronext Paris). Cette société d'engineering, dont le siège se situe à Héricourt, en Haute-Saône, a vendu plus de 50.000 véhicules à travers le monde pour Carrefour, Ikéa, Michelin, et bénéficie d'une forte notoriété sur quatre marchés en pleine expansion : les terminaux portuaires et aéroportuaires, la logistique et le transport de personnes.

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 Des commandes en standby

« En tant que maison mère (Gaussin est actionnaire majoritaire à 98% de Metalliance, ndlr) nous avons augmenté le capital de Metalliance de manière significative de 10 millions d'euros en septembre 2023, puis nous avons mis en place un financement de de l'ordre de 12 millions d'euros au mois d'octobre dernier », rappelle Christophe Gaussin, directeur général du groupe éponyme, privilégiant ainsi l'augmentation de capital pour que Metalliance puisse aussi bénéficier des encours auprès des banques notamment de la Bpi. « Au total, cela représente à peu près 22 millions d'euros de financement pour que notre filiale ait les moyens de commander des composants, et maintenir de bons ratios financiers », poursuit celui qui avait déposé en avril dernier une procédure de sauvegarde.

Cette filiale devait permettre à Gaussin de renforcer ses moyens de production et de créer des synergies d'assemblage pour ses véhicules propres et autonomes, notamment pour répondre aux attentes du secteur de l'e-commerce avec des clients comme UPS ou Amazon. Le géant du e-commerce lui avait notamment passé une commande de plus de 350 engins électriques autonomes pour ses plateformes logistiques.

Une commande qui est désormais en standby puisque l'activité de production d'engins décarbonés a été arrêtée, à la suite du dépôt de bilan de Metalliance en mai dernier. Tant est si bien qu'une offre de reprise sera présentée ce mercredi au tribunal de commerce de Dijon par l'ancien directeur général délégué de Gaussin, Steve Filipov, pour un million d'euros, réparti comme suit : 900.000 euros pour l'ensemble du stock, 50.000 euros pour l'ensemble des actifs corporels et 50.000 euros pour l'ensemble des actifs incorporels.

Un consortium d'industriels

Steve Filipov revendique 30 ans d'expérience dans le domaine de la conception et la fabrication de machines de manutention, de nacelles et de grues, notamment au sein du groupe américain Terex, fondé par son père. L'homme d'affaire franco-américain avait été nommé en février dernier au poste de directeur général délégué chez Gaussin. « C'était l'une des conditions engagées par le fonds d'investissement américain, Coral reef capital, qui nous avait fait une offre de rachat de 50 millions d'euros en janvier 2024 pour l'acquisition de l'ensemble du groupe Gaussin », précise aujourd'hui le chef d'entreprise, qui avait refusé cette offre fin mars 2024.

« A la demande des administrateurs judiciaires de Gaussin, nous demandions une simple preuve de fonds.. Malheureusement, nous n'avons jamais réussi à obtenir quoi que ce soit... Naturellement la mission de Steve Filipov s'est arrêtée », enchaîne Christophe Gaussin.

Dans ce contexte tendu, Steve Filipov, s'est, lui, tourné vers plusieurs industriels et financiers, promettant d'injecter 10 millions d'euros dans le capital de Metalliance. Ces partenaires sont à la fois français (Novium, Corail-SM SAS, Sandton Capital) et américains (Mining Equipment). Une offre devant permettre la sauvegarde de 145 emplois sur les 180 emplois actuels. « C'est une reprise industrielle en priorité parce que le management est industriel et les partenaires, à part Sandton capital qui vient uniquement en investisseur financier, Mining Equipment et Novium sont dans l'industrie », souligne Steve Filipov, qui souhaite devenir PDG de la société une fois l'offre de reprise clôturée.

