Baisse du pouvoir d'achat, "mur de dettes"... : le tourisme va-t-il se relever dans les Pays de la Loire ?

Au lendemain de deux années compliquées, voire à l'arrêt avec le Covid, la transition écologique va-t-elle rebattre les cartes du tourisme, un secteur crucial dans les Pays de la Loire ? Si les perspectives 2022 s’annoncent au beau fixe, l’avenir de la filière et l’attractivité du territoire dépendront de l’audace des exploitants d’établissements touristiques. Fragilisés par la crise, ils vont devoir investir pour répondre aux nouvelles exigences des consommateurs qui plébiscitent le "slow tourisme", avec plus de vert pour séjourner, dormir... mais aussi dans les assiettes.
La période post-confinement est propice au développement d'offres touristiques et d'hébergement proche de la nature, comme ici, avec les Tiny house, développées par l'angevin Slow Village sur six sites en France, dont Lacanau et l'île de Ré ouverts en 2022.
La période post-confinement est propice au développement d'offres touristiques et d'hébergement proche de la nature, comme ici, avec les Tiny house, développées par l'angevin Slow Village sur six sites en France, dont Lacanau et l'île de Ré ouverts en 2022. (Crédits : Slow Village)

« C'est un mauvais investissement, de ralentir l'investissement ! Le jour où les hôtels ne sont plus adaptés à la clientèle nationale et internationale, vous perdez de la clientèle...», s'efforce de convaincre Franck Louvrier, vice-président de la région des Pays de la Loire, en charge du tourisme, qui vient de refondre le Schéma régional de développement du tourisme et des loisirs pour accompagner la filière vers de nouveaux horizons au cours des six prochaines années. Un secteur fragilisé par la crise sanitaire, dont les ressorts, maintenus en état par les plans de relance, devront néanmoins être en capacité de s'adapter aux nouvelles envies des consommateurs.

Si en 2021, l'économie des Pays de la Loire s'est, selon la Banque de France, distinguée « par une forte capacité de résilience, dans un contexte sanitaire difficile accompagné de tensions sur les coûts, les conditions d'approvisionnement et les recrutements », les mesures sanitaires ont eu un fort impact sur la filière du tourisme. Particulièrement dans l'hôtellerie-restauration, où les chiffres d'affaires ont baissé de -11,8%. « Mais les perspectives pour 2022 laissent apparaître un horizon dégagé pour les activités de services, dont le tourisme sera un fort levier de croissance », esquissait la direction régionale Pays de la Loire de la Banque de France, quelques semaines avant la guerre en Ukraine.

« Ce que l'on veut éviter, c'est un ralentissement ou un arrêt total des investissements dans le secteur du tourisme où près d'une entreprise sur deux, a contracté un PGE. Elles sont face à un mur de dettes qu'il va bien falloir rembourser d'ici à 2023. Certes, le tourisme a passé la vague de la crise sanitaire, mais il s'est fortement fragilisé », observe, de son côté, Franck Louvrier.

3,8% des PGE français

Pour Jean-Yves Galerne, délégué régional de la Fédération bancaire Pays de la Loire, ce « mur de dettes » est dû à un cumul de créances d'origines variées. « Pendant la crise Covid, pour assumer leurs charges fixes, beaucoup d'entreprises ont dû recourir au report de leurs échéances de prêts contractés avant la crise ou solliciter à leurs banques des PGE. Il est impossible de déterminer avec précision le montant total des reports d'échéances des prêts contractés antérieurement à la crise par les entreprises touristiques ».

Au niveau national les PGE accordés aux entreprises du tourisme totalisent 11,5 milliards d'euros sur les 143 milliards d'euros accordés à l'économie française sous forme de PGE. Dans les Pays de la Loire où le tourisme concentre 14.000 entreprises, 44.300 emplois (65.000 si l'on intègre les saisonniers) et génère un chiffre d'affaires annuel de 6,9 milliards d'euros, la crise Covid aurait provoqué un recul d'activité de près de 40% entre 2020 et 2021. Une dégradation sensiblement moins importante qu'au plan national où le retrait dépasse les 50%.

