L'Espagne inflige une amende record à Booking.com pour « abus de position dominante »

Accusée d' « abus de position dominante », la plateforme néerlandaise s'est vu infliger par le gendarme de la concurrence une amende inédite de 413 millions d'euros. Le groupe a néanmoins fait appel.
Le gendarme de la concurrence espagnol a infligé ce mardi une amende record de 413 millions d'euros à la plateforme néerlandaise de réservations d'hôtels Booking.com.
Le gendarme de la concurrence espagnol a infligé ce mardi une amende record de 413 millions d'euros à la plateforme néerlandaise de réservations d'hôtels Booking.com. (Crédits : DADO RUVIC)

Le gendarme de la concurrence espagnol a infligé ce mardi une amende record de 413 millions d'euros à la plateforme néerlandaise de réservations d'hôtels Booking.com, accusée d'« abus de position dominante » au détriment du secteur hôtelier en Espagne.

Cette amende, contre laquelle le groupe a aussitôt annoncé faire appel, est la plus importante jamais infligée en Espagne pour des pratiques anti-concurrentielles, a précisé à l'AFP une porte-parole de la Commission nationale des marchés et de la concurrence (CNMC). Qui plus est, elle survient alors que la saison touristique bat son plein en Espagne, deuxième destination mondiale après la France.

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Une politique commerciale déloyale

Dans un communiqué, la CNMC justifie sa décision par la politique commerciale selon elle « déloyale » de Booking, qui a « abusé de sa position dominante » en imposant « un certain nombre de conditions » jugées inéquitables aux hôtels espagnols référencés sur sa plateforme.

Le gendarme de la concurrence relève ainsi « une clause de prix » interdisant aux hôtels de proposer leurs chambres sur leurs propres sites à un tarif inférieur à celui de Booking et le fait que la plateforme « se réserve la possibilité de baisser » de façon unilatérale « le prix » des chambres.

Il pointe également du doigt le « manque de transparence » du géant néerlandais vis-à-vis des établissements hôteliers partenaires, qui empêche ces derniers « de prendre des décisions éclairées » concernant leur participation aux programmes préférentiels de la plateforme, comme « Preferente Plus et Genius ».

La CNMC épingle enfin les critères retenus par Booking dans son référencement par défaut des hôtels avec lesquels il travaille, consistant à faire apparaître en premier les établissements ayant effectué un grand nombre de réservations par son intermédiaire. « Cela incite les hôtels à effectuer leurs réservations en ligne uniquement via Booking.com », ce qui empêche la pleine « concurrence des autres agences de voyage », juge la CNMC, qui précise avoir imposé à Booking un « certain nombre d'obligations » pour garantir que ces pratiques « ne se poursuivent » pas « à l'avenir ».

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Booking affiche son désaccord

Dans une réaction transmise à l'AFP, Booking a assuré être « en profond désaccord avec la conclusion de l'enquête » de la CNMC, lancée après une plainte de l'Association espagnole des directeurs d'hôtels (AEDH). Il a par ailleurs annoncé qu'il comptait « faire appel de cette décision sans précédent ».

« Booking.com exerce au sein d'un secteur hautement compétitif et d'une industrie caractérisée par un vaste choix pour les entreprises comme pour les consommateurs », or « la décision rendue aujourd'hui ne prend pas ce choix en compte », poursuit le groupe, qui dénonce un « manque de cohérence ».

Booking invoque les règles du DMA

La plateforme néerlandaise avait elle-même annoncé l'ouverture de cette enquête en février, à deux semaines de l'entrée en vigueur de la loi européenne sur les marchés numériques (DMA). Elle avait alors indiqué risquer une condamnation de 530 millions de dollars (489 millions d'euros). Booking avait à l'époque remis en cause la légitimité de la CNMC à infliger cette amende, au regard des règles du DMA, qui s'appliquent au niveau européen.

« Nous sommes convaincus que le Digital Market Act de l'Union Européenne représente le cadre pertinent pour discuter et adresser les principales préoccupations exprimées par le CNMC, constituant une opportunité de convenir de solutions applicables à toute l'Europe plutôt que pays par pays », a insisté une nouvelle fois mardi le groupe néerlandais.