Une stratégie industrielle prévue en deux temps

Le projet industriel que propose Steve Filipov vise à dynamiser les activités principales de Metalliance d'ici à trois ans. D'un côté, l'activité historique des engins souterrains roulants qui permettent d'acheminer le matériel des chantiers à l'intérieur de tunnel, par exemple lors de la construction du métro de Sydney. Metalliance est l'inventeur du concept du « wagon roulant sur pneus », à double cabines, qui ne roule pas sur des rails et qui permet d'acheminer rapidement le matériel de chantier des tunneliers (jusqu'à 180 tonnes). La PME a livré 12 engins l'année dernière pour construire le métro de Sydney Ouest (11 kilomètres de tunnels entre Parammatta et le centre-ville) qui verra le jour en 2025.

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De l'autre, développer les engins à mobilité décarbonée, tels que les tracteurs industriels électriques, qui devaient honorer le contrat avec Amazon. Sur ce contrat, le groupe Gaussin était en concurrence avec des Américains qui travaillent depuis 30 ans sur place, mais aussi avec des Chinois. « Amazon a souhaité nous passer commande de l'intégralité de ce premier pack et, par la même occasion, entrer au capital à hauteur de 20% », expliquait en juillet 2023, Christophe Gaussin. Au total, 350 véhicules avaient été commandés en septembre 2022 au groupe français.

La stratégie industrielle proposée par Steve Filipov et ses partenaires se répartit en deux temps. Tout d'abord, un redressement de l'activité principale dans les cent premiers jours, consacré à la relance de l'outil industriel et la reconquête de la confiance des clients. « Nous devons honorer les 50 millions d'euros de commande qui ont été signés avec les fournisseurs précédemment », confie Steve Filipov. Ensuite, les trois premières années seront dédiées à la construction d'un plan de développement industriel et commercial, tourné très fortement vers l'innovation des produits et la transformation digitale.

Une offre qui ne passe auprès du patron et de ses salariés

Cette unique offre de reprise est toutefois critiquée par le groupe Gaussin qui dénonce une atteinte à la propriété intellectuelle et un pillage du savoir-faire français stratégique. « Le consortium de Steve Filipov annonce, dans sa stratégie de reprise, le souhait de produire un tracteur concurrent de Gaussin et être en capacité de le proposer dès 2024 à la vente », note le patron.

« Nous avons investi plus d'une centaine de millions d'euros dans la R&D pour aboutir à notre engin autonome. Or, ce qui nous semble très étrange est qu'ils indiquent pouvoir livrer 24 véhicules cette année alors que le temps de développement pour un tracteur électrique est de plusieurs années », pointe encore Christophe Gaussin.

Il ne s'oppose pas à la reprise de Metalliance par Steve Filipov et ses partenaires, mais à condition que cela ne concerne que l'activité historique de tunnelier. La partie véhicules décarbonés appartenant, elle, à Gaussin. Une cinquantaine de salariés de Gaussin manifesteront aujourd'hui devant le tribunal de commerce de Dijon pour alerter sur cette offre de reprise.

« Metalliance n'est qu'une excuse, c'est notre métier que ce groupe franco-américain veut voler ! », s'insurge Nathalie Pelissard, membre du CSE de Gaussin. « Si le tribunal accepte cette offre, certes Metalliance sera sauvé avec 145 salariés mais les 70 salariés de Gaussin, à Héricourt, mettront la clé sous la porte », s'inquiète-elle. C'est désormais à la justice de trancher.

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Commentaires 2
à écrit le 17/07/2024 à 18:40
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Ca sent l arnaque made in america ave. La complicité des financiers français pas patriotes honte sur eux que le fisc les ratisse ! …un peu comme un antiquaire brocanteur qui a flairé un actif intéressant mais acheté en lot pour noyer la valeur exact...

à écrit le 17/07/2024 à 18:40
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Ca sent l arnaque made in america ave. La complicité des financiers français pas patriotes honte sur eux que le fisc les ratisse ! …un peu comme un antiquaire brocanteur qui a flairé un actif intéressant mais acheté en lot pour noyer la valeur exact...

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