« Nous sommes la plus belle marque mondiale de vacances “lifestyle” » (Henri Giscard d’Estaing, président du Club Med)

ENTRETIEN - L'entreprise, qui fête les deux décennies de son virage stratégique, a réalisé en 2023 un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros.
Henri Giscard d'Estaing, président du Club Med
Henri Giscard d'Estaing, président du Club Med (Crédits : © LTD / Club Med)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Le Club Med fête les 20 ans de sa montée en gamme. Une stratégie que beaucoup jugeaient alors irréaliste. Comment s'est-elle imposée ?

HENRI GISCARD D'ESTAING - À mes yeux, aucun autre choix n'était possible. Ce qui rendait, en un sens, la décision plus facile à prendre. Sans cette transformation, l'entreprise aurait tout simplement disparu. De multiples exemples le prouvent dans le tourisme, mais aussi dans la mode ou le luxe : un positionnement intermédiaire signifiait une condamnation à plus ou moins long terme. Si nous y sommes parvenus, c'est en partie à cause d'une erreur sur le temps nécessaire à cette transformation.

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Aviez-vous pensé que ce serait plus rapide ?

Je n'aurais en tout cas pas imaginé que cela prendrait vingt ans ! Une décennie semblait suffisante. Si nous avions su qu'il en faudrait le double, peut-être ne l'aurions-nous pas tenté. Mais les épreuves et les crises se sont succédé, des attentats de Bali en 2002 au printemps arabe en passant par le tsunami de décembre 2004 et la crise financière. Puis la pandémie. Chaque fois que nous avions l'impression que notre stratégie portait ses fruits, un événement majeur remettait tout en question.

Quelles ont été les étapes clés ?

Plusieurs facteurs ont transformé notre modèle économique. En vingt ans, nous avons fermé 85 villages, soit davantage que les 70 resorts que nous exploitons aujourd'hui. Notre patrimoine immobilier, acquis grâce à nos prédécesseurs, nous a permis de financer en partie la montée en gamme. Nous avons malheureusement perdu au passage un grand nombre de clients, pour qui le Club Med n'était plus accessible. Il a donc fallu en conquérir de nouveaux. L'entreprise s'est concentrée sur une cible familiale, où nous avions un avantage compétitif incontestable.

Lequel ?

Les familles qui choisissent de partir ensemble dans le segment haut de gamme du marché touristique sont une clientèle fidèle et résiliente - elles ont été les premières à souhaiter voyager de nouveau après la pandémie. Mais cette cible a contraint l'entreprise à s'internationaliser en profondeur : dépendre d'une seule zone géographique et d'une unique période de vacances scolaires aurait empêché de construire un modèle rentable. Pour des raisons identiques, nous avons opté pour le contrôle de la distribution de nos produits, contrairement à beaucoup de nos concurrents. D'où des investissements massifs dans le numérique, et la fusion en 2015 du marketing, du numérique et des systèmes d'information. L'un des apports précieux de Fosun, notre actionnaire, a été son expertise technologique, notamment dans les réservations effectuées sur les smartphones, et plus uniquement sur des ordinateurs ou tablettes : 73 % des ventes s'effectuent aujourd'hui par distribution directe. Au total, entre le numérique, la maintenance et les projets en développement, nous investissons 100 millions d'euros chaque année. Avec nos partenaires immobiliers, ce montant atteint 400 millions d'euros par an depuis le Covid.

L'entreprise s'est concentrée sur une cible familiale, où nous avions un avantage compétitif

Où en êtes-vous du côté de l'IA ?

Le Club Med a sa propre data factory depuis deux ans déjà. Grâce à une coentreprise avec Thales et Google, la totalité de nos données seront cryptées en France. Et, sur certains canaux, dont WhatsApp, utilisé pour les réservations en priorité dans des pays comme le Brésil ou Israël, les réponses aux questions des clients sont désormais issues de l'intelligence artificielle.

Comment les sites du Club Med se sont-ils adaptés à la transformation ?

Grâce à une volonté délibérée d'optimisation. Comme l'illustre l'exemple de Marrakech, où le rachat de terrains nous a permis d'inaugurer cette semaine un nouvel espace. Les villages sont des structures à coûts fixes : il faut utiliser tout leur potentiel sans que les clients aient l'impression d'y être trop nombreux. Là encore, l'internationalisation est un atout majeur : selon leur nationalité, les familles ne prennent pas toutes leurs repas à la même heure !

Comment se présente 2024 ?

Malgré un environnement géopolitique complexe, le chiffre d'affaires et la marge opérationnelle atteindront à nouveau un niveau record au premier semestre, après une performance remarquable en 2023. Cet été sera en croissance, moins élevée que pendant le précédent puisque la dynamique avait été exceptionnelle. Le Club Med s'affirme comme la plus belle marque mondiale de vacances lifestyle, un positionnement longtemps méprisé mais très convoité aujourd'hui. Nous avons la capacité d'aller là où les autres ne vont pas. Les investisseurs l'ont bien perçu.

C'est aujourd'hui l'anniversaire de l'élection de votre père à la présidence de la République. Quels souvenirs en avez-vous ?

À titre personnel, de la joie, bien sûr. J'avais fait campagne pour lui. Même si je savais que cette victoire changerait nos vies. Au titre de citoyen, je me souviens de la modernité. Celle des révolutions sociétales. Industrielles aussi, avec la mise en place du parc nucléaire, dont le développement a malheureusement été interrompu ces vingt dernières années. Une période joyeuse, un pays apaisé, avec une explosion de talents dans tous les domaines.

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