Pour rappel, le DMA, entré en vigueur le 7 mars, a imposé une nouvelle série d'obligations et d'interdictions aux entreprises numériques afin d'accroître la concurrence dans ce secteur. Il fait l'objet d'un intense bras de fer entre la Commission européenne et les entreprises concernées, dont certaines ont introduit des recours.

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Le DMA s'applique à des groupes disponibles dans au moins trois pays européens, qui dépassent 75 milliards d'euros de capitalisation boursière ou 7,5 milliards de ventes en Europe, et comptent au moins 45 millions d'utilisateurs finaux actifs et 10.000 entreprises utilisatrices en Europe. Ainsi, outre Booking, plusieurs mastodontes du numérique sont désormais contraints d'appliquer ces nouvelles règles, à l'image d'Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft et du réseau social TikTok, propriété du groupe chinois ByteDance.

Précédente amende en Hongrie

Ce n'est cependant pas la première fois que Booking, qui a atteint une part de marché supérieure à 60% en Europe au cours des dix dernières années, écope d'une amende dans un pays européen. La plateforme s'est vu infliger mi-juillet une amende d'un million d'euros en Hongrie, où les autorités lui reprochent d'exercer une « pression psychologique » sur ses clients pour les pousser à réserver. En 2020, le pays avait déjà sanctionné la société basée à Amsterdam à hauteur de 7 millions d'euros pour des tactiques de vente faisant croire à de bonnes affaires et des annonces trompeuses, en violation de la législation européenne.

En France, la plateforme a subi un contrôle de la part des autorités fiscales françaises portant sur la période 2006-2018. La plateforme a annoncé en 2023 avoir conclu avec les autorités fiscales françaises un « accord amiable » prévoyant le paiement de 153 millions d'euros pour un redressement fiscal portant sur la période 2006-2018.

La filiale du géant américain Priceline Group depuis 2005 avait fait l'objet d'un premier contrôle portant sur ses activités en France sur une période comprise entre 2003 et 2012. En 2016, la plateforme s'était vu notifier un redressement de 356 millions d'euros par le fisc français, avec qui il a ensuite négocié pour arriver à un accord.

Le site Booking tire la sonnette d'alarme sur les arnaques aux voyages liées à l'IA

La cheffe de la sécurité internet de la plateforme néerlandaise de réservation d'hôtels Booking recommande de se méfier des escroqueries réalisées à l'aide d'intelligences artificielles (IA) surpuissantes. Marnie Wilking, responsable de la sécurité de l'information chez Booking, estime que l'IA générative a provoqué une explosion des escroqueries via le « phishing » (« hameçonnage ») et que le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, longtemps épargné, est également devenu une cible.

« Depuis un an et demi, toutes industries confondues, on constate une augmentation de 500 à 900% des attaques, notamment de "phishing", dans le monde entier », indique-t-elle en marge de la conférence technologique Collision à Toronto.

Le « phishing » consiste en un vol d'identité ou d'informations confidentielles (codes d'accès, coordonnées bancaires...) par subterfuge, via un lien contenu dans un courrier électronique. Un système d'authentification est simulé par un utilisateur malveillant, usurpant l'identité d'organismes officiels, comme les banques, les plateformes de livraison ou les autorités douanières. L'objectif est de convaincre la victime de visiter le site frauduleux, qui ressemble au site authentique, pour qu'elle y rentre des informations confidentielles. Les sites web de voyage peuvent constituer une mine d'or pour les escrocs qui pratiquent le hameçonnage, car les voyageurs doivent souvent communiquer les détails de leur carte de crédit ou télécharger une pièce d'identité.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 31/07/2024 à 14:31
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C'est pourquoi je boycott cette société. Je suis toujours étonné que les états négocient avec Booking le montant de l'amende finale. Le fisc ferait-il la même chose avec moi si j'avais fait un écart ????

à écrit le 31/07/2024 à 10:43
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Plus grave: certains hôtels (notamment à México) n'appliquent pas le prix annoncé par Booking, et Booking ne rembourse pas la différence. J'ai ainsi réservé une chambre à 180€ sur Booking non remboursable: l'hôtel a aussitôt confirmé...à 210€. Et ...

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