Prévu pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, puis décalé à fin 2025, le CDG Express devrait entrer en service début 2027. C'est le préfet de Paris, préfet d'Île-de-France, Marc Guillaume, qui l'a annoncé, dans la soirée du 4 novembre, aux membres du comité de pilotage sur « l'axe Nord », le faisceau ferroviaire au nord de la gare de Paris-Nord. Le haut fonctionnaire a préféré ce scénario à celui reportant les travaux après les JO pour une livraison en 2028.
2,2 milliards d'euros dont 537 millions d'euros pour les trajets du quotidien
« Nous considérons que l'Etat passe en force », réagit, pour La Tribune, le vice-président (ex-LR) d'Île-de-France Mobilités (IDFM) et délégué spécial de la région chargé des mobilités durables.
« Des impacts inadmissibles sont à prévoir avec des interruptions complètes de trafic en jours ouvrés et des réductions sur des jours classiques », ajoute le maire de Palaiseau (Essonne), Grégoire de Lasteyrie.
Censé relier en vingt minutes et pour 24 euros l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle et la gare de l'Est, le futur train est également pensé pour financer les travaux de régénération du réseau et de modernisation des lignes B et D du RER ainsi que la ligne K du Transilien entre Paris-Nord et Laon (Aisne). Sur l'enveloppe globale de 2,2 milliards d'euros, 537 millions d'euros sont ainsi affectés aux trajets de 1,6 million de voyageurs quotidiens.
« Sur le principe, c'est un bon arbitrage, mais nous serons vigilants sur les pics de travaux », déclare, de son côté, le président de l'association des usagers des transports en Île-de-France (AUT-IDF). « Le CDG-Express et les lignes existantes sont non seulement financièrement liées mais aussi techniquement, ne serait-ce que pour des questions de signalisation », poursuit Marc Pélissier, administrateur d'IDFM.
L'avenir du chantier reste encore incertain...
Un discours que ne partage pas l'opposant historique Jacques Baudrier. Pour le maire-adjoint (PCF) d'Anne Hidalgo chargé de la construction publique, du suivi des chantiers, de la coordination des travaux sur l'espace public et de la transition écologique du bâti, « c'est parti pour au moins 3 à 4 ans d'enfer jusqu'à fin 2026 ». « A mon avis, ils ne tiendront jamais le calendrier », estime le conseiller métropolitain du Grand Paris délégué au déploiement des pistes cyclables.
Une hypothèse battue en brèche par le gestionnaire d'infrastructures, qui rassemble le groupe ADP, SNCF Réseau et la Banque des territoires. « Tous ces travaux seront largement finis avant la livraison du CDG Express », assure-t-on à La Tribune. Des voies de retournement seront par exemple créées dès 2022 au Bourget et en 2023 à Stade de France pour permettre à des trains de faire demi-tour ou à des matériels roulants en panne de se rendre sur des voies de garage. De la même façon qu'un pont de 1894 va être remplacé en 2025 pour laisser passer les futurs RER à deux étages.
Il n'empêche : l'avenir de l'ensemble du chantier reste encore incertain. En novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé, partiellement, l'arrêté préfectoral autorisant la création et l'exploitation de la liaison directe. Et ce, au regard de l'article L.411-1 du code de l'environnement concernant la protection des espèces animales. Des lézards des murailles, des hérissons et des renoncules à petites fleurs qui agacent au plus haut point Valérie Pécresse.
... Pécresse veut une loi pour protéger ce grand projet
Intervenant au Sommet du Grand Paris le 21 septembre dernier, la présidente (Libres !) du conseil régional d'Île-de-France et, à ce titre, présidente d'Île-de-France Mobilités et candidate à l'élection présidentielle a prévenu que si elle était élue à l'Elysée, elle ferait voter une loi pour protéger ces grands projets.
« On ne peut pas se retrouver quatre ans après une déclaration d'utilité publique avec une annulation judiciaire. Ce n'est pas possible », a asséné Valérie Pécresse. « Il nous faut une loi qui permettra dans notre pays de considérer que quand un projet dépasse un certain montant d'investissement public, il est d'intérêt majeur par nature », a-t-elle ajouté.
Certes, le 18 mars 2021, la Cour administrative d'appel de Paris a prononcé le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil, considérant que le projet « était justifié par une raison d'intérêt public majeur et présentait un caractère sérieux ». Mais, cela ne « préjuge cependant pas de la réponse qui sera ultérieurement apportée aux requêtes de fond », soulignait également la juridiction.
Autrement dit, « si la Cour d'appel arrêtait le CDG Express, cela retarderait encore les travaux prévus pour les lignes du quotidien », met en garde le président de l'association des usagers des transports en Île-de-France Marc Pélissier. « Nous ne sommes pas à l'abri d'une annulation pure et simple », abonde le conseiller régional (ex-LR) Grégoire de Lasteyrie.
Reste à voir combien l'opération finira par coûter
D'autant qu'en théorie, le projet de loi relatif à la croissance, à l'activité et à l'égalité des chances économiques, porté par un certain Emmanuel Macron en 2015, insistait sur l'idée selon laquelle le CDG Express devait être « entièrement autofinancé et rémunéré sur les recettes d'exploitations ». « L'État et les collectivités locales ne seront en aucun cas sollicités au titre de subventions », était-il encore écrit dans le texte du ministre d'alors de l'Economie.
Sauf que dès le projet de loi de finances 2018, examiné à l'automne 2017, son successeur à Bercy, Bruno Le Maire, accordait à la liaison directe une autorisation d'engagement de 1,6 milliard d'euros. « Nous sommes l'un des derniers aéroports à ne pas avoir de liaison directe avec la capitale. C'est extraordinairement compliqué : il y a des changements, des ruptures de charge, on a sa valise, il y a des enfants qui courent partout... », avait justifié le ministre de l'Economie et des Finances en novembre 2017, interrogé au Forum Smart City Paris organisé par La Tribune.
Reste donc à voir combien l'opération finira par coûter. En mai 2019, à la suite du premier report, la ministre des Transports d'alors, Elisabeth Borne, avait chiffré le surcoût à « quelques dizaines [de millions d'euros, Ndlr], une centaine au maximum ». Aujourd'hui, l'opposant communiste, Jacques Baudrier, évoque 3 milliards d'euros. « Personne ne sait d'où vient ce chiffre », s'étonne-t-on, en revanche, du côté de la société CDG Express.
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