Porté par l'essor du lin, le normand Depestele inaugure sa troisième usine

Premier producteur privé de fibres de lin en Europe, le groupe familial normand Depestele s’est offert une troisième usine de teillage pour 20 millions d’euros en réponse à l’essor spectaculaire des surfaces cultivées.
Le teillage est une opération mécanique qui permet de séparer les fibres textiles du bois et de l'écorce par broyage et battage.
Le teillage est une opération mécanique qui permet de séparer les fibres textiles du bois et de l'écorce par broyage et battage. (Crédits : Depestele)

Des champs à perte de vue et, au milieu, une usine flambant neuve. Arrivée de Belgique après la seconde guerre mondiale avec armes, bagages et savoir-faire, la famille Depestele continue de creuser son sillon en Normandie : un terroir béni du lin « qui aime le temps changeant » comme le rappelle Marc, son président, rejeton de la quatrième génération. Devenu le premier producteur privé de fibres de lin en Europe, le groupe familial vient de couper le ruban de sa troisième unité de teillage ( la première transformation de la plante après récolte et séchage ). Elle vient compléter celles de Valmartin en Seine-Maritime et de Bourgebus dans le Calvados.

Fort d'un chiffre d'affaires qui a doublé en trois ans pour atteindre 160 millions d'euros, l'entreprise s'est transplantée cette fois au cœur du Vexin. Plus précisément à Saussay-la-campagne dans l'Eure, où elle est assurée de collecter la quasi-totalité de sa matière première dans un rayon de 20 kilomètres. « Cela représentera une grosse économie de transports en camion pour nos producteurs », précise Vincent, directeur général. Le groupe (175 salariés aujourd'hui) a investi 20 millions d'euros dans cette unité qui emploiera à terme une cinquantaine de personnes, avec l'assurance de tourner à plein régime. « Elle est déjà saturée et le sera encore à la mise en route de la troisième ligne », indiquent ses dirigeants.

« En Chine, les cadres s'habillent en lin »

Car la plante libérienne, que le teilleur achète entre 800 et 2.000 euros la tonne à ses « agriculteurs partenaires » (presque huit fois plus que le blé au cours actuel), a le vent dans le dos. Les surfaces cultivées ont plus que doublé en Europe au cours de la dernière décennie pour répondre à l'appétit grandissant des filateurs et fabricants chinois. « Ce sont eux qui ont permis à notre marché de reprendre de la vigueur après le déclin de nos filatures. Mais aujourd'hui, ils ne sont plus seulement façonniers. En Chine, les cadres s'habillent en lin », souligne  Marc Depestele.

De facto, c'est dans l'empire du milieu que s'écoule encore 80% de la fibre produite en Europe. Un autre petit quart file se faire filer en Inde et seulement un dixième est transformé sur le vieux continent malgré quelques tentatives louables -en Normandie, Bretagne et Hauts de France- de réanimer des filatures. « On ne peut pas encore parler de réindustrialisation », tempère le Normand qui table cependant sur une augmentation dans les prochaines années grâce au Portugal où « un projet de filature de taille industrielle est en projet ».

La poussée des composites

Pour sécuriser ses débouchés, Depestele mise aussi sur les composites : un secteur très carboné qui se montre de plus en plus friand de fibres naturelles jusqu'à peser 10% du marché du lin aujourd'hui. Illustration de cette volonté, le groupe a pris une participation minoritaire au capital du constructeur allemand de bateaux de plaisance Greenboats. Installé à Brème, celui-ci s'est mis en tête de « démocratiser » la fibre de lin qu'il allie avec des résines partiellement biosourcées.

Le teilleur normand lui fournit un ruban spécifiquement conçu qu'il transforme dans son usine du Calvados. « Ce partenariat nous a permis de franchir une marche, assure Loris Schimanski, business développeur de Greenboats. Nous démontrons à travers lui que c'est un produit technologique stable et meilleur que la fibre de verre, plus léger et plus durable ». L'entreprise, qui lance ces jours-ci la commercialisation d'un camping-car entièrement fabriqué en fibres de lin, se flatte aussi d'avoir réalisé plusieurs prototypes dont le capot d'une turbine d'éolienne « qui fonctionne à Rotterdam ». Confirmation, s'il en fallait, que la plante à fleur bleue a le vent dans le dos.

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