En matière de PGE, le poids des Pays de la Loire, qui habituellement compte pour 5% des données nationales, représente 3,8%, soit 5,45 milliards d'euros sur 143 milliards d'euros et 2,8% pour le seul secteur de l'hôtellerie-restauration ligérien qui dénombre 4.291 bénéficiaires contre 101.010 au plan national. Avec un montant moyen de 72.200 euros par bénéficiaire contre 110.000 euros dans l'hexagone. « L'existence de l'endettement est certaine mais l'assiette est moins conséquente qu'au plan français avec, en parallèle, une reprise régionale assez vigoureuse en 2022 en termes d'activité sur ce secteur», remarque Jean-Yves Galerne.

Si les saisons estivales 2020 et 2021 ont, finalement, été plutôt favorables, l'activité n'a cependant pas retrouvé le rythme de 2019. « Et surtout, la situation est très contrastée selon les périodes et les territoires » mentionne l'Insee dans son bilan 2021, où entre mai et septembre 2021, la fréquentation a chuté de -6% dans les campings et -15%  dans les hôtels par rapport à 2019. Globalement en baisse de 8%, la fréquentation dans les hébergements touristiques (16,5 millions de nuitées) affiche un recul comparable à la Bretagne et à la Nouvelle-Aquitaine, mais nettement moins que la moyenne métropolitaine qui plonge de -17%. A l'aéroport de Nantes Atlantique, le trafic n'a lui non plus retrouvé les couleurs de l'année record de 2019 avec 7,2 millions de passagers. En 2021, les compteurs affichaient 3,2 millions de passagers. Moitié moins. Tout comme les mouvements d'avions, tombés pour la même période de près de 70.000 à 35.923.

Une montée en gamme du plein air

Dans ce contexte, les campings tirent leur épingle du jeu en profitant de la baisse du pouvoir d'achat. « Ce que l'on constate, affirme Mathieu Defresne, directeur régional de BPIFrance Pays de la Loire, c'est, qu'au-delà des impacts extrêmement forts dans l'hôtellerie et l'évènementiel, la pandémie conduit à un bouleversement dans les attentes et habitudes de la clientèle, qui s'oriente de plus en plus vers l'hôtellerie de plein air et recherche des modes d'hébergement en phase avec leur valeur, les transitions énergétiques et écologiques. D'où une certaine montée en gamme qui est en train de s'opérer. Beaucoup des projets naissants sont une conséquence de la crise sanitaire.»

A ses yeux, le secteur du tourisme se concentre et beaucoup d'acquisitions ou d'opérations de croissance externe nécessitent un recours aux fonds propres. A travers le Fonds Avenir et Soutien Tourisme (Fast) auquel la région est une des rares a avoir souscrite, BPIFrance a soutenu six (hôtellerie de plein air, hôtel, restauration, agent de voyage...) des quarante opérations retenues par ce dispositif national. 1,6 million a été octroyé sous forme d'obligations convertibles, remboursables sur huit ans (jusqu'à 400.000 euros) pour soutenir des projets de transition environnementale, de digitalisation, de nouveaux modèles de consommation... A l'instar de l'opération menée par le réseau angevin de campings, villages-vacances et hôtels "eco-friendly" Slow Village où BPIFrance et BNP Paribas développement sont entrées au capital en 2020 pour accélérer son développement et permettre l'acquisition de deux nouveaux sites touristiques à Lacanau et l'île de Ré.

Un rebond de plus de 34% attendu en 2022

Le concept adopte les codes et les valeurs du Slow tourisme. A savoir, des lieux proches de la nature, peu consommateurs d'énergies, dans des hébergements eco-friendly, que ce soit dans un camping, un manoir , un hôtel ou un village-vacances, avec de la restauration produite à partir de produits locaux, bio, etc. «  La réaction post confinement a été de sortir, de se rencontrer et de se connecter à la nature, ce qui a conforté notre positionnement », explique David Letellier, PDG de Slow Group (Slow Village). « On a fait appel aux PGE, bénéficié des aides gouvernementales, créé de la dette, mais on a réussi à tenir nos objectifs, maîtriser nos résultats et limiter l'impact de la crise. A en croire les financiers qui nous ont rejoint, on serait plutôt bon élève», concède-t-il. Malgré les fortes restrictions sanitaires, « la filière de l'hébergement-restauration, soutenue par des mesures gouvernementales, enregistre une progression de sa rentabilité », relevait la Banque de France en début d'année dans une enquête auprès des chefs d'entreprise. «Après deux années difficiles pour le secteur touristique, un rebond de +34,6% est attendu en 2022 dans le secteur de l'hébergement-restauration, qui table sur une amélioration de ses marges et dont les investissements « significatifs » devraient progresser de +17,7% », indique-t-elle.

La Foncière Solution Immo Tourisme s'adapte

« C'est un secteur actif, S'il est un des rares à ne pas avoir retrouvé le niveau d'avant la crise, l'activité repart en ce début d'année 2022», reconnaît Philippe Jusserand, directeur régional Pays de la Loire de la Banque des Territoires, co-fondatrice de la foncière Solution Immo Tourisme, avec le conseil régional pour permettre aux exploitants d'établissements touristiques en difficulté de retrouver du cash et d'engager des projets de développement.

Après le démarrage timide d'une formule de lease-back (cession de bail) où le propriétaire se délestait de son bien immobilier pour dix ans à quinze ans en devenant temporairement -ou pas- locataire, jusqu'à « retour à meilleur fortune », les protagonistes de la foncière ont finalement fait évoluer leur offre. «Nous avons enrichi les modalités de la foncière et mis en place la vente à tempérament, qui lui permet de redevenir systématiquement propriétaire au bout de un à deux ans. Ça a pu faire changer positivement le regard de certains propriétaires-exploitants en difficultés, mais attachés à leur propriété. On touche à la valorisation du bien », remarque Philippe Jusserand. De fait, de trois projets (hôtel, camping, brasserie), le dispositif, une première en France observée de près par les régions Grand Est et l'Ile-de-France, instruit actuellement dix nouveaux dossiers, dont les critères environnementaux sont systématiquement observés. « C'est devenu une de nos priorités comme la rénovation énergétique des bâtiments, le tourisme vert, etc », insiste Philippe Jusserand. Des initiatives que la Banque des Territoires encourage.

Le premier centre d'œnotourisme de France

Comme ici, à Nantes, en soutenant la reprise du parc de loisirs des Naudières par le groupe Wikiparks ou en investissant avec l'UCPA dans un complexe de loisirs urbains dans le quartier Malakoff à Nantes, ou là, au Sud de Saumur, où elle investit six millions d'euros pour faire aboutir un projet de 43 millions d'euros porté par le groupe RVG (Régis Vincenot Group). Objectif : transformer le site du château de Parnay (49) pour devenir le premier centre d'œnotourisme de France, avec un hôtel de 58 chambres et huit suites, un restaurant gastronomique et spa troglodytique et un parcours autour de la vigne et de la biodiversité. L'ouverture est programmée pour 2024. L'investissement est par ailleurs soutenu par les collectivités locales dont la région, qui, après le soutien aux camping, hôtels et restaurants devraient, très prochainement, annoncer l'élargissement de ses dispositifs au tourisme culturel, patrimonial et équestre pour des prêts de 15.000 à 800.000 euros. Un domaine qui vient s'ajouter à l'agritourisme, au nautisme, à l'œnotourisme et au vélo. Avec plus de 3.000 km d'itinéraires cyclables inscrits au Schéma régional des Véloroutes, dont le fameux circuit de la Loire à Vélo partagé avec la région Val de Loire et fréquenté chaque année par plus d'un million de cyclistes, la région des Pays de la Loire entend devenir le leader du cyclotourisme en France. Une manière de consolider le marché domestique, attirer à nouveau les clientèles étrangères qui se sont déroutées pendant la crise et répondre aux exigences du tourisme de demain.

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Commentaires 4
à écrit le 10/05/2022 à 14:41
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finalement, la privation des droits civiques par le pass a permit finalement de prendre l'habitude de ne plus consommer aux endroits possibles ! du coup, la frustration sera sans doute pour ceux victimes du consumérisme !

à écrit le 10/05/2022 à 11:12
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Restos, hôtels, les prix explosent , trop cher de passer ses vacances en France.

le 10/05/2022 à 11:32
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@BA Je ne prends plus l'avion et je passe mes vacances en France. Plus cher ? Au final, pas sûr si on tient compte de toutes les contraintes et frais occasionnés par un voyage à l'étranger. Des vacances plus sereines ? Assurément.

à écrit le 10/05/2022 à 10:35
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Je ne m'en fais absolument pas pour toutes ces régions touristiques secondaires, l'air, la nature, l'espace suffisent amplement à reposer un touriste ne vous en faites surtout pas surtout avec des prix qui explosent au bord des mers et océans pollués...

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